UNCLE ACID & THE DEADBEATS (uk) - The Night Creeper (2015)
Label : Rise Above Records
Sortie du Scud : 4 septembre 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Heavy Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 54 Mins
Ah les années 60 et 70, les pulp, cette littérature de gare à base d'intrigues policières ultra violentes, d'horror quickies sanglants et déviants, son papier cheap et ses couvertures choc... La Hammer, glorieuse et dominante tout d'abord, puis agonisante faute de n'avoir su se renouveler...Les premiers slashers barrés, La Dernière Maison sur la Gauche, I Drink Your Blood, Snuff et toutes ces pelloches branquignoles et conçues pour choquer les bien pensants... C'était glauque quand même, ça avait un parfum de mystère, ça pratiquait les déviances les plus sordides, on explorait, on pensait sous acide et on écrivait sous influence... du diable ? Peut être...
Mais le nombre d'artistes inspirés par cette période ne cesse de croire, des artistes qui tentent comme ils le peuvent de recréer cette alchimie unique, avec plus ou moins de bonheur... Tarantino a choisi l'option pulp policier mâtiné de Nouvelle Vague, d'autres tentent de retrouver la formule magique de la musique qui illustrait ce propos... Et les étranges UNCLE ACID & THE DEADBEATS font partie, à l'instar de LUCIFER, SABBATH ASSEMBLY et SALEM, des derniers à être monté dans les petits wagons de la nostalgie...
Mais quel talent chez eux quand même. Si SALEM tombe dans le délire lysergique le plus total et semble vouloir créer un hybride de SWEET SMOKE et des GOBLIN, UNCLE ACID respecte le code à la lettre et pourrait bien faire partie des meilleurs représentants de cette vague revival occulte.
Trois albums au compteur, quatre avec ce petit dernier paru ce mois ci, leur voyage dans les tréfonds des ténèbres 70's continue, et atteint même une sorte d'apogée avec The Night Creeper...
Ils nous viennent de Cambridge, se sont formés à la fin des années 2000, mais le point fort de cette formation d'amoureux d'un passé glorieux est cette capacité à travailler avec du matériel d'époque, et d'en sortir des sons qui semblent émaner du passé, un peu comme leurs homologues de SALEM. Tous leurs albums sont des réussites, même si la presse à souligné avec justesse l'orientation plus mélodique de leur troisième effort, Mind Control, qui semblait indiquer un changement de direction plus abordable. Depuis, ils ont mis sur le marché une pelletée de singles, et aujourd'hui, retournent à l'exercice du longue durée pour une adaptation fatale, et disons le de suite, une réussite totale. S'ils cherchaient le mimétisme allié à la perfection musicale, je peux affirmer en ces lignes qu'elle est désormais atteinte.
The Night Creeper est un concept album, on s'en doutait un peu, et Kevin R Starrs le présente comme un "pulp à vingt cinq cents, qui s'est soudain transformé en film noir...Il raconte l'histoire d'un homme tombé dans tous les vices de l'époque, la drogue, le meurtre..."... Cet album nous transforme donc en enquêteurs de l'étrange, sur la piste d'un assassin, et nous devons donc utiliser les indices semés par les chansons de l'album pour résoudre cette énigme... Procédé ludique s'il en est, mais est il pour autant soutenu par une bande son de qualité ? La réponse est bien évidemment affirmative, même si on peut noter un pas en arrière par rapport aux harmonies plus travaillées de Mind Control. UNCLE ACID a choisi d'adapter sa musique au propos, les nuances se veulent donc plus discrètes, et l'homogénéité est de mise pour que l'histoire ne pâtisse pas d'un éclectisme disparate. Cela pourra rendre les choses plus difficiles d'approche, et certains y verront une sorte d'hermétisme rebutant, mais une fois plongé dans le disque, et pour peu que vous ayez quelques aptitudes de langage, vous serez vite fasciné par cette histoire noire et disons le, un peu tordue.
