Moral dans les chaussettes ? Spleen anxiogène ? Irritabilité ? Déception amoureuse récente ? Oubliez les cures, les compléments alimentaires, les marabouts qui réparent votre ligne ADSL à distance, j'ai ce qu'il vous faut. HERE[IN] : idéal pour franchir le grand pas, celui qui fera chuter votre corps et votre esprit dans le vide avant qu'il ne fracasse le bitume. J'étais de bonne humeur, mais ça, c'était avant. Avant de devoir faire des affaires avec N.W.O., le premier album de ce groupe Bordelais qui évoluait au moment de cette sortie sous une forme plus "expérimentale". Depuis, le line-up s'est étoffé, stabilisé, permettant le gain d'un deuxième guitariste, d'un nouveau batteur et d'une nouvelle chanteuse. Aux curieux ou aux inconscients, je vous suggère de jeter un œil sur leur actualité, car il se pourrait que l'évolution d'HERE[IN] vous convienne plus que sa première mouture.

Dehors, le printemps ouvre ses chakras. Inutile de vous parler des températures honnêtes, des jardins qui fleurissent, des abeilles qui butinent, même si ce paysage fleur-bleue conviendrait presque à l'âme de N.W.O.. Car le paradoxe, c'est que cet opus jette un froid sur nos humeurs. Je n'aime pas trop le terme de "Cold Rock", et j'en garde d'ailleurs un souvenir plutôt douloureux avec nos amis de DUST BOWL et leur album In Recoil, mais rien ne caractérise plus la musique d'HERE[IN] que cette expression. Cette musique, elle n'est pas un écho autoritaire à un éventuel "Hot Rock". Non, elle est, et c'est déjà pas mal. On aurait aimé qu'un titre comme "Waiting" porte plus mal son nom, qu'à défaut de contenir de la vie, il soit au moins vaguement psychédélique ou émouvant. Mais l'émotion, il faut la provoquer soi-même, car ce quatuor forme un ensemble terriblement hermétique et passif. C'est un concept, une identité, et je préfère évidement les groupes qui en ont. Mais N.W.O. sonne creux et distant. Armés d'une imperceptible nuance Gothic Rock qui fait le charme sourd de quelques compositions ("Sonic Boost" ou encore "L'Echange"), les Girondins parviennent épisodiquement à libérer leur talent, trop souvent recouvert d'une couche épaisse de glace. On se plait à penser à THE CURE, à MOGWAI, à CLAN OF XYMOX, à BAUHAUS et à tous ces dérivés de New-Wave et Coldwave, mais ces instants d'évasion sont trop rares, rattrapés par la brute réalité d'un Cold Rock fluet et fragile, à l'image de la chanteuse, Miss Pir, dont le timbre zébré de cicatrices peine à trouver une identité forte. Au rythme flegmatique des riffs sous-mixés, c'est un fantôme qui traverse l'esprit sans y trouver la paix intérieur. Indiscutablement, N.W.O. est fait de tourments, mais l'auditeur n'a pas vocation à être otage de la misère et de la douleur. Oui, c'est un album cathartique, mais surtout pour ses musiciens. Car de l'extérieur, il laisse de glace. Un comble.

Oh que l'art est difficile. HERE[IN] en est un témoin manifeste sur cet essai. Totalement détaché du monde réel et pourtant tellement terre-à-terre, imperméable à un tiers ressenti, N.W.O. déambule, convaincu et probablement séduit par ses propres initiatives. Ce n'est pas un opus égoïste, car j'en suis persuadé, d'autres se retrouveront dans cet amalgame de nostalgie et de blessures, détectant chez ce groupe une ouaille à qui se confier. Je m'excuserai presque de ne pas être de ceux-là, mais assurément, j'aime plus que tout la musique quand elle ne déteint pas sur mon optimisme.