Il est parfois amusant de voir à quelle vitesse le temps passe. Comme souvent ces dernières semaines, il m’arrive d’écrire pour un groupe dont j’avais déjà reçu les précédentes promos il y a plusieurs années. C’est un sentiment assez unique puisqu’il nous offre la possibilité de croiser certains chemins et évolutions. Aujourd’hui ce sont les Mosellans de KRYZEES qui reviennent, trois années après un Wheel Of Fate qui avait déclenché un déluge de superlatifs généreux, reléguant malgré eux le Heavy Metal à l’ancienne de nos amis au rang de pâle ou glorieux hommage à IRON MAIDEN. C’est selon. Amusant aussi de voir le groupe provoquer ces compliments, de par leur musique généreusement authentique mais aussi avec certaines œillades pas très discrètes, comme l’adoption d’un bureaucrate masqué pour illustrer leurs pochettes et qui n’est pas sans rappeler Eddie The Head. Des détails pas si innocents.

Forts de ce second album, KRYZEES a surtout cherché à affiner son style. D’un côté, on a l’impression que les lorrains prennent un peu leurs distances d’avec les comparaisons pompeuses et de l’autre, qu’ils ne peuvent néanmoins s’empêcher d’adresser des flatteries révérencieuses aux ayatollahs du style. Une fois encore, tout se déroule avec beaucoup de professionnalisme et ce dès les premiers accords d’« Are You Ready » qui plongent dans la facilité qu’offrent les intro classiques du Heavy : guitares solennelles appuyées par des frappes de batteries imposantes. Une bien belle entrée en matière. Pourtant, tout est cousu de fil blanc. Son déroulement est sans surprises, les solis ne sont guères avenants et le rythme est effréné, comme on pouvait s’y attendre. Oui mais voilà, la musique de KRYZEES est super attractive, c’est une sorte de drogue dont on connaît les effets mais dont on ne peut se soustraire. En harmonie totale avec leur statut de jeune groupe volontaire, nos musiciens proposent de nouvelles compositions propres, dans la veine d’un Heavy Metal orthodoxe mais pas trop non plus. « Metal Is My Game » évolue dans un registre aux limites du Hard Rock moyenâgeux tandis que « The Tale Of The Beast » qui lui succède prend position dans le camp de la semi-balade Heavy technique et actuelle. Le tout est proposé dans un empaquetage hermétique qui transpire l’old-school par tous les pores et dont ne fuitent que quelques morceaux suffisamment tranchants pour rompre ce cocon confortable, à l’image d’« Enchained » et de ses riffs saccadés vraiment casse-cous. Un mot également sur la prestation de Laurent au micro. Qui dit Heavy dit forcément vocaliste un poil castrat et évidement, l’ami ne déroge pas à la règle, à la seule exception que ses pointes vocales stridentes ne sont ni pédantes, ni ressassées mais bel et bien efficaces et poignantes. Unchained est donc un disque assez complet, en accord avec les envies affichées par le groupe même si on peut regretter qu’il soit dans son ensemble encore trop obséquieux et policé.

On n’a cependant aucune raison de désespérer de voir KRYZEES mettre enfin un bon coup de pompe dans la fourmilière du Heavy bigot et pieux. Avec ce second opus très abouti, les lorrains enchaînent (sans mauvais jeu de mot) et s’installent de plus en plus confortablement au sein de la scène française. A cette vitesse là, leurs concurrents peuvent déjà se mettre à acheter les pinces-monseigneurs.