Jusqu'où l'avant-gardisme peut-il être poussé ? Avec notre Vaerohn, mieux vaut éviter de se poser la question, car ce bougre aura vite fait de la prendre et de l'éclater en milles morceaux. L'unique membre de PENSEES NOCTURNES nous livre ici son troisième album sous Les Acteurs De L'Ombre Productions, après une transition du nom de Ceci Est De La Musique auto-produit et sorti en tirage très limité. Nous voilà donc en présence de ce Nom D'Une Pipe ! qui, encore une fois, n'est ni plus ni moins que le fruit d'une folie qui semble bien décidée à nous faire danser dans la joie et la bonne humeur avant de nous dévorer les entrailles de l'intérieur.

Tous ceux qui sont familiers avec les productions de notre sieur savent bien évidemment à quoi s'attendre. Pour les curieux ne jurant que par le True Black Metal, circulez ! Ici, vous verrez des riffs noirs et tranchants flirter avec l'accordéon du vieux Léon et toute sa clique ! C'est bon ? Ils sont partis ? Bien ! Pour les autres, vous aurez compris qu'il est bien difficile de pouvoir s'introduire dans ce monde barré. Certains voient notre gaillard comme un génie, d'autres comme un vulgaire fou isolé tout juste bon à faire de la musique de foire. Aussi étonnant que cela puisse paraître, j'ai adhéré à l'univers de notre gaillard. Cet opus va encore plus loin dans la folie que ses prédécesseurs. Ici, nous sommes bien loin de la veine dépressive qu'offrait le très acclamé Vacuum. Sur cet opus, Vaerohn rend les parties néoclassiques bien plus présentes, comme en témoigne "Le Marionnettiste", avec sa trompette mollassonne et sa partie à la limite du Reggae ainsi que son final très réussi, s'échappant dans de profonds abysses avant de retomber sur un accordéon bondissant. Vous ne pouvez pas savoir à quel point j'ai éprouvé du plaisir à écouter encore et encore cette aliénation auditive. Je ne vous cache pas qu'il est malgré tout bien difficile de devoir décortiquer chaque piste, tant elles sont complexes et recèlent d’éléments inattendus, qui se dévoilent à chaque nouvelle écoute, comme la présence d'une boîte à musique sur "La Chimère". Le mieux est encore d'écouter ce CD soi-même pour se rendre compte de quoi il est question. Sur cette galette, notre troubadour des abîmes se sent l'âme d'un ténor comme en témoigne ses vocaux qui savent cependant varier et se faire plus plaintifs de temps en temps. En revanche, si vous êtes trop frileux(se) au chant en français, pas d'inquiétudes ! Vous n'arriverez à comprendre au mieux qu'une poignée de mots par morceaux. Pour le reste, on ne perçoit pas vraiment ce que baragouine notre hôte. Heureusement, Nom D'Une Pipe ! dispose d'un livret bien consistant qui vous offrira quelques belles illustrations ainsi qu'une prose aussi riche qu'hilarante afin de mieux s'immiscer dans ce trip farfelu mais diablement sympathique.

Encore une fois, PENSEES NOCTURNES nous entraînes dans ses délires, que vous le vouliez ou non. Il est bien difficile de savoir à qui Nom D'Une Pipe ! pourrait bien plaire dans le sens où chacun à ses propres limites et goûts musicaux. De ce fait, personne ne réagira de la même manière à cette noire cacophonie. Dans tous les cas, nous nous accorderons sur un point : cette expérience est bien loin d'être habituelle. En ce qui me concerne, j'ai pris la personnalité musicale de Vaerohn en affection. Car ça fait toujours plaisir d'écouter une démarche comme celle-là, qui sort complètement des sentiers battus au point d'être carrément dans le fossé. Pour le reste, libre à vous d'applaudir le plus fort possible, ou de rester en retrait et de sortir de la salle avant même que les rideaux ne soient tirés. Mais vous avez tout intérêt à courir vite !