FEAR FACTORY (usa) - Obsolete (1998)
Label : Roadrunner Records
Sortie du Scud : 1er Juillet 1998
Pays : Etats-Unis
Genre : Néo Indus Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 49 Mins
J’avais découvert FEAR FACTORY sur un sampler Roadrunner aux environs de 1992/93 je crois, avec un titre noyé au milieu des nouvelles sorties du label, dont les furieux grungers de GRUNTRUCK et les glammers de STAR STAR… Intéressé, mais pas vraiment conquis, j’avais quand même jeté une oreille sur Soul Of A New Machine histoire d’approfondir, mais même si la musique proposée était de qualité et un tant soit peu novatrice, les fulgurances attendues étaient encore trop embryonnaires pour me séduire.
Et puis un jour, Demanufacture est sorti.
Et il a bien fallu que je revoie ma copie.
J’aurais pu bien sur choisir de parler de cet album, qui à l’époque était le futur. Mais même si « Replica » reste selon moi une des bornes incontournables du long chemin pavé d’innovation/stagnation des 90’s, l’album à vieilli. De futur, il n’est jamais devenu présent, et maintenant, le train est passé. Il sonne daté, même si certaines de ses chansons sont encore parmi ce qui se fait de meilleur dans le genre. Genre que FEAR FACTORY a créé, et que peu de groupes ont vraiment réussi à suivre. A part STRAPPING YOUNG LAD peut être. Mais ceci sera l’objet d’un autre chapitre.
Alors qu’Obsolete sonne toujours aussi up in time, et reste inégalé.
Mais attention, car il n’est pas facile d’approche. Il est compact, touffu, agressif, et ne caresse que très rarement dans le sens du poil. Et si les riffs de Dino vous tranchent la chair avec une précision clinique, la rythmique de Raymond et Christian passe une bonne couche de sel juste après pour bien vous faire hurler. Le tout, sous le regard bienveillant de Burton, qui hurle, susurre, gémit, se plaint et véhémente à tout va. C’est un paradoxe musical. Car avec l’approche la plus digitale qui soit, l’usine de la peur à réussi à bâtir un temple analogique. Tout en travaillant avec Colin Richardson, le Phil Spector du Néo Metal rutilant et chromé. Un tour de force, ni plus ni moins.
Mais bien sur, le quartette à sa personnalité, ses objectifs, dont il ne déviera pas. Représenter l’avenir, une fois de plus, avec les moyens du présent. Et cette fois ci, la tentative fait mouche.
Dez Fafara, à l’époque encore coincé dans sa cellule de charbon, avait déclaré avoir la haine à l’idée de penser que Burton et les siens allaient entamer leurs concerts avec un titre aussi puissant que « Shock ». Par haine, comprenez jalousie, la même jalousie qu’éprouvait Mick Jagger lorsqu’il a entendu pour la première fois l’harmonica de « Love Me Do » à la radio.
Et c’est vrai qu’il y avait de quoi susciter bien des convoitises. C’est une entame d’une rare franchise, une entrée en matière détonante qui dès le départ happe l’auditeur dans une spirale infernale de chaos et de lumière. Burton habite véritablement son chant, et le reste du groupe lui allume un infernal feu de Bengale sur lequel ses pieds ne se brûlent même pas.
Mais ça n’était rien.
Rien comparé à la dissection systématique de « Edgecrusher », et sa contrebasse grave comme le gosier d’Andrew Eldritch. Quel flair de la part de Christian d’avoir utilisé toute la profondeur du bois en d’en avoir tiré quelques notes simples, mais résonantes. Et de fait, ce titre devient le premier point fort d’un album qui commence à peine, mais qui nous indique déjà la maturité incroyable d’un groupe au stade délicat du troisième album. Il fallait avoir du culot. Ou une confiance aveugle en ses propres moyens. Et/ou les deux. Biffez.
Il y a bien sur plusieurs niveaux d’écoute, comme pour tout album majeur. On peut le concevoir comme une poussée en avant, comme l’équilibre instable d’un gang coincé entre sa condition temporelle et ses velléités de modernisme, ou tout simplement comme un disque sacrément efficace lardé de guitares écrasantes et de patterns de batterie aussi puissants que roublards. Mais FEAR FACTORY devenait majeur grâce à ce LP. Dans tous les sens du terme. Et le pire, c’est que tout ceci était prévisible et mérité. Une pelleté d’hymnes contre une addiction instantanée.
« Smasher/Devourer», cheval de bataille live. « Obsolete » et son constat presque cynique d’une décade qui allait bientôt mourir et que tout le monde se plairait à mettre en terre, sans gerbe aucune. « High Tech Hate » comme déclaration d’intention à la violence non contenue.
Mais surtout, un final à pleurer d’évidence et de beauté.
Je pourrais disserter sur des milliers de mots, pendant des jours entiers sur l’importance d’un morceau tel que « Resurrection ». Comparer l’outrage du son et la finesse de la forme. Y voir une dichotomie incroyable entre le réalisme douloureusement fataliste et l’espoir qui se niche derrière ce discours ambigu. Louer une fois de plus cette mélodie vénéneuse et fatale, et ce chant presque lyrique, durant lequel Burton module, et nous emmène si haut que tout instant d’inattention deviendrait fatal. J’ai même été déçu le jour où j’ai pu voir la vidéo illustrant ce morceau, tant j’aurais préféré que mon imaginaire continue de suivre sa propre voie sans être aiguillé sur une mauvaise route par des images choisies.
Et l’enchaînement avec le final « Timelessness », ensemble de voix/cordes, ne fait que renforcer cet épilogue violemment éthéré (l’oxymore est volontairement choisie), et nous replonge pour une poignée de secondes dans cette atmosphère ni implicite, ni explicite, qui pourrait se situer à la rigueur en plein milieu d’un trou noir, ou dans une faille spatio-temporelle.
Et c’est en ce sens que FEAR FACTORY a quasiment clôt une décennie de la meilleure façon qui soit. En trouvant la juste harmonie entre la dissonance et la mélodie, entre la haine et la volonté d’y croire encore. Et ainsi, de caractériser au plus près des années de recherche, de symboliser le mariage le plus pur entre tradition/évolution, et puissance/finesse. Ils étaient à eux quatre le think tank le plus efficace des dix dernières années les précédant.
Las, comme il fallait s’en douter, après avoir accouché d’un tel monstre, après avoir hurlé à pleins poumons un postulat aussi définitif, il devenait clair que le reste du discours allait se faire plus terne.
Et ce fut malheureusement le cas.
« Due to the graphic nature of this program, the listener’s discretion, is advised ».
Over.
Ajouté : Lundi 13 Février 2012 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Fear Factory Website Hits: 9494
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