THE GREAT KAT (usa) - Worship Me Or Die (1987)
Label : Roadrunner Records
Sortie du Scud : 1987
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 30 Mins
Il est parfois difficile dans le petit monde du Metal de faire la différence entre une bonne blague mitonnée et un premier degré confondant de stupidité et d’une vacuité effrayante.
Ainsi, si le fan lambda ne peut passer à côté des aspects les plus potaches de formations clownesques comme GWAR ou NANOWAR, il lui est parfois plus difficile de situer dans le bon contexte des groupes comme MANOWAR, HAMMERFALL et autres adeptes du True Metal le plus « puriste ».
Le jeu de piste peut s’avérer récréatif, mais devient vite un véritable casse tête. Évolue-t-on dans les méandres de « Confessions Intimes », ou bien dans l’ironie décalée de « Strip Tease » ?
Las de toutes ces considérations fatigantes, l’amateur préfère la plupart du temps adhérer massivement et faire semblant de ne pas entrevoir les travers de ses musiciens préférés, ou, au pire, fait preuve d’indifférence lorsque le grotesque du propos lui échappe.
Le Metal étant un univers masculin à 95% (au niveau des groupes s’entend), les femmes pourraient se sentir étrangères à ce débat, qui les concerne pourtant à un niveau moindre.
1987. L’année bénie du Thrash, qui explose peu ou prou dans le monde entier. Et dans les années 80, il faut admettre que le sexe faussement dit « faible », ne brillait pas par son investissement dans une scène en pleine expansion. On connaissait bien sur Dawn CROSBY, qui animait de ses cordes vocales éraillées le Metal teinté de Hardcore de DETENTE (fabuleux album que cet éternel Recognize No Authority), Sabina CLASSEN, qui avec son frère secouait un peu plus l’Allemagne bruitiste au sein des teigneux HOLY MOSES, un peu moins le ZNÖWHITE de Nicole Lee ou le SENTINEL BEAST de Debbie Gunn, et l’underground s’agitait des soubresauts nordiques d’ICE AGE.
Mais tout ceci restait une affaire mineure, voire anecdotique, sans vouloir manquer de respect envers ces dames.
Et sans doute trop « sage », par rapport aux canons usuels du style. Car même si les gosiers des demoiselles pré citées étaient passés au papier de verre (grain n°1), leurs personnalités somme toute assez discrètes manquaient du piquant indispensable, de celui qui transforme les simples vocalistes en véritables leaders incontestés.
Il nous fallait quelque chose de plus crû, quelque chose de plus excessif, de plus incontrôlable.
Mais ce messie existait déjà.
En 1986, un EP/Démo trois titres, sobrement et délicatement intitulé Satan Says vit le jour sur un micro label créé pour l’occasion (Satan Records). Rien de bien fameux ou notable certes, mais cette sortie confidentielle prit une autre dimension un an plus tard, lorsque la filiale bestiale de Roadrunner, Roadracer Records, sortit le premier album d’une obscure guitariste, blonde, plutôt jolie, s’affublant du sobriquet royalement félin de THE GREAT KAT.
THE GREAT KAT…
Ok, mais qui se cachait sous ce pseudonyme manquant cruellement d’humilité ?
Rien de moins qu’une élève de la prestigieuse Juilliard School de New York. Diplômée de violon, et accessoirement flinguée notoire, la jeune (20 ans au compteur) Katherine Thomas décida un jour que la rigidité teintée d’ascétisme indispensable à une musicienne classique de bonne famille ne lui seyait guère, et plongea corps et âme dans le Metal, monde lui convenant parfaitement de par ses débordements incessants et son décorum ludique et outrancier.
Elle s’inventa alors un personnage, excessif lui aussi, de reine de la guitare hystérique, maniant aussi bien (selon ses dires, et donc parfaitement) le médiator que l’archer, le tout sans état d’âme, et pétrie de certitudes. Au départ, l’album sorti en 1987, Worship Me Or Die, n’attira pas les foules. Il intrigua bien sur un petit noyau de Thrasheurs purs et durs, et attira l’attention d’une poignée de magazines à l’affût, mais il fallut attendre les interviews de Katherine pour que celui ci explose vraiment.
Il faut dire que celle ci savait parfaitement jouer le jeu des médias, et se bâtit rapidement une sulfureuse réputation de barge égocentrique avec force déclarations tapageuses et autres slogans à l’emporte pièce. Et bien sur, une attitude adaptée, sorte de croisement entre un Chuck Norris sexy et une Ilsa la louve incontrôlable.
L’affaire prenait des allures assez étranges…Bien sur, KAT faisait la joie des magazines, grâce à une personnalité travaillée et un discours rodé, mais sa musique et surtout sa technique guitaristique en laissaient plus d’un pantois.
Le syndrome « grande gueule » n’a jamais épargné personne c’est un fait. Et avant de clamer sur tous les toits sa suprématie, il faut s’assurer d’avoir le talent à la hauteur de ses ambitions.
D’où cette ambivalence inévitable dans le cas de l’anglo-américaine.
Je me souviens que dans une chronique rédigée pour Hard Force, un certain Jerôme MAIRAL avait déclaré que Worship Me Or Die « écrasait » le Garage Days Re-Revisited de METALLICA.
C’était le genre de débordement enthousiaste et excessif que pouvait engendrer la musique de la charmante petite blonde.<br<
En Mai 1987, le même magazine osait une micro interview de la belle, qui ne se gênait pas pour en rajouter une couche et se déclarer « Guitariste la plus rapide de la planète ». Après tout, la confiance en soi, même partiale, n’a jamais été un défaut.
Et puisqu’il faut en parler, abordons le cas de son album, devenu plus que culte depuis.
