RATT (usa) - Dancing Undercover (1986)
Label : Atlantic Records
Sortie du Scud : 9 août 1986
Pays : Etats-Unis
Genre : Hard Rock
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 35 Mins
« Mais la Californie, est si près d'ici
qu'en fermant les yeux, tu pourrais la voir
du fond de ton lit »
Julien Clerc la chantait si bien… La Floride avait les orangeraies, mais la Californie hébergeait quant à elle dans les années 80 une horde de musiciens hirsutes prêts à déverser leur torrent de stupre musical sur le monde entier.
Véritable homeland de la bohème tendance pauvre et affamée, cet état américain aura été le berceau de bien des formations teintant leur Rock d’un Metal coloré de bon aloi, assorti avec le paysage environnant.
Le fun, l’outrage, les filles, et l’alcool bon marché. Il en fallait du courage parfois pour s’accrocher à son rêve et ne pas lâcher la rampe.
Mais c’est bien connu, la misère est moins pénible au soleil.
Et en dépit de ces multiples références à la chanson française réaliste, le débat aujourd’hui concernera un groupe US jusqu’au bout de la permanente.
J’ai parlé dans une très récente chronique de la magique année 1986, et de la production discographique pléthorique l’ayant animée.
De CINDERELLA à IRON MAIDEN en passant par SLAYER, il y en avait pour tous les goûts, toutes les tendances.
Des confirmations, des succès gigantesques, des approximations flagrantes, des erreurs impardonnables, des révélations, mais aussi des affirmations en demie teinte…<br<
Tout ne fut pas réussite cette année là. Tout du moins pour la critique.
Et parmi la troupe multicolore qui faisait les beaux jours des clubs de LA, il y en avait un qui détonnait un peu dans le panorama.
Hard, ils l’étaient pour sur. Heavy aussi la plupart du temps. Mais ils n’avaient de Glam que le look et l’attitude, car leur musique semblait piocher dans les racines les plus Rock du Hard-Rock, et alignait les plans techniquement parfaits que les apprentis escrimeurs s’échinaient à reproduire.
Il faut remonter aux mid 70’s pour trouver trace de la quasi naissance de RATT. Formé en 1976 par Stephen Pearcy sous le nom de MICKEY RATT, le groupe dut attendre le début des années 80 pour enfin laisser une trace vinylique de son existence. Entre temps, nombre de musiciens seront passés par la salle de répétition, Jake E Lee en tête, et la quasi intégralité du groupe ROUGH CUTT qui ne connaîtra pas le même succès.
Et après un premier EP/carte de visite éponyme sorti en 1983 sur le label indépendant local Time Coast Records, RATT se retrouve en studio avec Beau Hill pour enregistrer son premier et séminal album Out of The Cellar.
Pochette sexy, musique inspirée, instrumentistes impeccables, influences seventies, AEROSMITH en tête, RATT avait tout pour séduire, et c’est exactement ce qui arriva.
Multiple platine dès le premier album, ça motive.
Alors RATT rééditera la performance sur le très bon Invasion Of Your Privacy, à la pochette voyeuriste du meilleur goût. Les critiques noteront toutefois un certain manque de fraîcheur par rapport au premier album, certainement sacrifié inconsciemment au profit d’un professionnalisme inévitable. Il n’empêche que cet LP contiendra bon nombre de perles/classiques, tels que « Lay It Down », « You’re In Love », ou « Give It All ».
Mais comme pour tous les groupes, l’écueil dangereux du troisième album pointa le bout de son nez. Et puisqu’il fallait bien passer par là, RATT fonça bille en tête en se focalisant sur l’efficacité.
Ainsi, Dancing Undercover fut le premier effort du groupe à soulever autant d’enthousiasme que de déception.
Toujours produit par Beau Hill, il marquait en effet une sorte de cassure par rapport à la première partie de carrière du groupe.
Plus mature, plus policé, il avait en quelque sorte perdu la spontanéité qui animait les sillons des deux premiers LPs. Mais comment blâmer un groupe qui a des années de route derrière lui de compter sur certains automatismes évidents ? Et comment exiger de lui qu’il change de recette lorsque celle ci a autant payé ? Et de la peaufiner à l’extrême pour tenter de produire la musique la plus pro possible ?
C’est en effet impossible, nous sommes d’accord.
Et pourtant, malgré toutes les critiques accumulées (Trop froid, trop clinique, manquant d’âme, de titres forts, j’en passe et des plus sévères…), je ne peux m’empêcher de trouver que cet album est une des plus grandes réalisations du groupe.
Il faut d’abord noter que ce fut la première étape d’un durcissement dans le son du quintette. Le meilleur exemple en reste le titre clôturant la face A, le tonitruant « Body Talk », qui malgré des paroles toujours aussi sensuelles, jouait le jeu de la syncope, du staccato, et de la rythmique rapide et appuyée. Un des meilleurs morceaux de l’album à n’en point douter.
