Forcément, un jour, ça va péter. A force de chier des trucs comme ça, on va finir par le prendre au sérieux. Comme quoi, le Hardcore, c’est pas toujours peace and love sur fond de galettes de quinoa et de steak de soja. Ça peut aussi véhiculer un tout autre état d’esprit, quelque chose qui navigue entre le chaos et le pessimisme. On savait que les Parisiens de KICKBACK étaient doués pour le Hardcore négatif. Peut-être ont-ils trouvé en YOU’RE NOTHING un peu de répondant. Deuxième projet de l’hyperactif Chris, également guitariste pour SPITBACK (un nom qui parlera forcément à ceux qui fréquentent la scène strasbourgeoise), ce tout nouveau groupe alsacien fondé durant l’été 2011 est allé jusqu’en Belgique pour enregistrer son premier EP éponyme, dans des studios qui ont été témoins d’une curieuse effraction, celle des grindeux belges d’OERJGRINDER, pas vraiment connus il est vrai pour leur finesse légendaire.

Trois titres et sept minutes. Le toucher rectal sera donc profond, triple et expéditif. YOU’RE NOTHING me plait déjà beaucoup. Cet EP démarre en trombe avec « You’re Nothing », un morceau-titre qui fait aussi nom de groupe mais qui surtout, introduit ce combo avec force et fracas. Si la production manque un peu de dynamisme à mon goût, avec ces guitares pachydermiques après 1’15 qui mériteraient de mieux exploser, elle a aussi le privilège d’avoir cette rugosité et cet impact, propre au Hardcore le plus bagarreur qui soit. On n’a pas besoin d’une quelconque phase d’acclimatation pour jubiler au rythme de cette compo supersonique et grossièrement exécutée. Si on sent clairement l’implication des musiciens dans d’autres projets similaires, la palette vocale est un peu plus surprenante. La complémentarité entre Chris et Arnaud est juste évidente mais au-delà encore d’une simple cohésion, c’est la folie dégagée par ces cris d’aliéné qui fait effet. Loin d’un chant Hardcore conventionnel, loin de toutes ces conneries de chœurs scandés à la new-yorkaise, YOU’RE NOTHING est constamment dans le dur, tentant avec brio d’extraire un maximum de haine de sa musique. « Call Of Revenge » va encore plus loin, avec quelques inégalités Death au milieu et notamment un passage entre 1’38 et 2’07 qui fait vraiment penser à CANNIBAL CORPSE, les screams en plus. Du haut de ses quasi-trois minutes, cette seconde compo nous rapproche de normes, de structures plus conventionnelles. « Once Again You Failed » la suit, s’inscrivant dans un Hardcore un peu plus aéré, un peu plus traditionnel, même si définitivement, les passages en Beatdown et les voix beuglées donnent une dimension toute particulière à leurs interprétations. YOU’RE NOTHING captive, YOU’RE NOTHING a ce magnétisme qui fait que ces sept minutes passent comme deux et qu’on a à peine le temps de comprendre ce qui se passe que l’EP est déjà terminé. Mon ying un peu chien fou me suggère à l’oreille que tout ça est un gage de qualité. Mon yang, plus raisonnable, me conseille de relativiser une pareille sortie, qui se classe facilement dans la catégorie « amusement », comme si elle était une simple distraction qu’on ne devrait pas prendre trop au sérieux.

Que vous ayez l’âme noire et le cœur blanc ou l’inverse, allez vous faire foutre. YOU’RE NOTHING donne envie de se battre, donne envie de dégrader, donne envie de soulager ses poings sur des petits enfants. Et si jamais vous êtes trop con pour le faire, gardez-vous bien de porter la moindre attention sur cet EP, diablement efficace et déconseillé en cas de tension artérielle. Assurément, ce fier représentant du « Negative Beatdown Hardcore » vous demandera un peu de recul. Comment veux-tu, comment veux-tu… Vous connaissez la suite.