Ecouter de la musique, c'est comme boire du vin. Certains donnent un plaisir facile, immédiat et fugace. D'autres demandent de la persévérance. La première tentative surprend. Il faut du temps pour en comprendre la substance et en apprécier le bouquet. Stranded in Arcadia est de ces nectars qui se dégustent et vous marquent. Comme un bon vin de Bordeaux, la ville natale de MARS RED SKY. Le combo rassemble Julien Pras (vocal, guitar), Jimmy Kinast (basse) et Matgaz aux futs (il remplace Benoit Busser depuis 2014).

Stranded in Arcadia est le deuxième album du groupe après un éponyme sorti en 2010.
Leur musique donne des réminiscences des années 1960 et 1970. Elle vous précipite dans des souvenirs contemplatifs et psychédéliques. Des films comme More (Barbet Schroeder), Zabriskie Point (Antonioni), Oranges Mécaniques (Kubrick), la BD Paulette (Wolonsky et Pichard), la série Chapeau Melon et bottes de cuir et les romans de Philip K. Dick... Comme si le groupe avait capturé la substance sonore de cette époque.

Comment décrire le son de MARS RED SKY ? C'est un Stoner kyussien. Non pas une énième resucée des pères du Desert Rock, mais une approche artistique similaire. La musique mise en valeur lors de longues phases instrumentales où la voix n'est parfois un petit ingrédient, comme une respiration, un souffle, une virgule... Le texte comme accessoire au service de la poésie de la mélopée, important mais non essentiel. C'est dans cette élaboration musicale contemplative et dans la recherche d'une harmonie d'ensemble que MARS RED SKY m'évoque KYUSS. Au niveau des compos et du chant, il y a autant de points communs entre les californiens et les bordelais qu'entre le désert de Mojave et la dune du Pyla !

Leur son. Une basse de plomb qui ne se contente pas de la section rythmique et s'envole parfois dans des solos vertigineux. Une guitare aérienne et distordue. La voix androgyne du chanteur Julien Pras.

Illustration par l'exemple. Premier morceaux de l'album, "The light beyond". Les premières notes résonnent. Trois accords de guitare, timide, presque effacée, soudain avalés par un puissant ronronnement de basse. Une voix lointaine fredonne une mélodie triste et navale. Le riff obsédant de la basse prend le pas un instant et Julien Pras entonne une mélopée douloureuse. La guitare se réveille pour un solo psychédélique dans un déferlement de distorsion fuzz. Puis le calme revient et Julien reprend le micro. Le reverb apporte au chant un écho mystique. 7 minutes 30 passent comme un rêve. les huit morceaux de l'album s'écoutent sans effort, comme un voyage en barque sur une eau dormante.

Il n'y a pas de rupture dans le continuum espace-temps. Pas de morceau à jeter, pas de tube, pas d'hymne pour live. Stranded in Arcadia se déguste comme un concept album. Il y a une cohésion harmonique et narrative dans la musique. Une cohérence qu'on retrouve jusque dans l'artwork de la pochette signé Carlos Pop. Une mer agitée, une barque vide, des pas sur le sable, une falaise, une statue au loin, un ciel en flammes et un soleil bleu qui pleure des larmes dans la mer... un aperçu angoissant des rives d'Arcadie où notre barque a échoué...

MARS RED SKY creuse son sillon avec régularité. Espérons que le champ soit immense car de la régularité comme çà, on a envie de la boire jusqu'à la lie.