KHONSU (no) - Anomalia (2012)
Label : Season Of Mist
Sortie du Scud : 24 août 2012
Pays : Norvège
Genre : Black Metal Progressif et Industriel
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 58 Mins
Musique à l’idéologie souvent très fermée, le Black Metal a des règles strictes et tout pourfendeur se verra indubitablement accueilli par un tollé des plus fervents extrémistes du genre. Genre pourtant le plus sujet aux expérimentations du fait de la fascination pour ses ambiances occultes et sa puissance malsaine. Désolation, aliénation, isolation de l’humanité, horreur cosmique (lovecraftienne) sont parmi les thèmes qui parcourent cet album, entre absurde et cosmicisme. Tout à fait normal pour un groupe de Black. Sauf que KHONSU n’a rien de normal. Anomalia, sa première production, c’est l’orchestration du voyage de la divinité lunaire égyptienne à travers la nuit, exclue de la vie, comme la Lune l’est de la Terre.
Superbement mis en image par Adrien Bousson, du département graphique de Season Of Mist, ce premier album est pareillement étrange, évocateur, partagé entre des flots déchainés, et une voûte céleste contemplative, que seule une entité mystique et macabre brave. Absent de la scène Metal depuis 2003, c’est Steffen Grønbech, le frère d’Obsidian Claw (KEEP OF KALESSIN), qui est à la tête de ce projet qu’il a entièrement pensé et instrumentalisé. Seule la voix aura été confiée à Thebon, bien connu pour être aussi le vocaliste du groupe du frérot. Psychologue de profession, Steffen s’est certainement inspiré de certaines de ses expériences avec ses patients les plus dérangés pour mettre en œuvre cette fresque sonore. Prenez les derniers ENSLAVED et baignez-les dans les paysages très visuels d’ARCTURUS ; vous aurez ainsi un avant-goût de la teneur musicale d’Anomalia. Et, pour restituer cette traversée stellaire, le multi-instrumentiste s’est affublé d’une production d’orfèvre, à la fois froide et esthétique, mêlant habilement tous les éléments entrant en course. Malgré ses étiquettes de Black et Progressif, l’album est tout de même assez accessible, davantage que les groupes précités, de par une volonté de privilégier les atmosphères à la technique, et également grâce aux nombreux claviers envoûtants qui en constituent la trame.
Aux multiples facettes, ils servent de point d’ancrage en distillant des notes fantasques, illusoires, scintillant parmi les propos bruts de la rythmique. Engendrant des ambiances relaxantes type Chill Out, ou des orchestrations funèbres pour suppléer un chant incantatoire (« The Host »), en passant par des cascades pianotées, des leads synthétiques virtuoses, des cordes frottées ponctuées de basse, ainsi que des breaks sublimes où les apparats Electro fusionnent avec l’acoustique, les claviers apparaissent extrêmement variés, subtils, insufflant une grande partie de l’essence des morceaux. L’on pense parfois même à KALISIA, lorsque quelques mots parlés sont lâchés sur les sections aériennes, et au vu des différents états traversés. Effectivement, l’ensemble du disque se développe sur un fond aérien cinématographique qui habille à merveille les explosions instrumentales et s’épanche au travers de plusieurs ambiances. Par exemple, « The Malady », qui délaisse en partie les guitares abrasives pour une atmosphère industrielle sombre, aux allures de vide sidéral, parcourue de notes claires lointaines et percussions low-tempo massives. Comme s’il n’était pas assez inquiétant comme cela, Thebon rajoute un chant diphonique (de gorge) au titre, en plus d’une voix Rock qui alterne clair et rocailleux. Car il ne se contente pas seulement de vocaux Black gutturaux éloquents, mais expose une diversité vocale concordant avec la variété des pistes en elles-mêmes. Ainsi, parfois il tire sur le Prog, avec ce petit côté poussif en clair et hurlé qui rappelle les premiers Townsend, ou même Joe Duplantier, avec cette puissance de fond imposante, ou bien il use de voix claires mélodieuses fascinantes, doublées, et loin d’être sirupeuses (« Darker Days Coming »). Sans oublier, bien sûr, les éructations saisissantes sur envolées rythmiques. Son chant hurlé/growlé est puissant, mais demeure extrêmement intelligible ; la puissance du Black tout en conservant une réalisation atmosphérique propre et unique dans sa diversité. Et tous ces types de voix se voient dérivés, altérés, en plusieurs nuances au cours de l’évolution des pistes, tous alternés logiquement et habilement pour parfaire l’ambiance mystique démesurée.
Car la majorité des compositions sont longues et se doivent de captiver l’auditeur en l’entraînant suivant de multiples schémas cohésifs. La rythmique suit alors des structures progressives indéniables (« In Otherness »), sans mitrailler une heure durant, et adaptant ses cadences pour une optique plus immersive. Des breaks ingénieux et variés s’agencent dans les compositions, ne laissant la répétition que pour accroître l’effet hypnotique de certaines sections bardées de riffs saturés. Concrètement, la batterie se fait explosive lors des frappes, la double pédale faisant le ménage à l’arrière-plan. Pour ce qui est de la basse, elle est bien calquée sur cette dernière et n’a aucun mal à s’imposer, s’avérant un soutien mastodonte pour les riffs (« So Cold »). Il est rare d’avoir un mur de dissonance, si ce n’est pour des séquences plus expérimentales ou obnubilantes. Sans être trop alambiqué, le jeu de guitares est tout de même de haut niveau, avec un riffing qui fait souvent mouche, et un unique solo, par contre, tout en langueur. Toutefois, en milieu d’album, KHONSU propose « Inhuman State », une transition qui s’étale sur neuf minutes d’un Black Metal d’une violence rare, où la batterie se déchaîne en mode (gravity) blast beat, sur des riffs insidieux et une voix rocailleuse gutturale toute droit ressortie de KEEP OF KALESSIN. Plus que puissante, la composition coupe le souffle de sa véhémence soudaine, et ses climax d’une intensité incommensurable. Le charme d’Anomalia réside également dans la profusion de guitare sèche et d’acoustique qui se marient aux textures industrielles abondantes des riffs atmosphériques et claviers en de fabuleux paysages désolés. Parfois même, les guitares électriques cèdent leur place au reste de l’instrumentation. « Va Shia (Into The Spectral Sphere) » clôt l’album à merveille, reprenant en quatorze minutes, les différentes ambiances présentées par Steffen ; de l’intro acoustique Country sur synthés ambiants légers et basse bourdonnante, aux blasts féroces d’un Black accablant.
Le cosmicisme statue l’insignifiance de l’humanité, infinitésimale face à des entités cosmiques au-delà de sa compréhension. Quant à l’absurde, il établit l’impossibilité pour l’Homme de trouver un sens à son existence et à l’univers. KHONSU, lui, nous confronte à ces deux philosophies par le biais d’un album aussi indéfinissable que titanesque. Composé de sept titres éclectiques aux tournures surprenantes, où les instruments s’échangent les leitmotive avec une fluidité déconcertante, Anomalia donne carrément vie à cette horreur cosmique contemplative, nous emprisonnant dans son épopée aux confins des astres, sur les traces d’un dieu voyageur.
Ajouté : Mardi 27 Novembre 2012 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Khonsu Website Hits: 10992
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