Worship Me Or Die était tout sauf une révolution, encore moins une épiphanie. Mais s’il est une chose qu’il faut lui reconnaître, c’est qu’il était frais.
Frais, car THE GREAT KAT avait joué le jeu à fond, sans jamais négliger les règles de base du style. Onze morceaux dont seuls deux dépassaient la barre des trois minutes, tous bâtis sur un moule simple mais efficace, Worship Me Or Die était à lui tout seul une petite claque à la mauvaise humeur et à la morosité ambiante.
Et surtout, il décomplexait un style qui commençait à beaucoup trop se prendre au sérieux. Et redonnait au sang ses lettres de noblesse, dans un style un peu différent du Reign In Blood de SLAYER.<br
Car il fallait considérer cet album pour ce qu’il était. Une blague. Une private joke naïve mais drôle lancée à la face de musiciens croyant dur comme fer à la noblesse de leur tâche.
Et à la manière d’un SOD et son insurpassable Speak English Or Die, KAT/Katherine avait réussi à se composer un personnage de sauvageonne Thrash intrépide, jouant de la guitare plus vite que son ombre. Mais à la différence de Scott et ses potes, sa « super héroïne » ne restait pas coincée dans des lyrics outrageants. Elle vivait, elle parlait, chantait et jouait. Et sur certains passages, plutôt efficacement je dois l’avouer.
Certes - et ce malgré sa durée raisonnable d’une demie heure – la linéarité était de mise sur Worship Me Or Die. Et de fait, musicalement parlant, seuls certains morceaux tenaient debout. Et parmi ceux ci, certains étaient même relativement bons.
Les plus notables étaient quasiment placés symétriquement en début et fin d’album. D’abord, saluons le mid tempo d’ouverture « Metal Messiah » pour sa rythmique bien méchante et son riff menaçant. Et réservons une franche accolade (ne soyons pas chiches…) au formidable « Satan Says », archétype de la compo ultra speed qu’affectionnait la donzelle.
Ces deux titres, franchement réussis, ne justifiaient certes pas l’achat de l’album, mais permettaient à celui ci d’accéder au rang de « nouveauté à découvrir ». Surtout lorsqu’ils s’accompagnaient de leurs vidéos respectives, dans lesquelles la belle Katherine jouait son rôle avec une conviction qui forçait l’admiration (Ah, ce manche de guitare qui brûlait sous la vitesse des doigts de la belle…Inénarrable !!).
Mais nous pourrions aussi ajouter au lot « Speed Death », pour sa spontanéité, et « Satan Goes To Church », pour sa franchise Thrash.
Alors bien sur, il fallait aussi pour être honnête et objectif, parler du talent de guitariste de la dame, qui n’était ni plus ni moins que son argument publicitaire majeur. Si sa prestigieuse école classique lui permit de multiplier les prix en tant que violoniste, n’importe quel guitariste de la fin des années 70, début des années 80 l’aurait renvoyée aussitôt sur les bancs de sa salle de classe. Et puisqu’elle se gaussait de sa vitesse supersonique sur le manche, on ne pouvait manquer de la comparer au maître du genre, le souriant et ouvert suédois Yngwie J Malmsteen.
Et las, le combat tournait vite court. Aussi fantasque et amusante fut elle, la pauvre blondinette faisait bien pâle figure face aux arabesques diaboliques d’Yngwie le terrible…
Niveau riffs, l’affaire était plus alléchante. Sans non plus transcender les codes inhérents au style, KAT savait parfois distiller de solides rythmiques, basiques certes, mais efficaces et aptes à faire virevolter bien des tignasses.
Mais le point fort selon moi de cette « œuvre », et en adéquation avec les déclarations et l’attitude tapageuses de sa conceptrice, restaient les lyrics, emprunts de satanisme populiste et de provocation bon enfant.
Ainsi, le hit « Satan Says » restituait d’une manière ludique et infernale les correspondances enfantines du jeu de gestes/paroles Simon Says (et son final hilarant SATAN SAYS: I love KAT!), tandis que le puissant « Metal Messiah » se permettait des dérives homophobes impossibles à replacer de nos jours (Get eaten by maggots, faggots !).
Et le précepte « Kat Possessed » de finaliser les commandements indispensables à la vénération de l’auto proclamée déesse du Shred Metal (And then BOW! Four times. To the GODDESS OF METAL. TO ME.
TO THE GREAT KAT!).
En gros, un bon délire hors norme, autant influencé par Wendy O’Williams (le timbre de Kat était d’ailleurs assez proche de l’ex-chanteuse des PLASMATICS) que par les DICTATORS et SLAYER.
Il est dommage que KAT n’ait pas su continuer sur la même lignée, ou n’ait pas su interrompre le cirque à temps pour proposer quelque chose de plus consistant.
Car après un second LP dispensable (mais annonciateur de la suite de sa discographie), Beethoven On Speed, la guitariste est tombée dans l’auto-parodie, étant constamment obligée d’en rajouter pour continuer de stimuler sa maigre fan base. Et d’adaptation classique en parodie (tout le monde va y passer, Vivaldi, Rossini, Wagner, Paganini, tiens, une influence d’un suédois ça aussi…), de photos chocs en déclarations pathétiques, elle est rapidement tombée dans l’oubli, en gardant toutefois cette ligne de conduite extrême et satisfaite.
Il n’empêche qu’elle reste responsable d’un album unique, qui a secoué le temps de quelques mois la planète Metal, offrant aux journalistes un personnage digne d’un comic estampillé no limit, et par la même occasion donné une leçon à quelques confrères musiciens machistes, se vautrant dans la même fange égocentrique mais d’une manière beaucoup plus sérieuse.
Ajouté : Samedi 02 Mars 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: The Great Kat Website Hits: 9098
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