La Genèse selon CANNIBAL CORPSE, chapitre un ; verset six.
- Et CANNIBAL CORPSE constata avec regret que le mécanisme de l’univers qu’ils venaient fraichement de créer s’était déréglé. Les morts-vivants régnaient en maîtres absolus sur de vastes vallées sans âmes qui vivent. Les esprits possédaient des carcasses vides et le sens donné à ces créations se mourrait dans l’indifférence générale. Ainsi CANNIBAL CORPSE créa l’Homme à son image. Les plaies béantes se refermèrent, les hémorragies s’arrêtèrent. Les peaux livides reprenaient un aspect brillant et humain. Les vers étaient devenus cendre. Il ne restait plus qu’une banale coque d’adulte bipède. Ses cheveux étaient longs, son aspect normal. Il boitait. Il n’était pas effrayant. C’est ce qu’il renfermait dans son esprit qui l’était. Pour la troisième fois, il y eu un soir et il y eu un matin… ce fut le sixième jour.
Six, déjà six albums pour le combo américain ! Un chiffre qui inspire bon nombre de craintes aujourd’hui lorsqu’il est triplé. Pour eux, il représente surtout une forme de rachat, la nécessité d’un salut suite à un Vile en demi-teinte. Il est également synonyme du départ de Rob Barrett et de son remplacement par Pat O’Brien. Le dernier changement de guitariste avait eu l’effet positif d’aérer leurs compositions. Quid de celui-ci ?
Celui-ci provoque tout bonnement une révolution dans la conception des titres. C’est sans trop de risque qu’on peut affirmer que c’est ce qu’ils ont fait de plus harmonieux et mélodique jusqu'à présent (1998). Vous serez certainement tout stupéfaits d’entendre « From Squid To Liquid », une instrumentale aux frontières du Doom Metal côtoyer l’enivrante « Gallery Of Suicide » ou la patibulaire « Headless » et son leitmotiv technique à couper le souffle. Une fois de plus, CANNIBAL CORPSE revoit sa copie, change les codes et brouille les pistes. Impossible de savoir ce qui à bien pu dicter une telle conduite. George « Corpsegrinder » s’affirme de plus en plus dans son rôle de gueuleur ronchon. Lui qui était relativement transparent sur Vile à su se faire une place au soleil avec des vocaux plus que jamais malsains et abyssaux. Alex Webster à lui aussi retrouvé son statut de bassiste dynamique et présent. Il nous gratifie à d’innombrables reprises de ses accords de basse qui susurrent des mots pervers à l’oreille de leur Death. L’arrivée de Pat O’Brien fait aussi un bien fou au processus d’écriture. Combiné à Jack Owen, les deux font la paire et nous embarquent dans des territoires encore inexplorés, de plus en plus axés sur la finesse et la musicalité. Ne vous y trompez pas, les new-yorkais n’ont pas pour autant abandonné leur Gore Metal. S’il devient moins suggestif que par le passé, il n’en demeure pas moins toujours très offusquant et crade. « Stabbed In The Throat » ou « Sentenced To Burn » et leur cadence effrénée illustreraient sans mal le nouveau né de George Romero (*). Du moment que vos hématies se répandent sur le sol…
En alternant avec brio Brutal Death et Death technique, CANNIBAL CORPSE devient un tout jeune adulte dont l’enfance à propulsée le Death au rang de « style de Metal » à part entière. Désormais, plus jamais ce genre ne sera regardé de haut et recalé par l’élite. Gallery Of Suicide en est l’exemple même. Il scindera également définitivement dans son sillage « l’avant » et « l’après ». Cette horde à désormais dix années dans les dents et se permet légitimement d’évoluer vers quelque chose de plus « dans l’air du temps ». En tout cas une chose est sur, ce disque là, on l’aime ou on l’aime pas. Mais pas les deux.

(*) George Alfred Romero : réalisateur américain de films à tendances zombifiantes tels que « La Nuit des Morts-vivants », « Zombie », « Le Jour des Morts-vivants », « Le Territoire des Morts », « Chronique des Morts-vivants ».


Discographie Complète de CANNIBAL CORPSE : Eaten Back To Life (Album - 1990), Butchered At Birth (Album - 1991), Tomb Of The Mutilated (Album - 1992), The Bleeding (Album - 1994), Vile (Album - 1996), Gallery Of Suicide (Album - 1998), Bloodthirst (Album - 1999), Gore Obsessed (Album - 2002), The Wretched Spawn (Album - 2004), Kill (Album - 2006), Evisceration Plague (Album - 2009), Torture (Album - 2012)