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DEVIN TOWNSEND (ca) - Deconstruction (2011)






Label : Inside Out Music
Sortie du Scud : 20 juin 2011
Pays : Canada
Genre : Hard Rock
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 71 Mins





« Le bonheur ne se raconte pas, il se vit ».

Cet aphorisme laisse à réfléchir. Est il pertinent de se poser en observateur extérieur et ainsi, de narrer à des témoins éventuels les évènements d’une vie, ou bien de les expérimenter soi même, et d’ensuite en faire un compte rendu hautement subjectif et personnel, en prenant le risque de voir une foule de suiveurs s’identifier à ses propres traumas ?
Je n’ai guère la réponse à cette question. Il faut tout d’abord vivre, et ensuite, éventuellement, chercher à trouver des réponses, aussi absconses soient elles. Ki. Addicted. Deconstruction. Ghost
La tétralogie la plus intime du Metal. Un univers à pénétrer, à comprendre partiellement, mais surtout à écouter, décortiquer, en analyser la moindre note, le moindre mot, le plus infime indice étant susceptible de vous conduire dans une nouvelle impasse, ou au contraire de vous ouvrir les champs du possible.
Ou pas.
Mais comment sortir ces œuvres de leur contexte ? Comment occulter leur origine, comment nier même le lien ténu qui nous relie avec leur créateur ? C’est impossible.
Et à l’heure où les deux derniers chapitres vont vous permettre de relier les fils invisibles qui constituent les liaisons synaptiques de Devin, émotionnellement et psychologiquement parlant, il va vous falloir faire face à un monstre enfanté dans le besoin d’une catharsis démente et pourtant si humaine.
La tâche n’est pas aisée, et il vous faudra, au final, envisager l’aventure dans sa globalité, et non plus partiellement. Mais avant de vous attaquer à ce travail de titan, jetez vous sur les deux dernières clés, qui constituent plus un puzzle démembré qu’il convient de réassembler, qu’à deux éléments distincts. Deconstruction et Ghost ne sont que les ténèbres et la lumière d’une même composante, la terre, la vie, le doute et l’avancée permanente.
Si nous souhaitions introduire l’analyse de manière triviale, il nous faudrait dire que Deconstruction est la partie la plus « Metal » d’un ensemble aussi disparate que cohérent. Mais cela reviendrait à classer l’inclassable, et donc faire preuve de pragmatisme à l’heure ou celui-ci n’est pas de mise. Tout au plus, considérons cette indication comme une bouée, une boussole qui vous permettra de vous orienter. Ce chapitre contient des éléments familiers, une approche de la violence commune à Ki, City, ou même Ziltoïd. Une tension sous jacente, une explosion de haine, et une colère presque paillarde. Soit toutes les étapes de la prise de conscience à la lisière de la schizophrénie émotionnelle. Rejeter pour mieux adopter. Détester pour mieux aimer. Mais le chemin est ardu, tant pour le compositeur que pour l’auditeur. C’est du Devin bien sur, mais un Devin nouveau, moins fragile, et conscient de ses faiblesses qu’il souhaite transformer en forces. Avec sa liste d’invités impressionnante (Dirk Verbeuren pour les parties de batterie les plus extrêmes et complexes, Paul Kuhr, Mikael Åkerfeldt, Ihsahn, Tommy Giles Rogers, Joe Duplantier, Paul Masvidal, Greg Puciato, Floor Jansen et Oderus Urungus pour certaines parties vocales, ainsi que Fredrik Thordendal pour des parties de guitares…), Deconstruction est tout sauf du n’importe quoi, même si son rendu ressemble parfois à une gigue de la folie interne complètement débridée, et de fait incontrôlable.
Construit comme une progression dont l’issue est inéluctable, cet album s’écoute la peur au ventre et l’âme vierge. Devin nous a toujours habitué à déconstruire la musique, mais de manière plus ou moins habitée. On sent dans cet album une dualité énorme, comme si la spontanéité avait été établie de manière logique, une espèce de cohérence dans l’inventivité.
Aucune « chanson », dans le sens le plus radical du terme, plutôt une suite d’humeurs plus ou moins gérées, qui mises bout à bout forment un nouveau genre de symphonie de l’extrême. Ainsi, seuls trois morceaux restent sous la barre raisonnable des quatre minutes, certains se permettant même d’atteindre allègrement les dix, voire les seize minutes.
De cette déraison émergent surtout « Planet Of The Apes », sorte d’apaisement dissimulé sous une épaisse couche de paranoïa, avec sa tension croissante emphatique, renforcée par le chant de Devin, qui semble incarner une foultitude de personnages différents qui ne constituent en fait qu’une seule entité indivisible, lui-même. C’est sans doute la partie qui se rapproche le plus de Ki, chapitre d’ouverture de la tétralogie.
Mais vous pouvez ranger à ses côtés l’improbable « The Mighty Masturbator » et son quart d’heure d’introspection effrayante. Sa structure opératique en fait un authentique court métrage, et surtout, rappelle qu’au-delà du musicien fantasque, Devin reste un chanteur fabuleux à la voix élastique. Un peu « Bad Devil », un peu « Detox », mais surtout 100% personnel, ce morceau est une épreuve à lui tout seul, et emprunte des chemins sinueux dont il est difficile de s’extraire. Séance d’auto hypnose éprouvante, flash-back démentiel ou Townsend s’autorise des incursions démentielles dans son univers intérieur et n’hésite pas à inclure des éléments techno, à la lisière de l’auto célébration, c’est une pierre philosophale pourtant terriblement humble dans son extraversion.
Mais la pièce maîtresse de ce monolithe reste sans conteste l’hallucinant « Deconstruction », qui commence telle une profession de foi, avec un Devin affirmant haut et fort que l’on peut tout déconstruire, y compris un cheeseburger. Et si le morceau débute par un pet, il serait hâtif de classer ce titre au rayon des sempiternelles blagues de notre alien préféré, car cette flatulence n’est rien d’autre que le signal sonore précédant l’évacuation totale.
Complètement désinhibé, le canadien laisse divaguer son imagination au-delà du raisonnable, et le travail de Dirk Verbeuren aurait de quoi écoeurer bien des batteurs. Avec des passages faisant plus que flirter avec l’ultra violence, conjugués à des segments hystériques et prenant des allures de farandole de la libération de l’Ego, « Deconstruction » ressemble bien à un acte d’attrition, d’explosion des carcans psychologiques, et l’ouverture sur le monde des humains. « Musique » indescriptible, quasi traumatique, ces presque dix minutes sont les ultimes kilomètres qui séparent Devin de la libération, et doivent s’appréhender comme de l’expression pure, et non plus de l’art convenu, genre dans lequel Devin n’a de toute manière jamais brillé…

En psychologie, après la découverte de la Némésis, suit une période trouble, de doute, de douleur et d’appels à l’aide. Puis, comme une libération soudaine, l’acceptation remplace les questions, et une plénitude en vient à vous envahir telle une lumière si puissante que l’on peine à garder les yeux ouverts…



Ajouté :  Mardi 07 Juin 2011
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  Devin Townsend Website
Hits: 11962
  
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