Mais même les titres les plus enlevés bénéficiaient d’un traitement en profondeur, comme en témoigne le virevoltant « Drive Me Crazy », et son riff imparable. Avec un refrain fédérateur et orgiaque, ce dernier attirait l’oreille grâce à une aisance instrumentale incroyable.
Il est vrai que sur ce troisième album, Robbin Crosby s’est un peu retiré du devant de la scène au profit du plus fantasque Warren DeMartini. Se contentant la plupart du temps de la rythmique, il laissait à son jeune collègue le bénéfice de la plupart des lead, obligation que Warren se plaisait à remplir.
Les deux guitaristes étaient bien évidemment toujours les pivots de RATT. Et Dancing Undercover ne faisait pas exception à la règle.
Ils arrivaient en permanence à transcender des riffs relativement classiques grâce à leur toucher et à de petites trouvailles discrètes mais remarquables. Et même lorsqu’ils piochaient dans le réservoir d’inspiration inépuisable que restera toujours AEROSMITH, leur personnalité prenait le dessus et enjolivait la base d’un glaçage savoureux et tout sauf roboratif. A titre d’exemple, écoutez « Slip Of The Lip » et « 7th Avenue », deux illustrations du binaire groovy si cher à Steven Tyler et sa bande, et vous comprendrez à quel point les deux six cordistes étaient passés maîtres dans l’art de l’accommodation.
Mais les griefs formulés à l’encontre de cette troisième livraison n’étaient pas tous infondés. A ceci près qu’ils auraient pu être aussi pertinents dans le cas de Out Of The Cellar et Invasion Of Your Privacy.
A savoir qu’une fois de plus, le déséquilibre entre les deux faces du disque était un peu trop flagrant. En effet, les trois derniers morceaux de Dancing… semblaient bien faibles et fades comparés au reste du LP.
C’était un des plus gros défauts du combo. De partir un peu en pilotage automatique et de laisser des chansons trop évidentes combler les trous. Il est vrai qu’à côté du quasi sans fautes de la face A, la seconde face faisait bien pâle figure.
Pour le reste, j’ai toujours pensé que les reproches des journalistes tenaient plus de la désaffection que de la critique constructive.
Dancing Undercover est bien plus consistant selon moi que le reste de la discographie de RATT. Et une simple comparaison des différents hits ayant jonché le parcours du groupe entre 1983 et 1986 suffit à s’en rendre compte.
Il est évident pour moi que « Drive Me Crazy » et « Body Talk » sont infiniment supérieurs à tout ce que le groupe avait pu composer jusqu’à lors. Que l’on prenne en compte « Wanted Man », « Lay It Down », « Round And Round » ou encore « Back For More », aucun de ces morceaux ne tenait la comparaison.
Seul « You’re In Love » et son riff accrocheur supportait la distance. Mais ceci est bien sur d’une subjectivité totale…
Certains ont accusé Beau Hill d’avoir trop aseptisé le son des américains. Il est vrai que Dancing Undercover n’avait pas la patine « crue » d’Out Of The Cellar, ni la sensualité radiophonique d’Invasion Of Your Privacy. Mais il donnait justement à ce troisième album un aspect plus mature, en lui offrant une profondeur et une gravité de circonstance.
Il fallait y voir l’image d’un groupe rodé par l’expérience, sur de son fait, et donc, disons le, « adulte ». Et là où les potes de MÖTLEY CRÜE se vautraient dans les grandes largeurs avec un pitoyable Theater of Pain qui ne devait son salut qu’au superbe « Home Sweet Home » et à la reprise ludique de « Smoking In The Boys Room » de Brownsville Station, RATT se contentait d’assurer tout en peaufinant avec soin des compositions imparables, qui auraient fait le bonheur de bien d’autres groupes moins talentueux.
Mais on détruit souvent ses idoles d’antan…Et comme 1986 – comme je l’ai déjà souligné – sifflait le signal du départ d’une révolution à laquelle certains ne voulaient pas prendre part, il fallait bien sacrifier quelques figures même si cela signifiait tourner le dos à son passé.
Et même les reviews les plus clémentes ne pouvaient pas s’empêcher de tomber dans la demi teinte, à l’image de celle de Hard Rock Magazine, qui reprochait à l’album une linéarité accentuée par la voix monocorde de Stephen Pearcy. Autant reprocher à AC/DC de toujours faire la même chanson… Ou à MOTÖRHEAD de trop user de la voix de Lemmy.
Bref.
Il est indéniable cependant que Dancing Undercover fut le début du déclin pour les rongeurs. Suivront un Reach For The Sky assez décevant, avec en single un « Way Cool Jr » tout de même relativement savoureux, puis Detonator, plus basique et moins accrocheur.
Et puis, comme pour la quasi intégralité des groupes de Hair Metal et/ou assimilés, une longue descente aux enfers dans les années 90, durant lesquelles Stephen monta le projet ARCADE avec Fred Coury. Pour l’anecdote.
Dancing Undercover fut pour moi la preuve de l’unicité de RATT. Et le point d’orgue d’un triptyque génial. Ce qui au final, n’est déjà pas si mal…
Ajouté : Dimanche 03 Mars 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Ratt Website Hits: 9154
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