GNAW THEIR TONGUES (nl) - Eschatological Scatology (2012)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 6 juin 2012
Pays : Hollande
Genre : Black Noise Expérimental
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 52 Mins
En rédigeant il y a peu la chronique de Dyodyo Asema, fruit d'une réflexion commune entre GNAW THEIR TONGUE et ALKERDELL, je me suis rendu compte que je ne vous avais jamais parlé plus précisément du travail des premiers, à mon grand dam...
Il est vrai que l'oeuvre pléthorique du néerlandais Mories (De baptême Maurice de Jong) n'incite pas à l'analyse spontanée, tant ses travaux sont protéiformes, multiples dans la forme et le format, et qu'elle prend rapidement des airs de jungle amazonienne inextricable dans laquelle se plonger relève de l'inconscience.
Pourtant, cette discographie est riche, très riche. Mais aussi extrême, relativement extrême. Et ce, à tous les niveaux. Comme je le disais précédemment, Mories est prolixe, et aime à se perdre dans ses productions, qui se déclinent en autant d'EPs, de Split, de compilations et d'albums longue durée, qui mis bout à bout, forment une symphonie de l'étrange et de la haine. Mais toutes ses réflexions partagent plusieurs points communs. La thématique, empruntée à la mythologie SM et centrée sur la douleur, la recherche constante de déstabilisation de l'auditeur, et la désincarnation du Black Metal pour n'en retirer que la quintessence la plus diabolique et nauséeuse.
Pour étayer ces affirmations, je n'avais que l'embarras du choix. Qui aurait pu se porter par exemple sur le séminal premier album du projet, Spit at Me and Wreak Havoc on My Flesh, posant les jalons de toutes les expérimentations à venir, le traumatisant mais fascinant EP Tsutomu Miyazaki, se focalisant sur la vie du plus fameux tueur en série japonais, ou encore cette compilation, synthétisant les premiers traumas de Maurice, au titre interminable... Spasming and Howling, Bowels Loosening and Bladders Empyting, Vomiting Helplessly...
Mais dans un désir de rester collé à l'actualité, j'ai choisi de parler de son dernier LP, sorti en 2012, Eschatological Scatology. Et ce, pour plusieurs raisons. D'une part, parce qu'il n'est disponible qu'en format digital, ce qui lui confère une aura particulière, puisque quasiment tout le reste de la production de GNAW THEIR TONGUE a été éditée en cassette ou en vinyle seulement. Ensuite, parce qu'il est un cas à part dans le parcours de Mories. C'est sans doute son album le plus purement Black, le plus produit, le plus féroce, sans aucune ambiguïté pour diluer le message. Si d'ordinaire le Hollandais cherche toujours des chemins de traverse pour concrétiser sa vision, il n'a jamais été aussi décidé à se concentrer sur l'essentiel que sur ce LP. Tout au long des huit pistes de ce disque, l'emphase est mise sur la puissance, la noirceur, et rien ne vient enrayer la machine, lancée à plein régime.
Alors que d'ordinaire Mories part toujours en quête d'un arrangement biaisé, de sonorités étranges et maladives, Eschatological Scatology le présente sous un jour franc, à tel point que certains des morceaux se rapprochent d'un traitement symphonique assez similaire de celui qu'EMPEROR applique sur ses titres les plus agressifs, le côté synthétique rebutant en moins.
A ce titre, Eschatological Scatology peut s'appréhender comme un bloc, une extrême onction désespérée, une dernière litanie jetée à la face du monde dans une ultime suffocation létale. Si le terme "épique" n'est pas forcément galvaudé, il induit pourtant une notion de sophistication que cet album ne prétend pas offrir. Le morceau éponyme en est une illustration parfaite, véritable déluge d'ultra violence déclinée sous toutes les formes inhumainement exploitables. Après une minute de déferlement sonore terrifiant, le tempo se défait puis se reconstruit pour s'alourdir, soutenant une bande son à la limite de l'audible parfois. Mories vomit sa haine d'une voix sourde et racle sa gorge jusqu'à en arracher les derniers lambeaux de chair, tandis que les guitares multiplient les riffs mélodiques ou bruitistes, dans un chaos incroyable qui renvoie la concurrence dans les limbes du purgatoire.
Cette infamie qui n'a plus rien d'humain depuis ses première secondes continue son travail de sape sur le cauchemardesque "The Messianic Downfall" construite sur le même moule mais parvenant par instants à surpasser son modèle, en offrant toutefois une accalmie centrale qui tempère plus ou moins l'agression. Et tandis que "Deepwood Bodytrap" se pose en illustration "musicale" du pire film d'horreur qui pourrait noircir vos nuits les plus solitaires, "Lash Cultus" repousse un peu plus la frontière entre non musicalité et bruit absolu, dégageant lors de ses intermèdes les plus atmosphériques un parfum vénéneux et réellement inquiétant.
Mories ne change à aucun moment son optique, injectant à chaque morceau son identité la plus sombre, ceci jusqu'au long final "The Atrocious Angel Of Scatology", une fois de plus emprunt des thématiques obsessionnelles de son auteur. D'une approche très théâtrale, ce titre s'appréhende comme un mauvais rêve éveillé, entaché de persécutions scatologiques perverses, de délires sexuels débridés, mis en musique d'une façon très intelligente et structurée, comme un dernier chapitre encore plus traumatique que les autres...
Si la thérapie du docteur Janov se focalisait sur l'expression primale et l'extraversion puérile, Mories a trouvé dans son jouet GNAW THEIR TONGUES une autre façon de transcrire ses troubles les plus profonds, mais le résultat reste le même... Un long cri déchirant, lacérant une musique d'une puissance inouïe à laquelle il est impossible de rester indifférent. Tel un pendant vraiment négatif du City de STRAPPING YOUNG LAD, Eschatological Scatology est bien plus qu'un simple album, c'est une expérience qu'il convient de tenter, si tant est que notre mental en supporte l'assaut. Oeuvre à part dans le répertoire de son concepteur, c'est un disque qui fait peur, qui fascine, et qui emporte dans un tourbillon de stupre, de déviance et de merde, comme une soirée glauque pour laquelle on étend des bâches à terre, avant de se laisser aller à une purge que la décence m'interdit de décrire en ces lignes.
Et si vous percevez ça comme une diarrhée sonore abominable, je ne pourrais pas entièrement vous donner tort.
Ajouté : Lundi 28 Juillet 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Gnaw Their Tongues Website Hits: 11384
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