On ne le dira jamais assez, il est quasiment impossible pour un groupe de rééditer le même exploit lorsqu’il a accouché quelques mois auparavant d’un chef d’œuvre. Et EPICA n’échappe pas à la règle. Le groupe batave, qui nous a offert un exceptionnel Design Your Universe en 2009, devait bien donner une suite à sa carrière discographique. C’est chose faite avec Requiem For The Indifferent.
Orné d’une pochette déroutante, froide et clinique (ce qui semble être le but vu le concept global de l’album : fin du monde, pollution, égoïsme primaire et négligence humaine), Requiem For The Indifferent ne fera sûrement pas l’unanimité auprès des fans. Même votre serviteur a éprouvé les pires difficultés à s’immerger dans ce nouvel opus. Il vous avouera même qu’il n’a pas hésité à lire les chroniques déjà parues sur le sujet, chez la concurrence (en constatant que ça n’emballait pas grand monde). Non pas que les nouvelles compos de Mark Jansen défient les lois de l’accessibilité, simplement il fut très dur de trouver une accroche globale. Ce qui permet de dresser un premier constat : Requiem For The Indifferent peine à séduire.
Pourtant, il comporte son lot de moments de bravoure. « Stay The Course », de même que « Deter The Tyrant » (avec son ambiance orientale et ses guitares virevoltantes), parviennent à produire leur petit effet grâce à des refrains enchanteurs. Les chœurs épiques de « Monopoly On Truth », sur lequel survient un efficace break orchestral et brutal, charment l’auditeur sans problème. EPICA symbolise encore et toujours, dans le monde du Metal, cette capacité à nous faire voyager. Les longues minutes venues d’un autre monde de « Requiem For The Indifferent » en disent long sur le potentiel évident qui n’a pas complètement disparu … On change de paysage et la ballade « Delirium », emmenée par la simple voix de Simone Simons et le piano de Coen Janssen, amène un plus mélodique et intimiste.
Et si « Deep Water Horizon » commence dans le même registre, le contexte folklorique en supplément, voilà un morceau qui s’emballe soudainement avant de donner carrément dans le Metal extrême. Et tout le « métier » d’EPICA ressort dans ce titre symbolique : les parties orchestrales font le pont entre chaque style abordé, le tout s’enchaîne naturellement. « Avalanche » correspondrait également à ce schéma. En fait le savoir-faire de Jans(s)en et consorts fait mouche dans les cas cités ci-dessus, mais il peut aussi dissimuler certaines lacunes et un gros manque d’inspiration … Difficile de parler autrement de « Storm The Sorrow » sans le qualifier d’échec retentissant. Voilà un titre qui avait tout pour être un futur classique, mais bon sang que vient faire ce break inutile et bourrin en plein milieu ? Quel dommage … Peut-être aurait-il fallu, surtout après un Design Your Universe riche en tous genres, mais surtout accompli avec brio, revenir à l’essentiel et proposer quelque chose de plus direct. Sans se mettre à faire du WITHIN TEMPTATION, mais sans en faire des tonnes non plus. Pourquoi munir « Internal Warfare » de lignes de chant tout simplement insupportables ?! Dire de Simone Simons qu’elle provoque un certain rejet paraît très improbable et pourtant … Tout au long de Requiem For The Indifferent, la voix de Simons ne représente plus tellement un atout, mais trop souvent un passage irritant qu’on se met à redouter. Et quand le refrain de « Internal Warfare » se veut malgré tout plus réussi, une fois encore c’est un imprévu tempo à tendance Death qui flingue tout …
Que les choses soient bien claires : Requiem For The Indifferent n’est pas aussi mauvais que certains vont essayer de la faire croire. Il a un gros défaut, on l’a déjà dit, celui de succéder au monumental Design Your Universe. Et la pluralité dans le discours d’EPICA, son entêtante envie de proposer trop d’éléments en une seule chanson freine la magie perçue sur les albums précédents. C’était l’un des points forts du groupe et sa principale caractéristique. Disons que pour ce coup-ci, Requiem For The Indifferent a un goût de moins bien.