MARUTA (usa) - Remain Dystopian (2015)
Label : Relapse Records
Sortie du Scud : 2 juin 2015
Pays : France
Genre : Death Grind
Type : Album
Playtime : 17 Titres - 28 Mins
Dystopie :
"Récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur."
Ca vous dit quelque chose ? Un truc vous chagrine ? Plusieurs ? Oui en effet. La Dystopie de nos jours s'appelle tout bêtement la réalité. La société, la démocratie, le totalitarisme, etc.
Merci à tonton Relapse de nous garder les pieds sur terre en distribuant ce troisième album des flingués Death/Grind floridiens de MARUTA. En choisissant comme patronyme la délicate appellation donnée aux prisonniers du camp 731 destinés à être charcutés, le quatuor a mis les choses au point dès le départ. En tant que public potentiel, ils ne nous considèrent donc que comme de la chair à boucherie sonore, mais il faut quand même leur concéder une pratique chirurgicale de la chose...
Trois albums à leur actif, et pas mal d'autres formats, leur style est rodé, pas de doute. Ils font même partie de la crème du genre, et Remain Dystopian ne les fera certainement pas tomber de leur piédestal. après, à vous de voir comment appréhender la "chose". D'une façon rationnelle, en tant que déconstruction ultime de la musique, avec son lot de cassures rythmiques et d'absence totale d'harmonie, ou bien comme un gigantesque pavé dans la tronche, un peu comme si le plafond s'écroulait sur votre petit deux pièces dans un fracas immense pendant que votre chien hurle à la mort.
Non, en étant objectif et rationnel, ce nouvel album de MARUTA est à la hauteur de son titre d'une façon descriptive, mais représente son antithèse en termes de jouissance bruitiste. Dix sept morceaux en tir de barrage frontal, une agression de tous les instants, sans aucune empathie pour une quelconque forme de musicalité. Ne tombant jamais dans le piège du Death/Grind trop traité ou trop Gore, les floridiens restent fidèles à une ligne de conduite, presque une éthique qui permet à leurs morceaux de conserver cette savoureuse patine analogique.
On pense souvent à un BRUTAL TRUTH vraiment chafouin, mais rarement la bande à Lilker aura réussi à atteindre une telle cohésion rythmique. C'est simple, on a parfois le sentiment que l'axe guitare/basse/batterie est complètement soudé, et indivisible. L'abattage de Danny Morris au kit est tout bonnement hallucinant, même si certaines parties de double trop triggées agacent l'oreille. Mais collées aux riffs dissonants de la paire Eduardo Borja/Mauro Cordoba, l'efficacité est optimale, et tout ça prend de sérieux airs de bulldozer dont on aurait oublié le frein à main.
La vitesse sidérante ne connaît que peu de passages à vide, mis à part sur les deux segments les plus longs, "Submergence aka Barren Oceans of Infinity" (avec Jay Randall d'AGORAPHOBIC NOSEBLEED en guest), et "Return To Zero", tous deux lourds, poisseux et glauques à souhait.
Notons aussi les participations éclair de J.R. Hayes (PIG DESTROYER), et Tomas Lindberg (AT THE GATES), venus prêter main forte à un album qui se suffisait pourtant à lui même. Aussi ludiques soient ces participations, il ne faut pas y voir plus qu'un petit bonus offert par un groupe au sommet de sa forme. Il est assez incroyable de constater l'étendue des thèmes utilisés dans un laps de temps aussi réduit, et les riffs se multiplient comme les proverbiaux petits pains. Loin de se contenter d'un jet de projectile unidirectionnel, MARUTA tisse un véritable labyrinthe sonore, et se permet parfois trois ou quatre motifs en moins d'une minute et trente secondes. Et lorsqu'un morceau passe la barre des deux minutes ("Hope Smasher"), c'est un véritable festival d'idées bouillonnantes qui transforment l'étuve en cuve de lave en fusion.
En sus de cette faculté sidérante à trouver des motifs variés, les deux guitaristes peuvent s'appuyer sur un batteur qui n'est jamais à court d'une petite trouvaille délirante (les accélérations de "Genocide Interval", les cymbales virevoltantes du terrifiant "Erode" et sa valse des baguettes, les breaks hallucinants de précision de "The Void Within" ou "I, Usurper").
En gros comme en détail, Remain Dystopian est tout ce que l'on peut attendre d'un excellent album de Death Grind extrême. Hyper violent presque de bout en bout, se laissant parfois aller à la lourdeur, rempli d'idées originales et efficaces, soutenu par des musiciens loin d'être des débutants...
C'est surtout un LP qui ne vous prend pas pour des imbéciles. Ultra bourrin mais intelligent, classique mais créatif, c'est une réussite, et le meilleur boulot de MARUTA à ce jour. Enveloppé dans une production un peu sourde et compressée qui lui sied à merveille, c'est le meilleur choix Grind à faire pour entamer un été qui s'annonce torride.
La Dystopie est donc loin d'être l'apanage des floridiens. Leur opus étant tout sauf fictif, et procurant bien du bonheur.
Dommage les gars, il va falloir apprendre à devenir mauvais et banal pour approcher votre but philosophique.
Pour l'instant, votre musique relève plus de l'utopie.
Ajouté : Vendredi 02 Octobre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Maruta Website Hits: 5360
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