THE MEZMERIST (usa) - The Innocent, The Forsaken, The Guilty (2013)
Label : Auto-Shadow Kingdom Records
Sortie du Scud : 3 septembre 2013
Pays : Etats-Unis
Genre : Heavy Metal Psychédélique
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 37 Mins
Groupe culte, groupe maudit, groupe méconnu, groupe inédit… Autant de statuts qu’il existe de genres, et autant de perles rares qui constellent le ciel de la musique depuis son ère moderne et l’invention du vinyle, 78 tours, 45 tours, et puis 33 tours.
Combien de disques les collectionneurs se sont acharnés à chercher, au détour d’une convention, d’une vieille échoppe poussiéreuse, dans les vide greniers et autres cavernes d’Ali Baba… Une vie de recherche pour certains, parfois en vain, mais quel plaisir lorsque enfin on met la main sur ce trésor tant désiré…
Internet a depuis permis bien des choses…La musique ne se conçoit pratiquement plus qu’en format numérique, qu’on copie sur des Ipod, des baladeurs, des ordinateurs, gain de place, gain de temps, gain d’argent. Certains regrettent le temps béni des LPs, avec ces pochettes grand format, ce son chaud…Mais il faut admettre que le réseau mondial aura au moins permis une chose.
De rendre accessible au plus grand nombre un certain volume d’œuvres obscures, depuis longtemps épuisées, pas rééditées ou mal, par des labels locaux à la grande volonté mais aux petits moyens. Et cette démarche à permis de réévaluer des travaux depuis longtemps oubliés, ou sous estimés.
Certains artistes ont même acquis un statut culte par ce biais, lorsque des fans acharnés n’ont eu de cesse de vanter leurs qualités au travers de blogs, sites spécialisés, et autres forums dédicacés. Je fréquente moi-même ces adresses depuis longtemps, comme tout fanatique de musique qui se respecte, et j’y ai plus d’une fois trouvé mon bonheur.
Mais le salut vient parfois aussi de labels, qui continuent le travail commencé il y a des années, et qui offrent une seconde chance à des artistes passés complètement inaperçus, mais dont les albums se vendent à prix d’or sur les sites d’enchères. Et c’est le cas aujourd’hui, car Shadow Kingdom Records réédite les deux EPs d’un combo dont je n’avais pour ma part – et ce malgré des milliers d’heures passées à collecter des données sur Internet – jamais entendu parler, THE MEZMERIST.
THE MEZMERIST, c’est l’archétype du combo US anecdotique, que seuls quelques initiés ont pu découvrir à l’époque, grâce à des fanzines, des échos lointains, ou tout simplement, parce qu’ils rédigeaient des articles, animaient une émission de radio, ou connaissaient les musiciens. Certes, la musique du trio ne ressemble en rien à ce qui se produisait à l’époque, et sonne beaucoup plus européen que la moyenne des groupes locaux des années 80. Car THE MEZMERIST est né à Los Angeles, sous l’impulsion de son guitariste chanteur, Tommy Mezmercardo. Et à l’écoute de ce The Innocent, The Forsaken, The Guilty, on se dit que le bonhomme était aussi éloigné des aspirations affriolantes de RATT, MÖTLEY CRÜE et autres princes du Heavy Glam que METALLICA, dans un genre complètement différent. The Innocent, The Forsaken, The Guilty, comme son nom ne l’indique pas, n’est rien d’autre donc que le regroupement sur un même support des deux seuls Eps sortis par le groupe/projet solo, sortis respectivement en 1983 et 1985. Et si la musique concoctée par le maître est résolument atypique, elle change aussi radicalement d’un effort à l’autre.
Sur les quatre morceaux de 1983, on retrouve un genre d’hybride entre un Heavy occulte et progressif à la DEATH SS/Paul Chain, et les délires lysergiques de HAWKWIND. Voix aigrelette et très haut perchée (à la HYKSOS, MERCYFUL FATE, en plus… « féminin »), tempo versatile, guitares acides et inquiétantes, les ingrédients sont là pour nous rappeler au bon souvenir de combos estimables comme CIRITH UNGOL, COVEN, et Paul CHAIN justement. Sauf qu’à côté de THE MEZMERIST, ces gangs là sonnaient bien sages…Jouons franc jeu. Si un guitariste un peu frappé (genre Zappa ou Jerry Garcia) avait été cryogénisé au début des années 70, puis libéré au début des années 80 en plein Los Angeles, je pense qu’il n’aurait rien joué d’autre que ça. Aussi psychédélique que les bonbons de Dave Brock, aussi planant et enivrant qu’une caisse de Jack trafiqué au LSD, ce premier mini album avait en effet de quoi surprendre à l’époque, et surtout de quoi passer complètement à côté de la plaque dans une Californie vouée au culte du Dieu Glam. Riffs sombres et Heavy, arrangements spatiaux, tout évoque plus volontiers la Californie de JEFFERSON AIRPLAINE que celle de la bande à Stephen Pearcy…
Mais outre cette musique décalée et ce caractère délicieusement anachronique, c’est sans doute la présence de Bill WARD derrière les fûts qui a permis à THE MEZMERIST d’acquérir ce statut culte. Oui, le cogneur du Sab’ lui-même avait honoré le sieur Mezmercardo de sa frappe sèche et volubile, et rien d’étonnant quand on constate que la musique du leader emprunte assez souvent les chemins les plus hétéroclites autrefois arpentés par le seigneur des ténèbres IOMMI, spécialement sur les derniers albums de son groupe.
Le EP de 1985 est quant à lui radicalement différent. Avec des vocaux un peu plus dans la norme, morceaux moins barrés, mais toujours cette volonté de ne pas coller à l’air du temps, et de respirer à plein poumons un air différent.
Et même si « No Family No Friends » a par moment des relents du MAIDEN de 1980 (basse cavalée de Steve Harris garantie !), « The Jam Song » et son intro presque Punk nous rassure bien vite quant aux velléités définitivement personnelles du trio (avec cette fois ci, un certain JR derrière le kit). Tommy s’en donne à cœur joie, et part dans des chorus inspirés et stellaires, avec force feedback, delay, sustain, bends, et sextolets égrenés jusqu’à plus soif. Il peut d’ailleurs se le permettre tant la rythmique abat le boulot en arrière plan, avec arabesques de basse et déliés sur la caisse claire. Neuf minutes de quasi improvisation, comme aux grandes heures des… Seventies justement… Décidément…
Alors, bien sur, nombre d’entre vous trouveront cette réédition anecdotique… Certains y jetteront une oreille pour apprécier la partition de Bill Ward, rien de plus.
Mais je ne peux m’empêcher d’y voir beaucoup plus que ça. Pas une résurgence, car le phénomène à toujours existé, mais plutôt une pérennisation, une tradition de l’impossible qui déterre régulièrement ses morts pour les honorer.
Et même si la musique de THE MEZMERIST ne fera rien avancer, il convient de l’apprécier pour ce qu’elle est. Un témoignage de l’anticonformisme qui pouvait régner, même en Californie, même dans les années 80. Les trublions se faisant rares de nos jours, il conviendra donc d’apprécier The Innocent, The Forsaken, The Guilty à sa juste valeur.
Ajouté : Mercredi 25 Septembre 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Hits: 7118
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