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BREACH (se) - It's Me God (1997)






Label : Burning Heart Records
Sortie du Scud : 28 avril 1997
Pays : Suède
Genre : Post Hardcore
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 37 Mins





En 1997, un obscur groupe de Morris Plains, New Jersey sortait son premier EP éponyme. Personne à ce moment là n'imaginait l'importance de ce premier jet, ni qu'il allait donner naissance à une des digressions les plus fameuses du Hardcore moderne. Appelez le Mathcore si l'envie vous en prend, il n'empêche que THE DILLINGER ESCAPE PLAN allait bientôt faire grand bruit, au sens propre comme au figuré, et inscrire son nom au panthéon des formations de première importance pour l'éternité. Place enviable toujours incontestée en 2014... Et si j'évoque ce cas, la gratuité du propos n'est pas de mise. Le parallèle est d'importance. BREACH vs DILLINGER ESCAPE PLAN. Si je suis toujours un fan absolu des seconds, je ne comprends pas l'indifférence qui entoure le parcours des premiers, qui heureusement semblent sur la voie de la réhabilitation.

Car en 1997, les membres de BREACH sortaient déjà leur deuxième LP, en plus d'un EP lancé en signe avant coureur. Certes - et nous le verrons bientôt - leur musique à ce moment là n'avait pas encore acquis la maturité dont allaient faire preuve les chefs d'oeuvres Venom et Kollapse, mais It's me God était justement l'album de transition qui allait les faire passer à un stade supérieur. Exit le Hardcore classique et nerveux, bienvenue dans l'étuve, dans la moiteur d'un Post Hardcore de grande qualité, là où règnent les guitares abrasives, les rythmiques complexes et le chant possédé. It's Me God était en effet le premier signe du caractère unique des suédois, la première alerte avant l'explosion, les premières traces d'un talent hors du commun, pour l'instant coincé dans un cadre encore un peu formel. Si à l'époque le nom de NEUROSIS surgissait à la moindre comparaison, c'était d'ailleurs plus par manque de références qu'autre chose. Jamais NEUROSIS n'a été aussi direct et concis (même pas sur ses deux premiers efforts), et une fois de plus, je ne vois à la rigueur qu'UNSANE pour être mis en juxtaposition. Chris Spencer aurait d'ailleurs pu composer et interpréter plusieurs morceaux de cet album, tant ils s'approchent de la rugosité incendiaire de son groupe d'origine. Même goût pour les riffs de guitare acérés et aiguisés, les tempi tendus et les lignes vocales scandées la gorge en sang. Et même volonté d'aller plus loin dans la violence, en flirtant avec les lignes noise en plus d'une occasion.

Noisy, c'est un adjectif qui commençait à rudement bien aller à BREACH. Si l'avenir allait pousser l'affiliation encore plus loin, It's Me God semait les graines de la colère avec rage. Doté d'un son beaucoup plus sec que ses successeurs, il restait encore en équilibre sur la ligne séparant le Hardcore furieux du Post aventureux, et cette situation hésitante produisit un des albums les plus intéressants de leur discographie. Presque exclusivement constitué de titres courts et percutants, à une exception notable sur laquelle je reviendrai plus tard, It's Me God était un beau cadeau caché sous un emballage superbe. Mais la pochette n'était qu'un plus, tant la musique développée ici était riche et dense.

Comme souvent dans l'histoire de BREACH, tout commence par un morceau très atypique et presque instrumental. C'est "Valid" qui s'y colle ici, tout en dissonance et martèlement, histoire de mettre dans le bain direct sans d'abord y tremper un orteil. La musique parle, lourde, incantatoire, avant que Thomas ne lance quelques hurlements qui préparent doucement à l'attaque de "God Forbid Me". Batterie hachée, basse en appui, ronde et en avant sur les couplets, c'est la marque de fabrique de BREACH, incontestablement. Pas de bavardage inutile, on se concentre sur le coeur de l'agression, sans laisser de répit. La recette sera améliorée et poussée à son paroxysme sur le cataclysmique Venom, mais cette version sèche est plus qu'un brouillon, c'est sa forme la plus primale. On multiplie les parties tout en restant cohérent, on dédouble les ambiances sans se perdre, le tout dans un format court, ça semble simple sur le papier et à l'écoute, mais c'est révélateur d'un talent de composition dont peu peuvent se targuer.

