QUEENSRYCHE (usa) - American Soldier (2009)
Label : Atco / Rhino / Warner
Sortie du Scud : 2009
Pays : Etats-Unis
Genre : Concept Album de génie
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 61 Mins
Troisième concept album pour QUEENSRYCHE…déjà…Que le temps passe vite, plus de vingt ans depuis la pierre angulaire que fut Operation Mindcrime…
QUEENSRYCHE rejoint donc au panthéon des artistes majeurs des groupes comme YES, KING CRIMSON, PINK FLOYD, GENESIS…Et il faut dire qu’ils le méritent, malgré quelques erreurs de parcours que personne ne semble vouloir leur pardonner. Que de pierres leurs ont été lancées au visage, à la sortie de Hear In The Now Frontier, ou encore Operation Mindcrime II.
Si il est vrai que la suite des aventures de Sister Mary et du Docteur X étaient loin d’être à la hauteur du chapitre initial, il convient quand même de faire devoir de mémoire et de se souvenir de tout ce que QUEENSRYCHE a apporté au Hard-Rock, à une époque où le grand public voyait d’un mauvais œil tous ces combos rivalisant de vulgarité ou de sexisme bon marché.
Intelligents, vous saisissez ? Geoff TATE et les siens sont intelligents, innovateurs, créatifs au dernier degré, et ont toujours refusé de se cantonner dans un genre bien précis. Certains auraient bien aimé qu’ils nous refasse un Mindcrime tous les 2 ans, pour mieux leur baver dessus ensuite pour cause d’immobilisme.
Mais non, il en était hors de question. Et ceux qui ont accepté de les suivre coûte que coûte savent maintenant, en écoutant ce American Soldier à quel point ils ont eu raison.
Et pour ceux justement qui n’ont pas lâché le parcours en route, rien ne semblera incongru dans cet album. On retrouve tous les ingrédients qui ont jonché à un moment ou à un autre la carrière du gang de Seattle. De l’inspiration flamboyante de Rage For Order, jusqu’aux riffs acides de Q2K, en passant par la retenue mélodique de Empire, tout est là, dans l’ordre ou pas, et il convient de le célébrer à sa juste valeur.
La voix de Geoff est toujours aussi magique, même si les envolées lyriques d’autrefois ont laissé place à une utilisation plus accrue des mediums. La rythmique élastique et polyvalente sait toujours se montrer aussi puissante que glissante, et les guitares sont affutées comme jamais.
Mais puisque nous parlions de concept à l’introduction de cette chronique, il serait de bon ton de préciser de quoi il en retourne. Il s’agit ici d’un album dédié à tous les soldats ayant un jour ou l’autre fait l’expérience de la guerre, et qui en sont revenus ou pas.
Plusieurs témoignages sont intégrés sous forme d’entretiens audio, et augmentent de fait le caractère hautement émotionnel de l’entreprise. Bien loin d’un gimmick commercial, l’aspect sincère de la démarche se sent au travers de chaque piste de ce CD, et la qualité de la musique ne vient en aucun cas en atténuer l’impact.
Car c’est bien à du grand QUEENSRYCHE que nous avons affaire, qui fait preuve une fois de plus d’une efficacité entremêlée de subtilité, de nuances, ou au contraire de hautes doses d’énergie.
Tout comme Operation Mindcrime, il nécessite néanmoins plusieurs écoutes pour que la magie se développe dans toute sa beauté. C’est une œuvre avec un grand O, difficile d’accès, mais pour peu que l’on ait réellement envie d’en saisir toutes les facettes, elle procurera autant de plaisir qu’on pu nous en donner des pièces telles que « Suite Sister Mary », « Della Brown », ou encore « Gonna Get Close To You » dans le passé.
Ca commence très fort avec « Sliver », et ses injonctions militaires fermes, utilisées comme un phrasé Rap, mais loin d’être incongrues. Le jeu de basse de Ed JACKSON est une pure merveille, se hissant au niveau d’instrumentistes comme Paul McCARTNEY ou John ENTWISTLE, et le solo de Michael WILTON est purement et simplement lumineux. Une entrée en matière qui vaut bien un « Revolution Calling », dans un créneau toutefois différent.
