STILLBORN (se) - Necrospirituals (1989)
Label : Radium 226.05 Records
Sortie du Scud : 1989
Pays : Suède
Genre : Gothic Doom Rock
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 42 Mins
Il y a des groupes comme ça qui passent à côté. A côté de tout, de la reconnaissance, de la curiosité, du succès. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Trop en avance sur leur temps, trop décalés, trop bizarres, demandant trop d'efforts de compréhension. Mais depuis quand la musique est elle affaire de compréhension ?
Leur destin funeste les laissa certes fort marris, mais il permit à quelques auteurs à vocation archéologique de les déterrer pour les remettre sous les lumières des projecteurs, au moins pour quelques minutes. Thierry Aznar au travers de sa trilogie des incompris en fait partie d'ailleurs, je ne saurais que trop vous conseiller de vous jeter sur ses anthologies si ce n'est déjà fait.
D'autres ont un peu plus de chance. Morts et enterrés depuis longtemps, ils jouissent d'un véritable culte qui leur permet de rester en vie dans la mémoire collective, au travers d'articles hommages sur des blogs, des sites, et survivent à travers l'histoire grâce à la passion d'une poignée de fidèles. Qui d'ailleurs, n'étaient pas forcément là au moment de leur carrière active.
Aujourd'hui, j'ai choisi moi aussi de rebasculer quatre silhouettes de l'ombre au soleil. Quoiqu'elles ne devaient pas le voir souvent, et à dessein je suppose. Sortis de nulle part à la fin des années 90, STILLBORN n'a pas vraiment fait grand bruit à l'époque. Signés sur un micro label, pratiquant une musique indéfinissable, pas vraiment Metal, mais pas vraiment Rock non plus, ils incarnaient les trublions parfaits, le cauchemar des Rock critics en mal de petite case pour les ranger. Alors à défaut de les ranger, on les a enfouis, profondément, longtemps, au point qu'ils ont fini par y croire eux mêmes.
Premier point important, il s'agit de ne pas faire de confusion. Le STILLBORN dont je vous parle ici n'a rien à voir avec le groupe de Black Polonais de la fin des années 90, toujours en activité. Il s'agit bien du quartette suédois goguenard responsable de trois albums recommandables, mais dont le séminal premier effort reste un monument qu'il convient de réhabiliter.
En 1984, Kari Hokkanen et Petter Bryneson rencontrent Ingemar Henning. Le trio commence à essayer de faire de la musique (à ce moment là, Henning n'a qu'un an de guitare derrière lui...), mais ils s'aperçoivent vite qu'il va leur falloir un second guitariste pour palier à la faiblesse de leur son. Ils tombent sur Erik Sandqvist à un concert d'Einstürzende Neubauten en Allemagne, et ce dernier possédant une Fender Twin Reverb, ils décident de l'engager. C'est une raison comme une autre...De fil en aiguille, ils finissent par enregistrer leur première démo, Tounge the Thong, ajustent un peu leur line-up, et sans label, enregistrent en 1989 leur premier album, le monolithique Necrospirituals. La critique est divisée entre les fanatiques et les détracteurs farouches, qui jugent leur musique insipide et approximative, mais cela ne les empêche pas de continuer leur route...
En attendant cette suite historique intéressons nous aujourd'hui à ce premier jet de bile, aussi étrange qu'inspirateur.
Premier point, je m'élève en faux contre la classification de STILLBORN en tant que groupe Doom. Certes, leurs chansons sont lentes, incantatoires, la voix de Kari Hokkanen est rauque et grave, les riffs sont plombés, et certaines mélodies rappellent un peu le Sab' des années 70, mais leurs influences/accointances sont à chercher ailleurs, hors du petit monde du Heavy Metal.
En écoutant Necrospirituals, d'autres noms et affiliations vous sauteront plus facilement aux neurones. Car STILLBORN était Gothic Rock jusqu'à l'os, à n'en point douter. C'est donc de ce côté là qu'il faut rechercher des partenariats, spécialement en tournant la tête vers les FIELDS OF THE NEPHILIM, les SISTERS OF MERCY, secondés pour l'occasion par les rois du Psycho Rock, les CRAMPS. Les structures lentes et envoutantes des seconds, l'approche résolument Rock poussiéreuse des premiers, et l'humour décalé et trash des derniers. Point. Est ce que BLACK SABBATH aurait composé un truc aussi radicalement Rock que "Streetsatan", hit crad Rock en puissance ? Non. Alors oublions. Le seul point commun entre les anglais et les Suédois est cette fascination pour le monde de l'horreur, dans lequel ils puisent leur inspiration pour les ambiances, les paroles, et l'humour noir.
