Et nous y revoilà… On a beau fuir le passé, il revient toujours au galop…On attendait de pied ferme le successeur du percutant Hordes Of Chaos sorti il y trois ans, et en ce beau mois de juin 2012, le monstre KREATOR nous revient avec un nouvel effort sur un nouveau label… Exit SPV, bonjour Nuclear Blast, mais ceci n’est qu’un détail mineur.
Car le plus important dans cette annonce, c’est la qualité du disque en question. Sous ce titre diablement accrocheur se cache en effet rien de moins que le treizième album des allemands, et une fois de plus, rien à redire, c’est du travail d’orfèvre.
Que de chemin parcouru depuis les premières démos de TORMENTOR… Je me souviens encore de ce quatuor un peu gauche, à la rythmique malhabile et aux soli approximatifs. Mais c’était il y a presque trente ans maintenant, et à l’écoute de Phantom Antichrist, l’auditeur mesurera tout le chemin parcouru par ces jeunes headbangers fous qui n’avaient de désir que de faire plus de bruit que leurs voisins.
Il y a un fossé qui sépare ce dernier né de son aîné, Hordes Of Chaos. Car si ce dernier n’était que haine et violence concentrée, Phantom Antichrist se veut plus nuancé, plus travaillé, et plus mélodique. Et du coup, différent, assurément.
N’allez pas pour autant croire que la puissance a été négligée, loin s’en faut, car c’est bien de KREATOR dont nous parlons. Non, pour être juste et honnête, disons que la même distance sépare ces deux derniers albums, que celle qui distanciait Terrible Certainty et Extreme Agression.

Enregistré en Suède sous la houlette de Jens Bogren (OPETH, KATATONIA, AMON AMARTH, SYMPHONY X), KREATOR a ainsi bénéficié du bon air Nordique pour insuffler une bonne dose de mélodie à son Thrash compact, et il faut admettre qu’un vent aux doux accents de l’école de Göteborg souffle sur les morceaux de Phantom Antichrist. Les influences SOILWORK et surtout AT THE GATES sont évidentes sur ce nouvel LP, sans pour autant faire perdre aux allemands leur identité propre. Tour de force ? Non, simple question de personnalité. Car Mille et sa bande sont avant tout des musiciens très intelligents, et capables de s’adapter sans se trahir. Et leur talent combiné à une ouverture indéniable sur l’extérieur a engendré de petites perles tantôt Heavy en diable, tantôt furieusement débridées, accouchant de morceaux solides et fédérateurs aux refrains entêtant sans pour autant tomber dans la facilité.
« From Flood Into Fire » est par exemple très caractéristique de cette nouvelle orientation, mixant la légèreté harmonique des soli venus du froid, et la solidité d’un Heavy totalement européen. La voix de Mille, toujours aussi déterminée assure un impact total sur l’auditeur, qui sera finalement convaincu de la pertinence des choix du groupe.
Mais si toutefois vous cherchez à vous raccrocher aux branches de la tradition, pas de soucis, des brûlots tels que les véloces et impitoyables « Victory Will Come » ou « Civilization Collapse » seront là pour vous rassurer. Certes, même ces morceaux ne sont pas exempts de refrains fédérateurs et/ou d’interventions novatrices et harmoniques à la guitare, mais c’est justement ce contraste qui les rend si intéressants. Car KREATOR ne s’est en aucun cas laissé aller à la mièvrerie ni au plagiat, et a gardé intacte sa science du riff saccadé et du tempo échevelé. La confrontation des origines allemandes et suédoises a donc abouti à un subtil mélange de fureur austère et d’enrobage nuancé. Les intros délicates à la guitare acoustique, les multiples changements d’atmosphère, les arrangements léchés ne sont en aucun cas un moyen déguisé de cacher le manque d’inspiration, mais bien un procédé valide pour mettre en valeur des compostions plus que solides et pertinentes.

KREATOR… On a beau fuir le passé, il revient toujours au galop… Déjà trente ans que ce groupe secoue les fondations de la musique extrême, et à l’écoute de ce fantastique Phantom Antichrist, on comprend aisément que la tornade n’est pas prête de se calmer. Mais il est bon régulièrement de se faire décoiffer par une bourrasque aussi agréable…