Si je peux me permettre une remarque, la façon dont ce somptueux digipack vomit le CD vaut au moins un point de plus sur la note finale. CHECKMATE a voulu un bel objet pour Immanence mais c'est en fait plus que ça. Il y a l'artwork, d'un bleu fascinant, le livret, regorgeant de graphismes et de symboles et surtout, il y a cet origami très original qui expulse le disque au moment où on déplie le cartonnage. Tout ça rend d'emblée le premier album des Parisiens de CHECKMATE spécial et captivant. Pour être tout à fait franc, j'ai un avis un peu méfiant quant aux sorties proposées par la Klonosphère. C'est peut-être caricatural, je sais, mais leur catalogue dégouline d'un lustrage de modernité qui a tendance à uniformiser les groupes plutôt que de les distinguer. A tel point qu'à l'instar de projets comme HYPERDUMP, LOPSIDED, KLONE ou WEAKSAW, définir proprement la musique de ces mecs relève du défi. Certains diront que justement, c'est une vraie personnalité qui est en train de naître et qu'au diable les étiquettes, seule la musique importe.

Ceux-là sont dans le vrai. Sauf qu'au bout d'un moment, ces concordances dans la personnalité aboutissent à un nouveau style, comme une convergence d'idées est susceptible de former un mouvement, une association. Pour l'heure, CHECKMATE est au début de sa vie et déjà, quelle vie ! Immanence est d'une vivacité d'esprit assez improbable pour une formation aussi récente. Surfant sur la vague d'un Death / Thrash moderne agrémenté d'éléments Metalcore ou Neo, les Parisiens d'adonnent aux joies de l'échangisme, passant rythmiquement du coq à l'âne, variant les chants, défonçant des portes ouvertes et d'autres, barricadées. Un malaise s'installe à l'arrivée de "Days Slip By". Comme si ce tourbillon de décadence provoqué par un final hypnotique ne suffisait pas, "Fake Golden Kingdom" explose dans la foulée avec sa cadence frénétique et ses vocaux lancinants, rehaussés d'ouvertures claires intermittentes. CHECKMATE semble déjà installé dans ce confort stylistique qui impose aux groupes modernes de ne pas trop se livrer quant à leurs influences et ça ne fait que commencer. Un morceau violent comme "I.M.A" (pour "Immanence, Movement : Alive") précède le mouvement de balancier de "Moving Backwards...", lequel introduit la mélodique "... Despite The Years", tout se goupille sans réelle logique mais avec pas mal de cohérence artistique. Dans sa globalité, Immanence est une sortie vraiment surprenante, riche, complexe, avec des parties extrêmement mélancoliques et saccadées, d'autres beaucoup plus optimistes. Néanmoins, CHECKMATE a le mérite de se rapprocher tout le long du full-lenght d'une forme de Metal extrême qui n'est pas désorientant pour l'auditeur lambda. Plutôt que sauter sur la mode du Djent, du Hardcore progressif ou que sais-je, les Parisiens sont restés fidèles à des structures, à des codes qui ne rendent pas leur premier album totalement inaccessible, et c'est peut-être ça le plus important.

Je m'étais engagé au début de ce papier à attribuer un point de plus pour la forme. Vous savez quoi ? CHECKMATE n'en a même pas besoin. Car à l'image de ce digipack subtil et inédit, la musique du groupe regorge de détails, d'une croustillance qui émoustille les glandes salivaires. Immanence, de la forme jusqu'au fond, est une œuvre homogène, en totale harmonie entre l'être et le paraître. Mens sana in corpore sano.