Ce qui frappe surtout au gré des huit titres de ce premier LP, c'est l'écho qu'il trouvera bientôt au travers d'un prisme New Yorkais. Un écho bien plus puissant que leur petite renommée, lorsqu'un certain Peter STEELE adaptera leur recette à sa sauce, et deviendra platine par la même occasion. Les similitudes entre STILLBORN et TYPE O NEGATIVE sont nombreuses, évidentes, à la seule exception que les suédois n'utilisaient pas de clavier, et n'avaient pas de "gimmick" à proprement parler. Je ne parle pas d'opportunisme ou de démarquage manquant de subtilité ici, puisque les obsessions de Peter pour la pesanteur, l'ironie et la gravité ne dataient en 1989 pas de la veille (une oreille balancée sur les deux albums de CARNIVORE suffit à s'en persuader), mais il est certain que cette manière d'adapter le Rock au format Heavy Metal en le teintant de gothisme n'a pas du tomber dans les esgourdes d'un sourd. <rb>
Mais Necrospirituals, en tant que tel, peut s'aborder d'un trait, à deux exceptions notables près. Si le climat général est poisseux, caverneux, deux chansons s'extirpent de ce bourbier pour sonner volontairement plus Rock, et du coup, confèrent un cachet particulier à ce disque déjà hors format. En ouverture, le mid tempo "Nuke 'em All", violente ruade collante contre l'Amérique bien pensante, et le déjà cité " Streetsatan", chevauchée sauvage catchy sur fond de riff purement Rockabilly, pèsent de leur poids dans la balance, et offrent une bonne dose d'oxygène à un disque privilégiant la claustrophobie et l'étouffement.
Le reste, ce sont six morceaux calqués sur le même moule, triturant la procession macabre d'un CANDLEMASS pour la faire briller d'une patine Gothic Rock opaque mais lumineuse.
Sur la face A, une fois l'entame "légère" dissipée, "Flesh For Iesus", "Albino Flogged In Black" et "I, The Stillborn" étalaient sur plus de dix neuf minutes les mêmes vues brouillées d'une brume matinale, épaisse et compacte. Rythme pataud, guitare traînante et insistante, chant monocorde caverneux, une sorte de FIELDS OF THE NEPHILIM revu et corrigé version seize tours minutes, pour une même traînée de poussière aveuglante.
La face B dérogeait un peu à cette règle, et outre le hors sujet "Streetsatan", offrait une sortie de route inhabituelle sous la forme d'"Angelynx", dont la rythmique se voulait plus joueuse, et les riffs plus ouvertement Métal. On y trouvait même un semblant d'harmonie BLACK SABBATH, ce qui transformait cette chanson en une rencontre savoureuse entre le "Downrazor" de Carl McCoy et "The Wizard" de IOMMI & co. Mais comme pour faire une dernière blague savoureuse, le quatuor suédois explosait soudain cette structure inédite par une déflagration sourde qui ramenait leurs préoccupations principales au centre du débat, pour bien finir l'aventure sur une note grondante et lente. Quand je vous parlais d'ironie...
Necrospirituals sera suivi de deux autres albums, The Permanent Solution en 1991, et State of Disconnection l'année suivante, mais aussi recommandables furent ils, ils ne retrouvèrent pas cette insouciance crasse qui parsemait de désinvolture juvénile leur premier effort. Depuis, STILLBORN ne cesse de revivre sous la plume de passionnés, décidés à les faire accéder à cette reconnaissance qu'ils méritent amplement, et j'espère que mon laïus quotidien qui leur est consacré aujourd'hui vous incitera à vous intéresser à leur cas. Les groupes originaux et pertinents sont rares. Ne l'oubliez jamais.
Ajouté : Samedi 14 Février 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Hits: 5998
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