On se connait, non ? Oui, j'ai l'impression de vous connaître, vous, Emotionally Involved. Vous êtes l'album de Post-Hardcore guimauve par excellence. Celui qui pue tellement qu'on l'asperge d'un aérosol au jasmin pour cacher la misère. Celui qui trouve son public chez les 15-18 ans d'ici et d'ailleurs, pour qui l'autorité parentale est en ce moment un concept bien secondaire. Vous me rappelez de vieilles connaissances, dont j'appréciai la détresse déguisée du temps où je croyais être le nombril du monde. Sauf que ni vous, ni moi ne le sommes, et qu'il serait très indélicat de vouloir faire croire le contraire. C'est en tout cas ce que vous essayez, petits mecs tourmentés de DISOWNED. Mais on vous a vu venir de loin, et il n'y a pas un centimètre de peau qui ne soit déjà scarifié. Passons ensemble notre chemin.

Un coup d'oeil dans le rétro plus loin, on pourra éventuellement avoir quelques regrets. Il faut pour cela avoir le cœur clément ou le cœur d'artichaut. DISOWNED s'avance en victime expiatoire et fatalement, il y avait mieux à faire que ce premier album. Du Neo Metal aseptisé, du Post-Hardcore larmoyant, du Screamo de cour de récré, appelez ça comme vous voulez, Emotionally Involved s'accorde sur un seul fait : les émotions. Elles sont au centre de cet opus. Colère, optimisme, tristesse, euphorie, nous sommes censés passer par tout les états, sans oublier l'implorant "aide toi et le ciel t'aidera". Pour mettre en oeuvre son dessein ô combien singulier, les Italiens usent et abusent de toutes les ficelles du genre Post-trucmuche-core. Les leads mélodiques bien niais à la CLOSE YOUR EYES, la voix écorchée vive, la voix claire et bourrée de trémolos, les refrains stratosphériques, les riffs rugueux et Heavy, les ponts acoustiques... Tout y passe dans cette caricature de Screamo surjoué et plastique qui fait presque passer les français de TESS pour de fins poètes. De SILVERSTEIN à MY CHEMICAL ROMANCE, de MUDVAYNE à ALEXISONFIRE, le gratin des influences douteuses est réuni pour un postulat de la médiocrité musicale, ou plutôt une apologie manifeste de la contre-créativité. Ce n'est pas forcément mal exécuté, c'est parfois même bien écrit ("Sativa" tire son épingle du jeu, "Hard" également) mais on s'ennuie. On s'ennuie car DISOWNED n'a pas d'univers, pas de philosophie de jeu, que le contraste entre Metal dur et passages planants est une caricature sans transition ("Cruel") et que certains éléments, dont les voix, entretiennent leur peu de crédibilité. Le scream est forcé, le chant clair sonne faux. Ce qui aurait pu (du ?) distinguer Emotionally Involved l'enfonce, car qu'on soit honnête, les instrumentistes ne sont pas plus mauvais techniquement que d'autres. C'est simplement joué sans conviction, avec l'espoir hasardeux de plaire parce que ressemblant à tout le monde sans être personne. Une tactique parfois efficace. Pas ici.

Au bout de l'échec, ce premier opus est un paradoxe dont on ressort heureusement indemne. Il cherche à porter l'attention sur les émotions. Des émotions instinctives et universelles, que nous sommes tous aptes à vivre et revivre encore. Sauf qu'au moment de faire les comptes, on réalise qu'on n'a strictement rien vécu avec Emotionally Involved, si ce n'est le passage fantomatique d'un Post-Hardocre sirupeux comme on en entend que trop souvent. DISOWNED ou un autre, quelle différence ? La réponse est chez l'autre.