Le Thrash a toujours abrité en son sein constamment exhibé des joyeux drilles, des farceurs, utilisant volontiers les codes de l'humour en multipliant les références aux gore movies, aux blagues séculaires, et avouons le, au pipi-caca-quequette zembla (comme dirait mon cher frère). Nous pourrions parler des moshers d'ANTHRAX, des pétomanes d'ACID REIGN, des borderline de WEHRMACHT, ou plus récemment des fouilleurs de poubelles radioactives de MUNICIPAL WASTE, les exemples ne manquent pas pour définir les contours d'une frange de bons vivants d'une musique qui pourtant ne manque pas de sérieux dans l'exécution.
Oui, après tout, on peut jouer une musique violente ET faire rire en même temps, ça n'est ni interdit par l'église, ni par les raéliens. Quoique pour ces derniers...
Alors l'Irlande à priori, c'est plutôt vert, plein de flûtes et de bardes qui guident des moutons dans la lande. Un truc un peu Folklo, avec des paysages à faire baver les touristes countryphiles, mais pourtant, c'est bien dans le Nord de ce pays déchiré qu'on est un jour tombé sur une bande d'hurluberlus bien décidés à nous dérider.

Avec eux, pas question de sunday bloody Sunday autrement que pour parler d'une glace de fast food entachée par les exactions d'un serial killer, les GAMA BOMB ne se prennent pas la tête, mais enserrent plutôt celle des autres à grands coups de rythmiques nucléaires et de riffs tournoyants. Depuis Survival Of The Fastest, la barre était placée, sous la ceinture et la guillotine, et rien n'a changé depuis. Quelques LP's sont venus enrichir leur anthologie du Thrash fast & fun, Citizen Brain en 2008, Tales From The Grave In Space l'année suivante, et le très enthousiaste The Terror Tapes il y a deux ans.
Et sous une délicieuse pochette signée par les mimines de Graham Humphreys, auteur de quelques graphismes cultes comme les visuels de The Evil Dead, Lesbian Vampire Killers, et maître es-coup-de-crayon-pulp, se cache donc la dernière livraison carambar des Irlandais, qui une fois de plus ont fait très fort. Oui, Untouchable Glory est en effet largement à la hauteur de ses aînés, même parfois supérieur dans les accès de rage hilare incontrôlable.

A l'instar de certains de ses contemporains, GAMA BOMB ne change pas une recette qui fonctionne. Le gag est toujours savamment et patiemment élaboré, en accordant sa confiance à une section rythmique qui cartonne et stimule les neurones et les jetés capillaires, et à des guitares qui tronçonnent et dessinent un joli sourire d'ange sur le visage de Thrasheurs trop heureux d'être ainsi mutilés.
On connaît le principe depuis les 80's, il a été remis en vogue par quelques teigneux rigolards comme les WASTE justement, ou les plus vilains TOXIC HOLOCAUST et BONDED BY BLOOD, mais rien n'a vraiment changé. Tout comme les comédies les plus fines dérivent toutes de l'art séculaire du splapstick, le Thrash made in Ireland de 2015 trouve sa source dans les écoulements nauséabonds des eighties, et il est facile de reconnaître la patte mosh & violence d'EXODUS, ANTHRAX, et autres VIRUS dans la musique de Joel Grind et consorts.
Mais malgré les années et les menaces de redite, ça fonctionne toujours très bien, et l'humour second degré de ces iconoclastes du riff qui castre fait toujours mouche, puisqu'il est mis en exergue par une musique intelligente et efficace qui ne se contente pas de placer pendant le repas quelques vannes éculées depuis longtemps.

Production maousse de Scott Atkins (SAVAGE MESSIAH), morceaux qui ruminent avant de partir comme des dératés, saltos et double axels des guitares qui tournent et virent comme des chauve-souris défoncées, Untouchable Glory est jouissif, disons le sans honte, et comme d'habitude le groupe à été suffisamment malin pour privilégier le format court, au niveau des titres comme de la globalité.
Une demi heure et bonne nuit les petits, mais avant de fermer les yeux, les contes à base de monstres, de tortures douloureuses, et autres odes à la picole se succèdent sans discontinuer. D'ailleurs, les gus se sont même fendus d'une vidéo bien torchée, à base d'extraits d'arts martiaux sur lesquels viennent se coller des lyrics fendards, pour illustrer le morceau d'ouverture "Ninja Untouchables/Untouchable Glory", qui musicalement rappelle les ruades d'AT WAR et autres chantres d'un Speed Thrash franc et sans chichis.

Je ne vais pas faire dans le détail d'autant qu'eux non plus, alors attaquons de front et citons pour l'exemple le lumineux et bref "James Joint", qui ne passe pas la minute, "Avenge Me!" et son intro/riff à la DESTRUCTION en bonne et due forme, le Heavy cautérisé à la chaux de "Tuck Your T-Shirt In" et sa basse brillante qui part vite en vrille, le plutôt BULLDOZER/ACROPHET "She Thing" et le méga compressé à la double grosse caisse pressée 'I Will Haunt You" et son titre en forme de menace qu'on ne prend même pas au sérieux.
Vous avez le truc, du Speed léché, du Thrash racé et du Heavy compacté, c'est bien vous avez tout résumé en une seule formule avérée. Non les GAMA BOMB n'ont pas changé, pas plus que Julio, et continuent leur travail de sape sans jamais lasser, bien au contraire.
Untouchable Glory est une nouvelle bombe au poivre qui explose à la moindre étincelle même involontaire, et s'apprécie comme on colle un coussin péteur sous le cul de sa grand mère.

Tout ici est parfait, de la pochette au contenu, des riffs aux accélérations rythmiques, et le chant toujours aussi convaincant ne vient qu'apporter la plus value fatale à un album qui frôlait déjà l'orgasme instrumental. C'est une épiphanie, et surtout une belle preuve d'allégeance à un style qui n'en finit plus de bomber le torse, fier de voir ses petits-enfants reprendre le flambeau.

Allez y n'ayez pas peur, les mecs ne mordent pas. Et puis imaginez, ça aurait de la gueule un accueil du Ferry bondé de touristes a Valentia Island par GAMA BOMB non ?