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LE DOSSIER MANSON : Mythe Et Réalité D’un Chaman Hors-La-Loi (2011)





Auteur : Nikolas Schreck
Traduction : David Perez
Langue : Français
Parution : 12 avril 2011
Maison d'édition d'origine : Amok (1988)
Maison d'édition Française : Camion Noir
Nombre de pages : 998
Genre : Démystification
Dimension : 15 x 21 cm
ISBN-10 : 2357791209
ISBN-13 : 9782357791206






1983 : Le groupe américain MÖTLEY CRÜE reprend à son compte le morceau des BEATLES « Helter Skelter », sur son album Shout At The Devil. On peut supposer que ce choix fut dicté par des raisons musicales, qui représentaient un plus en termes de ventes. Le fait que le groupe affichait alors une imagerie satanique de pacotille, et qu’ils ignoraient sans doute toute l’histoire cachée sous ce titre offre un parallèle saisissant.

Eté 1968 : Irrité par une chronique du dernier single des WHO, Paul McCartney décide de composer la chanson la plus bruyante possible, qu’il appellera « Helter Skelter ». Il l’interprète avec le groupe en studio, et Ringo Starr déclarera que ce titre résultait « D’un état de crise de nerf total. Tout est parti de la ligne de basse de Paul. ». Les paroles de la chanson sont en rapport avec un parc d’attraction, d’un grand huit plus particulièrement. C’est à ce jour le morceau le plus violent des BEATLES.

29 Mars 1971 : Charles Manson est condamné à mort au terme d’un des procès les plus coûteux de l’histoire de la justice américaine. Son bourreau, Vincent Bugliosi, procureur, publiera quelques années plus tard un livre basé sur l’histoire des meurtres de Cielo Drive, intitulé Helter Skelter. Toute son argumentation et le développement de l’ouvrage reposent sur le fait que Charles Manson, selon lui, était un gourou très dangereux ayant manipulé les cerveaux de pauvres hippies perdus, afin de déclencher une guerre raciale entre blancs et noirs. Cette action révolutionnaire lui fut dictée inconsciemment par l’écoute de plusieurs morceaux des BEATLES, et leur interprétation distordue, dont « Helter Skelter », que l’on retrouvera écrit en lettres de sang sur l’une des scènes de crime.