Et les attributs à venir du groupe, dont ce fameux groove unique qui secouera plus tard les immortels "Diablo" et "Black Sabbath" se trouvent déjà ici, de façon éparse et embryonnaire, sur l'intro de "Clot", sur quelques secondes de l'étouffant "Replenish The Empty", ou sur une partie du gros morceau du LP, le progressif et troublant "Presume The Forgotten".
Avec ses quasi neuf minutes au compteur, ce morceau fait figure de trouble fête, ce qu'il est assurément. Si sur Kollapse BREACH n'hésitera plus à laisser parler l'inspiration sans tenir compte du chronomètre, la chose était encore inédite il y a quatorze ans. Et après une intro dominée par des séquences d'infra basses heurtées sobrement soulignées par de troublants arpèges, le voyage commence...

Mais l'affaire eut été trop simple prise sous cet angle, car cette intro roublarde n'en était pas vraiment une. Similaires en bien des points à la première partie du monolithe "Purify" de NEUROSIS, ces deux premières minutes sont les seules validant la comparaison entre les deux groupes, mais avec flagrance. La suite est beaucoup plus caractéristique du travail personnel des suédois que de celui des américains, et les guitares tranchantes reprennent le pouvoir. Le mid tempo s'étale sur toute la largeur, avant que l'attaque percussive ne devienne plus tribale, prélude à un déluge sonore total, qui finit par se nuancer progressivement.
Le motif d'introduction revient alors, et monte, monte durant toute la fin du morceau, avant que celui ci ne s'écrase très intelligemment sur le court et chaotique "Bloodlines" qui du coup, prend des airs de conclusion parfaite à l'aventure entamée.

Le reste ? Une accumulation de haine, comme à l'accoutumée, jamais larvée, toujours assumée, sur des assauts courts et intenses. Le rythme oscille entre un balancement irrégulier ("God Forbid Me", "In My Realm"), une accumulation de coups fourrés tous azimuts ("Centre" diabolique de mouvements, "Bloodlines" trompeur), mais abat un travail énorme sur lequel les guitares n'ont plus qu'à se greffer en toute quiétude. Ces dernières épuisent d'ailleurs toutes les combinaisons possibles, en restant toujours dans une tonalité médium, et déroulent, saccadent, déconstruisent jusqu'à l'overdose.
Et comme un gimmick en boucle, BREACH finit son histoire sur une déclaration de guerre biaisée, et "Divine" d'accumuler une fois de plus les plans, de les resservir chauds, avant que les musiciens ne tirent leur révérence, surs de leur fait.

On parle souvent à tort et de façon un peu trop systématique de "l'album de la transition" ou de celui de "la maturité". Je déteste les raccourcis de style, mais il est vrai que It's Me God, sous sa superbe pochette délicatement grotesque ne peut échapper à ce constat. BREACH s'éloignait alors de ses débuts hésitants et plus classiques, pour se tourner vers un style personnel qu'ils n'auront de cesse de perfectionner et d'affiner par la suite. On devinait ici la patte d'un très grand groupe, qui n'allait pas se contenter de suivre une route, mais qui allait tracer la sienne. Venom et Kollapse allaient bien sur confirmer cela d'une bien belle façon...
En 1997, DILLINGER n'était rien, et BREACH pas grand chose. Aujourd'hui, le PLAN est acclamé, et les fans de BREACH doivent se livrer à un devoir de mémoire acharné pour les ramener au premier plan. Et pourtant, les deux groupes ont la même importance.

Gageons que BREACH n'a cure de cette injustice. Seule la musique comptait pour eux. Mais pour nous, fans, le travail de sape continue.



Ajouté :  Vendredi 01 Août 2014
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
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