Le Night Creeper évolue donc au gré des dix pistes de ce LP, au son toujours aussi vintage, mais à l'inspiration légèrement plus contemporaine. On ne trouve pratiquement plus de Doom en ces sillons, et la magie occulte du Rock/Pop/Progressif des 60's/70's à plus ou moins laissé la place à un Heavy Metal plus tardif, même si les comparaisons avec le Hard Rock du début des années 80 qu'ont effectué certains confrères me semble légèrement exagérées. Certains riffs semblent toujours découler de l'héritage du SAB', comme cette pulsation des guitares sur "Pusher Man", qui se traîne par à coups, ou bien dériver du groove empli de stupre de Marc Bolan avec cette syncope boogie qui dynamise et fait rebondir "Inside".
Les riffs porteurs ne manquent d'ailleurs pas, et l'entame brumeuse "Waiting For Blood" avec cette guitare tranchante mais légèrement émoussée illustre fort bien l'image de ce tueur attendant au coin d'une rue sombre sa victime, le regard froncé et la main serrant le manche du couteau. Sobrement soutenu par un orgue très discret, ce motif place d'emblée l'album sous des auspices assez malsains, et laisse présager du meilleur.
UNCLE ACID & THE DEADBEATS est d'ailleurs toujours aussi à l'aise dans tous les formats, qu'ils soient courts et ambiancés (l'intermède de toute beauté "Yellow Moon" qui nous plonge avec talent dans l'ambiance d'un vieux film à la Wicker Man, avec acoustique discrète, flûte envoûtante et quelques accords électriques qui strient le ciel chargé), ou les segments beaucoup plus développés.
Deux se détachent du lot, le morceau éponyme bien sûr, qui renoue plus ou moins avec le Doom 70's, et qui déroule sur plus de six minutes une jolie progression tendue, lâchant même un break central vintage hypnotique et entêtant, mais surtout l'épique et cinématographique "Slow Death", qui comme "Yellow Moon" se veut BO d'une pellicule absconse et pénétrante sur ses premiers instants, avec un motif mélodique insistant mais paisible, qui monte petit à petit en puissance pour se fondre dans une coda maléfique.
On imagine parfaitement à ce moment là la mort dans l'agonie libératrice du tueur, seul, qui voit sa vie défiler en flashback devant ses yeux mourants. Crescendo qui prend son temps, qui appuie la mélodie sans se presser d'arrangements grouillants se greffant comme des mouches autour d'un cadavre, c'est un titre fort, qui sonne comme un climax s'incrustant sur l'écran... "Black Motorcade" termine d'ailleurs la narration d'harmonies de guitare/orgue qui jamais ne dévient de leur quiétude, et sonnent comme un hommage Folk Rock 70's, avec une légère teinte du FLOYD d'Animals.
Ceux qui avaient du mal à s'habituer à la voix de Kevin en auront toujours autant, mais sur ce The Night Creeper, il faut reconnaître qu'elle épouse à merveille les contours de l'histoire comme ils sont dessinés par la partie instrumentale, toujours un peu en retrait, mais plus sournoise, plus "distanciée". La recette du groupe n'a pas vraiment changé, elle s'est juste adaptée au format "romanesque/cinématographique", a laissé tomber quelques tics trop systématiques des deux premiers albums, sans pour autant lâcher l'optique mélodique de Mind Control.
Mais en tant qu'album concept avec inspiration 70's, The Night Creeper est une aventure horrifique musicale achevée de bout en bout, qui distille les ambiances, du suspens à la scène d'exposition, et je pense pouvoir affirmer qu'il s'agit là du meilleur boulot du groupe anglais. A vous maintenant de vous laisser envahir par l'atmosphère trouble et violente de ce disque à part...
Mais faites attention, regardez bien derrière vous. Le tueur est peut être plus proche que vous ne le croyez.
Ajouté : Jeudi 18 Février 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Uncle Acid & The Deadbeats Website Hits: 6226
|