Charles Manson. « L’homme qui a tué les sixties ». « L’homme le plus dangereux du monde ». Considéré depuis des décennies comme le tueur en série le plus « démoniaque » de l’histoire du crime, ce petit bonhomme aux multiples facettes voit sa légende ramenée à la surface une fois de plus, mais pas une fois de trop. S’il convient de faire le tri dans la production pléthorique d’éditions consacrées à son histoire, et d’éliminer dès le départ les redites, les assimilations faciles et les raccourcis, il faut admettre que Manson reste le « criminel » qui aura suscité le plus de fascination chez les auteurs. Fascination morbide pour les uns, culte absurde chez les autres, fascination économique et basse flatterie d’Ego chez la plupart, il n’en finit pas de voir son passé étalé en première page des quotidiens à sensation, et le combat mené par une faction déterminée pour empêcher sa libération conditionnelle en dit long sur le pouvoir toujours intact du chaman.
Le Dossier Manson, tel qu’il vous est présenté aujourd’hui par les éditions Camion Noir, n’est rien de plus qu’une édition revue et complétée de « The Manson Files », paru à la fin des années 80, par Nikolas Schreck. Ex membre du combo gothique/indus expérimental RADIO WEREWOLF, Schreck n’a eu de cesse d’essayer de rétablir la vérité à propos de la « Famille Manson », et de la grotesque supercherie qu’a représenté le procès des principales figures de Spahn Ranch, conduit, il convient de le rappeler, en l’absence de Manson, dont le choix de se représenter lui-même fut refusé de nombreuses fois par la cour.
Le travail accompli par Schreck est titanesque. Et même si le nombre de pages de l’ouvrage peut rebuter il est vrai le lecteur potentiel, il n’en fallait pas moins pour que les tenants et aboutissants de l’affaire soient présentés de manière logique et irréfutable. Et lorsque l’on s’immerge dans la narration des faits, il devient impossible de s’en extirper. Le Dossier Manson est une toile d’araignée destiné à prendre au piège toute les mouches du mensonge qui n’ont que trop volé depuis ces quarante dernières années.
Ce livre est tout sauf un dédale de noms et de faits présentés à la hâte dans le but trivial d’une exhaustivité de façade. Chaque protagoniste, chaque anecdote à sa propre raison d’être, et même si parfois on se perd dans ce labyrinthe de vérités, si parfois les noms des personnages s’emmêlent, tout devient évident au final, et le puzzle se reconstitue de lui-même.
Si les partisans de la théorie éculée du Helter Skelter ont dès le départ préféré se focaliser sur un groupe restreint de responsables, l’affaire des meurtres Tate/LaBianca implique un nombre faramineux d’acteurs directs et indirects, et dont la plupart furent des figures illustres de la scène agonisante des sixties.
Mais le principal responsable de cette tartuferie que la justice américaine se plait à appeler « procès » depuis quatre décades, est bien sur Vincent Bugliosi, qui a mené de main de maître cette parodie comme un acteur sachant qu’il tenait là son meilleur rôle.
Nikolas Schreck, dans son long développement, s’efforce de relever chaque approximation inhérente aux différents récits concernant la personnalité de Manson. Loin de tenter d’en faire un martyr, loin d’essayer de le faire passer pour un saint sacrifié sur l’autel de la dissimulation, il se contente de le présenter tel qu’il est, avec ses philosophies, ses contradictions, comme le criminel/philosophe qu’il a toujours été. Le simple fait de présenter ses paroles in extenso est révélateur du désir de vérité de l’auteur. Lui qui a tant communiqué avec le prisonnier le plus célèbre des USA, sait à qui il a affaire, et ne travestit pas ses pensées pour accoucher d’une œuvre tapageuse et racoleuse. Manson, après la lecture de ce livre, est toujours aussi drôle, agaçant, perturbant, contradictoire, mais surtout, fascinant. L’homme qui aurait pu être un phare de la liberté de penser et d’agir s’est retrouvé enfermé à vie du fait de mauvaises rencontres, au mauvais moment. Et du coup, représente pour des millions de personnes le diable incarné, à cause d’un gâchis sanglant dont il ne fut aucunement responsable directement, et de quelques prises de positions aussi radicales que rédhibitoires.

Le Dossier Manson se décompose en plusieurs parties, distinctes mais complémentaires. Il était évident selon l’auteur qu’il fallait essayer de bien cerner les différents aspects de la personnalité de Manson, les différents épisodes de sa vie et de ses rencontres, pour bien comprendre tout le non sens qu’a représenté son procès à la fin des années 60. Charlie est donc présenté tour à tour comme un musicien intègre et influent, un authentique chaman tel que les cultures indiennes l’ont défini, mais aussi un criminel qui a passé plus de temps en prison qu’en liberté, et qui ne se sentait jamais autant en sécurité – physique et intellectuelle – qu’en cellule. Comme je l’ai dit précédemment, son parcours est retranscrit fidèlement, sans aucune tentative de « romantisation » si vous m’excusez le néologisme, et lorsque le langage le requiert, Manson redevient un simple voleur de voitures ou le maquereau qu’il a toujours été.
L’image renvoyée dans ce livre est donc à cent lieues du baladin aigri par la non reconnaissance de ses pairs, et encore plus du leader de secte avide de sang et de vengeance envers l’establishment. Schreck replace au centre des débats les vrais coupables de l’affaire, le dément Charles « Tex » Watson, depuis devenu « bon chrétien » repenti et soutenu bec et ongles par un cortège de fans, le coiffeur de star et dealer notoire Jay Sebring et son ami/comparse/Nemesis « Voytek » Frykowski, proche de Roman Polanski, le mari de la défunte Sharon Tate, et surtout met à jour les liens ténus entre Hollywood, la Mafia, le système pénitentiaire américain, le Pentagone, la CIA, et les services secrets US. Ce qui peut ressembler de loin à une énième théorie de la conspiration du silence vu de l’extérieur revêt toute sa crédibilité à l’intérieur même de ces pages et fait froid dans le dos. Ainsi, le parallèle entre la parodie de procès des meurtres de Cielo Drive et le rapport catastrophique de la commission Warren s’établit comme une preuve logique de la couverture de faits qui ne devaient à aucun prix apparaître en pleine lumière.
Retrouver dans Le Dossier Manson les noms de Dennis Wilson, Sammy Davis Junior, Kenneth Anger, Mama Cass ou encore Anton LaVey n’a rien de spécialement étonnant. Le sont plus ceux de Steve McQueen, Frank Sinatra et sa fille Nancy, « Lucky » Luciano, Jean Harlow ou encore JFK. Et la force de ce livre est d’arriver à établir les connexions entre ces différents protagonistes aussi éloignés de par leur rang que leur situation spatio-temporelle, sans tomber dans le grotesque et le sensationnalisme de bas étage. Et une fois le portrait global reconstitué, l’évidence n’apparaît que trop clairement pour le lecteur.
Attention, je n’affirme pas là qu’il faut prendre tous les arguments et toutes les conclusions de Nikolas Schreck pour argent comptant, et il conviendra à chaque lecteur de se faire sa propre opinion. Mais après quarante ans passés à avaler les versions « politiquement correctes » d’anciens protagonistes de l’affaire, qu’ils soient d’ex accusés, procureurs, ancien flics, voire de simples figures de l’establishment de l’époque, Le Dossier Manson, dans sa luxuriante « Apocalypse Edition » apparaît comme une bouffée d’air frais, et surtout, une porte vers une vérité, à compter qu’il n’y en ait qu’une…
Cette étude fouillée, qui loin de se contenter d’une simple enquête de surface, d’un simple travail de recherche sur les documents déjà disponible, racle sans relâche les poubelles de bas fonds du Hollywood du second âge d’or, que bon nombre d’orphelins de la gloire ont déjà cloué au pilori des rêves sombres et autres overdose de promesses fatales.

