Si la vie est un long fleuve tranquille, on ne peut pas en dire de même du parcours de certains groupes… Entre les accidents, la drogue, le deuil, les suicides, les splits, les incertitudes, la désaffection du public, la route est parfois jonchée d’obstacles plus ou moins durs à franchir…
Alors on louvoie, on laisse tomber, on laisse dériver le navire ou on s’accroche, coûte que coûte…
Ce que fait MASS HYSTERIA depuis presque vingt ans maintenant… 1993-2012, le chemin fut long et tortueux, mais ils sont toujours là.
MASS fait partie de ces groupes nés dans les nineties, proposant un mélange des genres, qui fut encensé par une grande partie de la critique et apprécié par une large frange du public, avant de connaître quelques difficultés nées sans doute de choix risqués qui n’ont pas toujours payé… Entre un Contraddiction que tout le monde se plaît à décrire comme leur meilleure offrande et un Failles qui selon certains méritait bien son titre, la communication n’a jamais été aisée…
Alors que faire…
Continuer sa route sans se poser de questions, avec en assise des prestations scéniques hors normes (leur prestation au Sonisphère 2011 est encore gravée dans ma mémoire…) ?
Se poser encore plus de questions, essayer d’expérimenter au risque de s’aliéner toujours plus de fans ?

Soyez soulagés fans, la réponse à vos questions est là, à portée de vos oreilles, et elle se nomme L’Armée Des Ombres. Et le soulagement sera double, car l’opus en question est bon, très bon même.

C’est même Mouss qui nous en avertit, dès le début de l’album. « Positif à Bloc ». Ca sonne comme un mantra, un leitmotiv, mais ça n’est qu’un simple constat. Car MASS a fait table rase, a tout épuré, tout réduit à l’essentiel. Quatre vingt dix pour cent des morceaux sous les cinq minutes, des riffs qui cognent, une rythmique carrée et percutante, des samples utilisés avec intelligence et placés là où il faut. Le MASS d’origine, qui cogne là où ça fait mal, qui assène des vérités, et trace, sans se retourner. Sans rien renier de son passé.
Alors bien sur, L’Armée Des Ombres ne propose aucune digression innovante. MASS a déjà versé son obole à l’expérimentation à tout va, pour le meilleur, parfois pour l’anecdotique, et s’est concentré cette fois-ci sur l’efficacité des morceaux, qui sont tous concis, compact, et recentrés. Ce qui nous promet d’ailleurs une sacrée boucherie live pour la tournée à venir.

« Créer pour exister, c’est résister un peu ». Et c’est vrai qu’en ces temps de modernisme et de jeunisme à tout va, un tel album fait du bien. Le MASS 2012, c’est un Mouss au premier plan, avec un flow assuré, une voix en place, et des textes dans la grande tradition. Des slogans jusqu’à plus soifs, dans la lignée des CLASH (quel groupe à dimension sociale n’a pas été influencé par les Anglais ?), une lucidité bienvenue, et surtout, une présence, celle d’un frontman, d’un leader, ce qu’il a toujours été.
MASS 2012, c’est aussi Yann, guitare en avant, balançant des riffs imparables comme à la parade, tirant la quintessence de son art via son épure, se recentrant sur des licks éprouvés, efficaces et essentiels.

« Il est toujours temps d’aller, là où on rêvait ».

Les titres forts ne manquent pas sur ce nouvel effort, au point qu’il devient très difficile d’en mettre un en avant plutôt qu’un autre. J’avoue un penchant personnel pour « Serum Barbare », son mid tempo écrasant, ses samples planant comme une menace impalpable, et son chorus Hardcore dans la droite lignée d’un AGNOSTIC FRONT moderne. Le final très GBH « Vertige Des Mondes » m’a aussi séduit par sa rage juvénile contagieuse, de même que le marteau pilon « L’Homme S’entête », et son texte vraiment bien troussé, débité avec une régularité et une précision diaboliques par Mouss.
« Même Si J’explose », morceau le plus long de l’ensemble offre quant à lui une pesanteur moite et vindicative, tandis que « Comedia Dell’Infierno » triture les arrangements électroniques au point de se poser en titre emblématique de la démarche de MASS depuis ses débuts.

L’Armée Des Ombres n’est ni un résumé, ni une ouverture sur le renouveau. Encore moins une pause ou un regard en arrière. Il n’est rien de moins que le nouvel album d’un groupe qui se tient debout, et qui n’a pas l’intention de poser le genou à terre. MASS HYSTERIA est bien vivant, presque vingt ans après ses débuts, et nous offre un instantané de son image, toujours aussi fascinante et troublante.

« Est-ce la fin des utopies ? »

Tant qu’il y aura des MASS pour y croire, la réponse sera non.