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ACYL (FRA) - Aftermath (2016)






Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 21 avril 2016
Pays : France
Genre : Ethnic Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 47 Mins





Parlons musique ethnique, après tout, c'est un débat d'importance. Le Metal étant un style généraliste très porté sur la fusion des genres à la base, il n'est pas incongru de l'entrevoir comme une porte d'expression ouverte sur des influences qui n'ont à priori, aucun rapport avec les racines du Rock.
On connaît très bien le principe, des groupes comme MYRATH, ARKAN, ORPHANED LAND l'ont d'ailleurs planté dans de solides fondations, mais il est plaisant de découvrir au jour le jour que d'autres groupes parviennent à en étendre les ramifications, en allant toujours plus loin dans le métissage.
Ce métissage n'est pas chose "évidente". On peut toujours se réclamer d'une hybridation, sans que celle-ci ne soit pertinente ou valide.
Mais lorsque c'est le cas, on atteint en quelque sorte l'apogée d'une "accumulation", et surtout, nous découvrons d'autres horizons, plus ensoleillés, plus créatifs, plus... étendus.

Parlons un peu de l'Algérie, pays ayant des liens très forts avec la France, malgré une histoire plus que chaotique et complexe.
Et parlons de fait d'ACYL, un des représentants les plus puissants du mélange culturel entre Heavy Metal purement européen et musique traditionnelle folklorique d'Afrique du Nord. Le groupe a émergé il y a quelques années de cela, après avoir mis un terme aux expériences MASS et WORTH. Ces deux groupes abritaient en effet dans leurs rangs Amine et Reda, les deux têtes pensantes d'ACYL, qui ont uni leurs forces aux alentours de 2006 pour jouer des morceaux plus en adéquation avec leurs désirs.
Nous retrouvons donc aujourd'hui au line-up d'ACYL Amine au chant, à la guitare, batterie, basse et Oud, Reda à la guitare, aux chœurs, aux percussions traditionnelles, mais aussi Salah à la basse, Michael à la batterie et au sampler, ainsi qu'Abder à la seconde guitare.
Une formation qui savoure aujourd'hui la naissance de son troisième effort studio, le cap le plus ardu à passer, surtout après le triomphe critique et publique d'Algebra il y a trois ans.

Avec des musiciens d'un tel calibre, Algebra tournait rond, c'est un fait. La recette était faussement simple. Un Metal très puissant, alambiqué, traité à la façon d'un groupe traditionnel, et non pas un simple Heavy Metal de base vaguement agrémenté de quelques arrangements locaux. ACYL n'est pas là pour sonner exotique ni tenir le rôle de guide touristique au rabais, mais bien pour nous faire découvrir la richesse de la culture musicale de son pays, usant de percussions tribales, d'accords orientaux, et de textures vocales nord africaines. Et encore une fois, à l'image de tous ceux ayant précédé les algériens aux portes de la gloire, l'équilibre est parfait, et le résultat bouillonnant de créativité et d'audace.
Les musiciens connaissent les deux versants de l'histoire sur le bout des doigts. Aftermath, est la conséquence – sans mauvais jeu de mots – de cet état de fait. Amine, Reda et leurs compagnons de route ne vous feront pas traverser le désert sans eau, mais vous réserveront quand même des ambiances très sèches à l'occasion, isolées dans la luxuriance de leur oasis harmonique.
Ils savent jouer du Metal, avec précision, énergie, mais aussi pertinence et sans se contenter des rythmiques et riffs syndicaux, et honorent leur patrimoine avec tout le respect et la dévotion qu'il mérite. En découlent dix morceaux tous plus fascinants les uns que les autres, parfois directs et décoiffants, parfois complexes et hypnotiques, comme une transe qui vous emmène loin, très loin, dans le temps et l'espace. On a même parfois la sensation d'assister à un ballet de rôles partagé par Natacha Atlas et SAVATAGE, brutalement interrompu par l'arrivée d'un GOJIRA très remonté ("Tin Hinan", attention, chef d'œuvre absolu aux percussions évolutives soudainement déchirées par une crise de colère Death d'une intensité incroyable).

Les recherches d'ACYL peuvent aussi les ramener à l'essence même des années 90, lorsqu'ALICE IN CHAINS composait encore de fausses ballades amères en tonalités mineures, et les projeter de nouveau dans le présent à la recherche d'un Heavy agressif et bruyant ("Gaetuli"). En fait, tout leur est permis et surtout, tout leur semble possible.
Ils sont capables de tailler des riffs dans l'acier le plus pur et de les découper au millimètre, ou au contraire de les faire fondre dans la chaux d'un boogie entraînant, qu'ils remodèlent de percussions épileptiques. La problématique de nombreux groupes évoluant dans cette ouverture étant souvent de tomber dans le piège de l'uniformisation, ou de l'aplanification à outrance, le doute est toujours de mise.
Mais cet écueil a été intelligemment évité par ACYL qui avec Aftermath démontre qu'il a trouvé la balance parfaite entre ses multiples orientations, sans proposer le même titre arrangé différemment, ni d'avoir ciblé une poignée de morceaux pour exposer ses vues ethniques.
Tous les chapitres sont emprunts de leur double identité Metal/Folklore, sans tomber dans la demi-mesure ni l'excès.
L'ouverture "Numidia" en est un des nombreux exemples, avec ce Death progressif et envoutant qui passe régulièrement par les cases Heavy moderne, Folk Algérien, et même Néo Metal de braise. Le tout avec fluidité, inspiration et logique.

Chapeau bas.

"Gibraltar" vous emmène à Alger, le temps d'une intro typique, avant de vous ramener dare-dare en Europe au son d'un Néo Death extrêmement véhément, à la double grosse caisse volubile et aux guitares versatiles. Dans ces instants, ACYL évoque autant OPETH que PARADISE LOST, MYRATH, LAMB OF GOD, et une multitude d'autres exemples, sans perdre de vue leur objectif de cohérence.
Et lorsque le quintette aborde le cas ardu de la progression en tension, il nous offre sur un plateau le sublime "Son Of Muhieddine", qui passe en revue tout leur savoir-faire, alternant le souffle chaud du Death et de la musique algérienne calée au fer rouge, tout en tissant des nappes d'arrangements vocaux oniriques. Le spectacle auditif est intégral, et l'immersion dans un monde parallèle enivrante.

Il serait relativement aisé de faire du cas par cas, puisque chaque chanson de ce troisième effort regorge de trouvailles, de petits détails d'apparence anodins, comme cette guitare classique sur "Pride", qui se voit soutenue par une basse en drone et quelques frappes mates, ou cet assemblage de riffs en équilibre à la MESHUGGAH posé sur un échafaudage de peaux pendant "Mercurial".
ACYL a travaillé sa copie, jour et nuit pour approcher la perfection de très près, et avec Aftermath, confirme les échos dithyrambiques que leurs deux premiers efforts avaient fait naître.
Une autre façon de voir le Metal, similaire mais différente des autres ensembles du cru, et surtout, une richesse instrumentale précieuse, au-delà des clivages d'ordre stylistique.

Faire tomber les frontières, et parler avec le cœur, sans aprioris. La musique, comme les mathématiques, est un langage universel.
Et ACYL parle peu, mais juste.



Ajouté :  Samedi 07 Mai 2016
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
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Hits: 11556
  
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