Silent So Long est le deuxième album de EMIGRATE, le side project de Richard Z. Kruspe (lead guitar de RAMMSTEIN).
Le groupe de Metal Industriel allemand n'a pas une actualité débordante. Leur dernier disque original, Liebe Ist Fur Alles Da remonte à 2009 et depuis la tournée mondiale 2011-2012 (Made In Germany Tour), les apparitions RAMMSTEIN sont plutôt rare. En revanche, le dernier EMIGRATE est disponible à l'achat sur le site web du groupe. Serait-ce donc un moyen pour la formation allemande de rassasier les fans ?

Rien n'est moins sûr.

Dans les interviews qu'il a donné récemment, Richard Z. Kruspe explique que sa créativité est bridée par le processus artistique de RAMMSTEIN, très complexe, vu que les décisions se prennent démocratiquement et qu'ils sont 6 (ah, c'est vrai qu'un peu de dictature de temps en temps, çà a du bon !).

Il suffit de voir un live comme Volkerball tourné dans les arènes de Nîmes en juillet 2005, pour constater que les compos collégiales de RAMMSTEIN laissent peu de place à l'expression individuelle. Le groupe doit aussi s'accommoder de la personnalité écrasante de son frontman, Till Lindemann, à côté duquel il est difficile d'exister autrement qu'en victime de ses mises en scène pyrotechniques ! Si certains membres se satisfont de la situation, ce n'est pas le cas du lead guitar qui aspire à plus de reconnaissance individuelle.
Rien de neuf sous le soleil depuis les passes d'armes entre Mick Jagger et Keith Richard et leurs tentatives de side project respectives qui, à défaut de révolutionner le Rock, ont permis aux ROLLING STONES de survivre aux crises d'égo et désirs d'indépendances de leurs "Glimmer Twins".
Si Richard Z. Kruspe a besoin d'exprimer une créativité incompatible avec la ligne artistique de son groupe, il vaut mieux qu'il le fasse au travers d'un side project qu'en quittant RAMMSTEIN.
Il ne faut cependant pas limiter Silent so Long à une thérapie ou à un caprice mégalomane.

Il ne faut pas non plus y chercher un produit dérivé. Espérer trouver dans Silent so Long une version solo de RAMMSTEIN n'apportera que de la déception.
Il faut se méfier des comparaisons hasardeuses. Résister à la tentation de traquer toutes similitude, la critiquer quand on la trouve, la regretter quand elle fait défaut. Prendre cet album comme une production sans autre lien avec le groupe de Metal Industriel allemand que la personne de Richard Z Kruspe.

C'est un line-up à 4. Richard (guitar, lead vocal), Mikko Sirén d'APOLYPTICA (drums), Arnaud Giroux (basse, chant) et Olsen Involtini (guitar). Plusieurs guest interviennent sur l'album: Marylin Manson, Lemmy Kilmister (MOTORHEAD), Jonathan Davis (KORN), PEACHES, Franck Dellé et la bassiste Margaux Bossieux (ex EMIGRATE).

Richard aurait aimé faire également participer Dave Gahan (DEPECHE MODE) et vu la sonorité de l'album, on comprend pourquoi. Avec sa compo plus Electro que Metal Indus, l'album a un petit air de DEPECHE MODE ou de NINE INCH NAILS.

La tracklist est très inégale. Si les pistes avec guest sont toutes plus sympa les unes que les autres, les morceaux où Richard est tout seul avec son groupe et son micro souffrent de trois défauts.
Le premier c'est que pour le disque solo d'un guitariste, çà manque sérieusement de solos de guitare. Le deuxième c'est que si les compos sont accrocheuses et heavy, la structure des morceaux est répétitive: une intro Electro suivie d'une construction Metal solide mais sans fulgurance (ni solos, donc).
Le troisième c'est le chant. Il y a quelque chose qui ne va pas dans la partie vocale des morceaux. Elle n'est pas aussi inspirée que le reste des compos. La preuve la plus évidente c'est que si tous les morceaux sont composés par Richard, c'est ceux interprétés par d'autres artistes qui ont le meilleur rendu.

La première partie de l'album est excellente. Elle commence avec "Eat you alive" un morceau punchy et heavy avec une belle ligne rythmique et une guitare qui envoie du bois. Dans la même veine mais avec un petit truc en plus, "Get Down", est un duo pêchu avec PEACHES. Le morceau se distingue par un son plus Electro et un très bon solo de guitare (le seul de l'album, hélas). Changement de tempo et de ton avec "Rock City" interprété par Lemmy. Voix fatiguée, musique Speed Metal. J'aime bien le genre, mais le contraste avec le morceau précédent et le suivant n'avantage pas cette chanson qui ne trouve pas sa place dans l'album. Ce n'est pas le cas de "Hypotetical", interprété par Marylin Manson dans le plus pur style Metal Industriel.
Sympa Richard, pour mettre ses guest à l'aise, il leur compose des morceaux qui leur vont comme une mitaine de cuir clouté à la main de Rob Halford !

Après cette entrée en matière tonique et accrocheuse, l'auditeur est avalé par un trou noir et projeté dans un univers musical venu d'une autre galaxie. "Rainbow", "Born on my own" et "Giving up" sont des morceaux Electro Pop. Sans doutes les chansons programmées pour passer sur les radios mainstream ou dans les supermarchés ?!
Il faut attendre la piste n°8 pour que la température remonte un petit peu. Mais même si elles sont meilleures que les trois précitées, les dernières chansons de l'album souffrent toutes du même défaut: des compos bien troussées ruinées par des parties vocales hors sujet. Je citais DEPECHE MODE, il y a de çà, mais il y a aussi un genre de son Pop-Rock qui ne colle pas avec l'univers musical de Richard. Sur cette deuxième partie, je ne sauverai que "Happy time", un duo intéressant avec la bassiste Margaux Bossieux.

Le deuxième album d'EMIGRATE, plus abouti que le précédent, dégage une personnalité distincte de RAMMSTEIN. Richard Z. Kruspe a fait des progrès, tant dans la prise de distance avec le son de son groupe qu'avec ses compos, plus personnelles et originales. Malheureusement, il fait aussi le choix d'un chemin Electro - Pop Rock qui ne plaira pas à tous les amateurs du genre auquel il nous avait habitués.