Car Le Dossier Manson n’est rien d’autre qu’une autre vérité possible. Tout du moins une somme d’éléments pouvant mener à cette même vérité. L’histoire des Etats-Unis étant déjà constellée de faux témoignages, de dissimulations grossières, et de rapports plus que tendus et récurrents entre la CIA, la Mafia, et le « Gouvernement » (Les affaires Kennedy et le rôle de Marilyn Monroe, la guerre froide, la crise de Cuba, la prohibition, l’entrée en guerre en 1941, j’en passe et des plus obscures…), il n’est pas difficile d’adhérer à la thèse de Schreck, même partiellement, tant les interconnexions entre la Mafia et Hollywood sont d’une lénifiante évidence, l’argent du trafic de narcotiques ayant plus d’une fois financé les studios hollywoodiens, et colmaté bien des brèches.

Alors Manson. Que reste-t-il de lui au final ? Qui est-il réellement ? Aussi sordides furent les meurtres de Cielo Drive et ceux du couple LaBianca, ils n’emportèrent pas avec eux que les victimes directes des crimes, mais aussi le destin de bon nombre de satellites gravitant dans leur entourage, et surtout, l’innocence dorée d’une jeunesse de la contre culture qui rêvait d’autre chose, d’un monde de liberté, de joie et d’amour. Manson n’a jamais tué les sixties. Les sixties sont mortes d’overdose, mais pas médicamenteuse, celle d’avoir cru en un pays, celle d’avoir cru que l’on pouvait changer le monde. Le seul meurtre dont Charles Manson s’est rendu coupable, c’est d’avoir été la figure emblématique involontaire d’un spectacle navrant d’enterrement de seconde classe.
Il n’a tué personne. Pas plus qu’il n’a ordonné à quiconque de le faire. Il était juste là, à ce moment là, à traîner avec les mauvaises personnes au mauvais endroit. Ses mots ne seront pas compris tout de suite, il nous faudra beaucoup plus de recul encore pour en saisir toute la substance. Son seul tort fut de se foutre de tout, et de tout le monde.

Lisez Le Dossier Manson. Ensuite, regardez de près une photo de Charles Manson, et vous verrez.

Qu’il n’est rien d’autre que le miroir de nous-mêmes, comme il s’est tant plu à le dire, depuis tant d’années.


Ajouté :  Mercredi 08 Juin 2011
Chroniqueur :  Mortne2001
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