La voix profonde du vétéran qui introduit « Unafraid » situe de facto le climat, et les poussées de Tate embrayent de la meilleure manière qui soit. Le riff tendu posé sur une rythmique très syncopée évoquent un des meilleurs grooves de LIVING COLOR, mais le refrain purement Hard-Rock occasionne un décalage intéressant, qui place la compo à un niveau supérieur, puisque le chant de Geoff n’intervient qu’à cette occasion, les couplets restant à la charge des récits des soldats.
Le tempo écrasant de « Hundred Mile Stare » n’oublie pas la mélodie en cours de route, et les chœurs multiples sur le refrain évoquent à loisir une armée chantante qui crie son désespoir dans les brumes d’un champ de bataille.
« At 30,000 ft » propose un pont d’une réelle splendeur, ou la guitare et la batterie se chevauchent avec fougue, toujours dans une atmosphère nostalgique et faussement doucereuse, comme le calme qui précède l’affrontement. Un morceau symptomatique de l’orientation prise, où la tension progressive est de mise, et où l’on refuse les effets de manche réducteurs. Même constat pour « A Dead Man’s World » et sa basse qui ronfle comme un canon de 75 après la charge, et qui se situe dans la plus droite lignée d’un morceau comme « Empire ». Un autre moment fort d’un album qui ne comporte au final quasiment que ça !
Comme le prouve derechef « The Killer » et son agressivité latente, qui font une fois de plus la part belle à des chœurs omniprésents, et à une partie rythmique très tribale. Le refrain fédérateur nous rappelle que QUEENRYCHE n’a pas oublié qu’il sait parfois se faire plus abordable, et l’on tombe alors dans le Heavy Metal le plus classieux. Et le solo de sax qui s’époumone dans la nuit offre le plus beau final…
Mais la voix nous prévient, « Réveille toi ! »…
Réveille toi au « Middle Of Hell », et l’on retrouve ce sax fantomatique décidemment magnifique, qui hante des nappes de digressions vocales planantes…Du grand art, et le solo d’anthologie nous immerge un peu plus dans une mer de grâce dans laquelle on pourrait se noyer sans le regretter.
Le single « If I Were King » respecte la ligne de conduite tout en se faisant plus limpide, et ses arpèges délicats se heurtent soudain à un refrain surpuissant, pour ce qui est néanmoins le moins bon morceau de l’album de part sa facture un peu trop classique.
Mais « Man Down ! » affole tout à coup les débats, avec pour toile de fond, la réintégration des soldats en période d’après guerre. Puis doucement, sans crier gare, l’émotion reprend le dessus lorsque Geoff entonne un duo avec sa fille de 10 ans, Emily, sur l’énormissime « Home Again », dialogue entre un père soldat et son enfant restée à la maison, et qui désespère de le voir rentrer. Frissons garantis pour un des plus grands moments de sensibilité de American Soldiers. Guitare acoustique, vocaux tout en nuances, on touche du doigt la quintessence de la délicatesse, et les souvenirs embués de larmes de « Silent Lucidity » reviennent comme une caresse…
Mais il aurait été trop facile de clore l’album sur cette note, et c’est pour cela que QUEENSRYCHE s’offre un épilogue Heavy en diable, avec « The Voice », titre épique en diable. Il est amusant de noter le parallèle entre l’intitulé du morceau et le talent de Geoff, toujours intact et émouvant…
Et alors que l’orage s’éloigne accompagné par des nappes de clavier éthérées, la voix nous rassure une dernière fois, « N’aie pas peur »…Comment avoir peur après avoir écouté un tel album ??
Non, la peur, je l’ai ressentie avant, la crainte de ne pas comprendre…Mais finalement, j’ai compris, et vous comprendrez aussi une fois que « American Soldier » aura diffusé ses dernières notes dans votre espace vital.
Vous comprendrez que QUEENSRYCHE est un groupe essentiel dont on ne saurait se passer sous aucun prétexte.
Et la seule raison qui m’empêche de lui accorder la note maximale…c’est justement à cause d’Operation Mindcrime qui la mérite déjà…
Ajouté : Lundi 09 Mars 2009 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Queensrÿche Website Hits: 17457
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