MERCY BROWN (usa) - Mercy Brown (2015)
Label : Birdhouse Squirrel Recordings
Sortie du Scud : 17 mars 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Néo Thrash Core
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 55 Mins
Le mélange des genres, je suis plutôt pour à la base. J'avoue une certaine aversion pour les musiques dites "pures", parce que souvent il manque quelque chose.
Je suis donc servi en cet après midi, puisque je traite le cas très intéressant d'un quatuor basé à Spokane, Washington, qui déteste se cantonner à un genre bien particulier.
Formé en 2010, MERCY BROWN tire son nom de l'héroïne involontaire d'une aventure peu commune. Le corps de cette pauvre Mercy fut en effet exhumé en 1892, pour procéder à un rite de bannissement, une "morte-vivante" sévissant dans les alentours à l'époque. Toute sa famille fut décimée par une terrible maladie inconnue, touchant le jeune fils Edwin, et pour le soigner, on arracha le coeur de sa soeur pour le brûler. Les restes du cadavre en sérieux état de décomposition furent broyés et dilués dans l'eau, puis administrés au pauvre Edwin, qui sans surprise, décéda deux mois plus tard.
Histoire du folklore US, assez terrible en soi et révélatrice des croyances débiles et déplacées de l'époque, qui sied à merveille à la musique de ce jeune groupe. Composé de la jolie Sera Hatchett (chant), Chris Tanaka (guitare, qui a d'ailleurs produit l'album dans ses studios), John Schultz (basse) et Lunden Herndon (batterie), MERCY BROWN a déjà sorti un EP il y a trois ans, c'est vous dire qu'ils ont eu le temps de peaufiner cette première tentative en longue durée.
A la croisée des genres donc, et plusieurs en fait. La musique distillée par ce premier effort éponyme est riche, dense et complexe, et fait autant appel à la puissance du Death moderne qu'à celle du Metal contemporain, sans négliger quelques accents progressifs et symphoniques, et beaucoup d'autres éléments plus difficilement identifiables.
Bâtie sur des riffs énormes qui modulent leur attaque entre frondeur pure et mélodie amère, cette musique atypique doit aussi beaucoup au chant très envoûtant de Sera, qui selon les pistes et les ambiances se prend pour Angela d'ARCH ENEMY, Cristina de LACUNA COIL, Floor de NIGHTWISH, Maria de DRAIN STH, et même parfois pour la doublure diabolique de Katie Jane Garside des DAISY CHAINSAW. En fait, c'est limpide, cette chanteuse sait tout faire. Aussi crédible dans ses growls terrifiants que dans ses envolées lyriques pures et claires, elle se permet même quelques litanies éthérées dignes d'une Dream Pop immaculée, et l'on suit ses lignes vocales comme une silhouette féminine indistincte qui se ballade dans un cimetière rural. Dire qu'elle survole les débats est un euphémisme, même si ses collègues ne sont pas non plus en reste.
Musicalement, comme je le disais, l'album est pluri formes, multicouches, même si son but parait clair et net. Tout dévaster sur son passage, grâce à une puissance hors du commun, instrumentale d'abord, mais aussi au niveau d'une production étonnamment ample et précise. Alors certes, de temps à autres, la machine stoppe sa course et s'autorise même un délicat quasi instrumental dans la veine d'un Trent REZNOR des 90's ("Never Mind", qui s'achève quand même par des interventions vocales), ou un intermède presque Néo Core direct et sans ambages ("News Complait", hurlé à s'en cracher les poumons par le nez), mais lorsque les segments privilégient la brièveté, ne vous attendez pas à une quelconque forme d'empathie, comme le démontrent furieusement les lapidaires "Birds" et son refrain céleste, ou même "Red and Yellow", qui débute sur une thématique purement Néo Death, avec une Sera qui va chercher au plus profond de sa gorge ses inflexions les plus graves et rauques.
Lorsque les autres musiciens jouent les prolongations en revanche, l'affaire se corse. Les influences se télescopent, les plans se heurtent à vitesse grand V, à tel point qu'il devient impossible de les classifier. Ils le démontrent assez rapidement, dès "Where The Fire Is", qui accroche de quelques notes de basses rampantes, avant de monter en tension progressivement. Les riffs s'entremêlent, la rythmique suit le pas qui est plutôt droit et décidé, mais encore une fois, c'est Sera qui tire le tout vers le haut, dans un ballet de schizophrénie vocale tout simplement hallucinant. Sans réduire à la portion congrue l'importance de ses partenaires, le talent de cette chanteuse est vraiment hors norme, et je gage que nombre de groupes rêvent en secret de dénicher une perle pareille. Une fois encore tout y passe, du Néo Death un peu Cyber sur les bords, aux plaquages de double grosse caisse triggée implacables, du progressif Core vraiment méchant, et aussi quelque chose entre les deux, difficilement identifiable.
Le concept atteint une sorte de paroxysme sur le final "Stigma", qui déborde sur les huit minutes pour achever de nous convaincre.
S'il débute comme une cover improbable de Tori AMOS (genre "Raining Blood" au piano par exemple), avec des arrangements lourds et plombés en arrière plan contrastant avec la voix apaisée de Sera, on s'attend à ce que les choses changent rapidement. Mais là encore, le groupe nous surprend en ne déviant à aucun moment de sa conduite et du thème initial, construisant une réelle non progression fascinante, qui pourtant reste tendue de bout en bout. Un étonnement nous saisit alors, bluffé par cette constance inopinée, qui du coup, nous renvoie indirectement aux instants les plus hachés de l'album.
Et sous cet aspect là, Mercy Brown connaît son sujet. Je pourrais évoquer "One (The Edge Of)", sorte d'introduction à l'invocation tribale qui pendant presque six minutes développe un trauma profond. Avant que tout n'explose en son milieu pour dégager une puissance phénoménale portée par un riff unique, redondant, qui soudain s'écrase sur un récif purement Death sur lequel trône une Sera qui grogne comme une damnée échouée que l'on viendrait déranger. Le calme revient, sous la forme de quelques accords en son clair, comme un anti-acmé brutalisé par un drone d'arrangements sourds.
Niveau agression brute, "Codependant" assure dans les grandes largeurs, et se prend pour un hybride cybernétique entre DREAM THEATER et NEVERMORE, sous un déguisement plutôt effrayant. Le décalage entre la noirceur des guitares et la blancheur mélodique du chant est saisissante, et cette dichotomie résume à merveille l'ensemble du disque. Mais vous vous en doutez bien, Sera ne résiste pas longtemps, et finit par se lâcher une fois de plus, permettant à ses acolytes de répandre des effluves Death Indus putrides, qu'ils renient aussitôt d'un refrain trouble aux harmonies confuses. Mais on pourrait en dire tant... qu'il vaut mieux comprendre le reste en l'écoutant.
Album étrange pour un groupe décalé, Mercy Brown est avant tout d'une cohésion rare, qui pourtant privilégie la diversité. La bande instrumentale est créative au possible, alternant les souffles, mais pour être honnête, le talent de Sera à tendance à éclipser les performances des trois autres musiciens, tant elle passe d'un registre à l'autre avec une aisance incroyable. Un peu Kate Bush, un peu Tori Amos, un peu Angela, mais avec une réelle emprunte vocale personnelle, cette fille est un diamant taillé qui brille de mille feux. Et rien que pour découvrir la palette étendue de son talent, l'achat de ce premier album devient indispensable.
Ceci étant dit, l'oeuvre en elle même est suffisamment éloquente pour exister en tant que telle.
Ajouté : Mardi 29 Septembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Mercy Brown Website Hits: 6194
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