SOFY MAJOR (FRA) - Waste (2015)
Label : Solar Flare Records
Sortie du Scud : 30 octobre 2015
Pays : France
Genre : Noisy Core
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 35 Mins
Dans mon système d'évaluation, il y a des façons très subjectives et stupides pour un groupe de marquer des points. Une allégeance à un artiste, ou une reprise bien sentie. Tenez par exemple, des mecs qui se pointent en reprenant les THUGS s'attirent automatiquement ma sympathie. C'est très con, mais c'est comme ça. Et puis je n'ai jamais prétendu être logique et impartial.
Et c'est justement ce que SOFY MAJOR a fait sur son troisième album, Waste. Contrairement à son intitulé, ce nouvel effort est tout sauf un gâchis. Clermont Ferrand, Puy-de-Dôme, Auvergne. Ca paraît tranquille comme ça, mais les bas fonds de la ville grouillent de bruitistes qui ont bien appris. Appris à maîtriser le son, à le rendre potentiellement aussi dangereux qu'un virus, pour mieux le répandre et causer des dommages unilatéraux.
Mathieu (batterie), Sébastien (guitare), et Mathieu (basse/chant, mais aussi gestion du label Solar Flare), après Permission to Engage et Idolize continuent leur exploration du bruit blanc, en gardant leurs influences, mais en diluant leur son pour le rendre un peu moins abrasif. Mais tout aussi mortel que le virus qu'ils s'ingénient à répandre sur la ville, l'Europe, le monde.
Avec un opus enregistré par Dave Curran, mixé par Andrew Schneider et une tournée prévue avec PIGS, il est évident que le drapeau d'UNSANE bat le haut du pavé. Ca tombe bien, puisque la musique de SOFY est toujours placée sous le signe de cette influence, et tiens, même leur parcours ressemble à celui des malades incurables de New York. Débuts aussi abrasifs qu'une éponge à ferraille, puis on modèle, on déforme, on adoucit un peu les angles, mais on garde la puissance. Et Waste suit la maturation d'un groupe qui n'a pas renoncé au fond, mais arrangé la forme. Ne comptez pas sur eux pour éprouver plus d'empathie pour vos oreilles qu'avant, leur Noisy core est toujours aussi agressif et cerclé de barbelés, mais ils ont pris soin d'ôter quelques points de rouille qui auraient pu vous refiler le tétanos. Rien de plus.
Et comme d'habitude, le trio se l'est jouée radicale. Une demie heure de musique, rien de plus mais du concis, de l'essentiel, du viscéral. Prod' qui lustre la basse et appuie sa distorsion, guitare grave en soutien, et chant toujours aussi rocailleux. Rythmique plus sobre, plus posée, toujours soumise à des inflexions presque en forme de tics, mais qui se stabilise. La rage n'a pas disparue, l'envie de la propager non plus, mais elle est plus concentrée et moins concentrique. Excentrique ? Non c'est tout sauf ça, et Waste pourrait presque nous faire croire que le trio s'est délocalisé dans la grosse pomme, alors qu'ils sont bien de chez nous. Un voyage outre Atlantique pour le prix d'un CD, c'est donné non ? Alors, c'est à l'image du title track, rampant comme une horde de rats, grouillant comme le peuple qui traîne sa misère sans révolte, ça pue le UNSANE des 90's, MELVINS, c'est grave et gras, mais c'est aussi groovy, élastique et tentaculaire. Et justement, à propos des 90's, ça pourrait venir de là, de cette essence Indie/Noisy, puisque même le son l'évoque.
L'envie d'en découdre via le feedback et les impulsions névrotiques est toujours là, mais SOFY MAJOR a voulu prouver que le sempiternel adage de "l'album de la maturité" se vérifiait encore de temps en temps. Alors on récupère ce qui traîne au passage, on mélange HELMET et UNSANE pour un "Slow Everywhere" en forme d'aveu, puisque ici aussi la déstructuration bruitiste s'est rangée pour faire place à une lucidité adulte. Ca fait toujours mal, mais c'est assumé et digéré, les guitares sont plus clean, la batterie plus casée, mais les mélodies sont amères, comme avant, et la progression maladive.
Je parlais en préambule de cette fameuse reprise des THUGS qui attire mon attention, et "As Happy As" ne trahit pas l'esprit originel des Andégaves, non, elle l'adapte au son voulu, mais permet aux lignes vocales une pause Indie qui tranche avec le reste du répertoire original.
Sinon, toujours dans la trace d'Harvey Milk, d'UNSANE, avec quelques harmonies qui noient le poisson, comme ces choeurs sur "We See Fire", mais sans oublier pour autant le passé et ses ruades qui partaient comme des invectives en pavés. Et dans ces cas là, "Turning Point" se la ramasse sous PRONG et UNSANE, et les larsens reprennent leur place, comme ce rythme haché et concassé que Mathieu restitue sans broncher, "Iron Butt" n'hésite pas non plus à frapper, même si la mélodie ne se tire pas en douce pour autant.
On prend quand même le temps de pulvériser le silence en lâchant un truc pachydermique et épidermique, "Black And Table", encore plus sous perfusion UNSANE que le reste, qui lâche l'espoir pour la noirceur et pompe sa vitalité de lui même tout au long d'une rythmique coup de massue, presque Sludge dans l'esprit. Même la guitare se met au diapason cassé, et la basse, toujours la basse...
Noisy Core, c'est un peu restrictif, je préfère n'apposer aucun qualificatif. Disons juste que si l'atmosphère s'est modifiée, l'air qui s'échappe de ce troisième album de SOFY est tout aussi vicié qu'avant, mais qu'il donne la fausse impression que l'on peut respirer.
Mais c'est un leurre.
C'est toujours aussi étouffant, ça regarde toujours du coin de l'oeil, mais c'est tellement compact que les poumons se compriment par réflexe.
UNSANE voit tout ça d'un très bon oeil au contraire, mais les GODFLESH pourraient aussi demander un test de paternité (après tout, ce fameux "Black And Table", c'est presque un salut distant à Justin B). On ne sait pas qui aura la garde au final, puisque SOFY MAJOR grandit, et qu'il va bientôt s'émanciper.
Pour aller où ? Peut être du côté de NYC justement, mais en fait, ils sont libres depuis le début.
Ajouté : Dimanche 16 Octobre 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Sofy Major Website Hits: 7500
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