WILDERNESSKING (za) - Mystical Future (2016)
Label : Les Acteurs de L'Ombre Productions
Sortie du Scud : 29 janvier 2016
Pays : Afrique Du Sud
Genre : Post Black Progressif
Type : Album
Playtime : 5 titres - 42 minutes
Je fais souvent confiance à de petits éléments dans le choix de mes chroniques. Outre les groupes en eux mêmes, un nom de producteur, un graphiste, un musicien, une collaboration peuvent me pousser à parler d'untel ou d'un autre, mais la présence dans l'écurie d'un label que j'estime peut aussi être un facteur déterminant. Je n'ai jamais caché mon attirance pour les productions des Acteurs de L'ombre, et c'est leur nom qui ce matin m'a poussé à tendre l'oreille sur le second LP d'un groupe sud africain atypique...
Qui plus est, la production locale se faisant suffisamment rare, c'était aussi un moyen de braquer les lumières sur cette partie du monde à l'histoire riche et hautement controversée. Et grand bien m'en a pris, d'une parce que la musique de cet album m'a vraiment fasciné, et de plus, elle résume indirectement la culture d'un pays que l'on connaît somme toute assez mal musicalement.
Mais loin des préoccupations sociopolitiques, économiques ou géopolitiques, WILDERNESSKING développe suffisamment d'atouts artistiques pour que l'on puisse se focaliser sur leur oeuvre personnelle. Mais, avant de se lancer dans de simples considérations musicales, il me faut bien vous les présenter...
WILDERNESSKING nous en vient donc de Cape Town, ville au sein de laquelle le quatuor à commencé à se faire les dents sous le nom de HEATHENS. A l'époque, le style était plutôt grossier, et évoluait autour d'un Black N'Roll somme toute assez primaire... Animés d'un désir de recherche et d'expérimentation, les sud africains ont commencé leur travail de recherche sonore, pour enrichir leur musique de textures, d'arrangements, et de la laisser se développer selon une trame progressive, qui aboutit aujourd'hui avec la sortie de ce second longue durée à une forme d'hybridation tout à fait pertinente, à mi chemin entre le Post Rock et le Black progressif.
On connaît très bien les deux styles, et on sait qu'ils savent s'unir parfois en un ballet cohérent pour produire une musique riche et curieuse d'aspect et de fond, et c'est exactement le genre de résultat que WILDERNESSKING cherchait à obtenir depuis ses débuts.
Ses débuts, furent d'abord un album, The Writing Of Gods In The Sand, puis deux EP, ...And The Night Swept Us Away et The Devil Within, qui loin de tâtonner leur partition étaient déjà des oeuvres abouties, mais qui n'avaient pas encore l'ampleur et la majesté complexe de ce dernier né, Mystical Future. On y trouvait déjà les graines de la maturation bien plantée dans une terre libre, prêtes à éclore en une floraison riche et dense, mais ce second effort prouve que la récolte a pris tout le monde de court. Résolument à part sur la scène Post Black internationale, les sud africains se permettent cinq morceaux pour plus de quarante minutes de musique, et le terme n'est pas choisi au hasard. Car il s'agit bien de musique, dans le sens le plus noble du terme, même si régulièrement, celle ci se montre sous un jour véhément et chaotique. En choisissant d'adapter les riffs acides et les rythmiques abruptes du Black au traitement Post Rock le plus libre, le quatuor Keenan Nathan Oakes (chant, basse), Dylan Viljoen (guitare), Jesse Navarre Vos (guitare) et Jason Jardim (batterie) a opté pour un développement nuancé, qui embrase la violence la plus crue du Black sourd pour l'enrouler autour d'un écheveau complexe mais naturel de Post Metal aussi nostalgique que simplement mélodique.
Simple. C'est vraiment ce qui ressort de cet album loin d'être contemplatif pour autant. Ne vous attendez pas à être les témoins d'une variation monolithique sur un thème unique, car si les WILDERNESSKING aiment à se focaliser sur une harmonie pour la développer au delà des schémas usuels, ils n'en restent pas pour autant figés sur une humeur, et aiment à accumuler les parties qui trouvent toutes un écho logique dans la suivante. Et si leur canevas paraît complexe au prime abord, il devient d'une logique imparable au fil des écoutes, pour s'imposer comme un gigantesque cadre global épuré.
Les influences sont là, évidemment, mais il serait vain de chercher à les nommer et surtout, très réducteur eut égard à la richesse de la démarche du groupe. On peut penser à TENGIL, à NEUROSIS parfois, ou à PARADISE LOST, THE GATHERING, le tout nuancé d'une frappe violente et sèche qui vous renverra à la longue liste des combos de Black Progressif internationaux.
Progressif, le terme est lâché, et peut effrayer dans son obscurité de sens. C'est pourtant ce qui anime l'âme des pistes que vous trouverez sur ce Mystical Future, qui par ses développements incarne à merveille son titre.
Si les quatre premiers morceaux ont encore des points d'accès assez visibles, "If You Leave" se laisse aller tout au long de ses treize minutes qui croyez moi ou non, ne laissent pas une seule seconde de vacuité filtrer. A ce moment précis, l'attitude du groupe devient claire, et la symbiose parfaite. Car si les chansons précédentes adoptaient un parti pris parfois tranché, oscillant d'un côté ou de l'autre, cet ultime chapitre choisit l'équilibre le plus absolu, et peut même évoquer une sorte de Post Doom hautement mélodique, qui rapprocherait les choses d'un PARADISE LOST apaisé, à mi chemin entre Gothic et Draconian Times, tout en caressant de loin le fantôme de MORGUL.
Le chant s'étouffe au loin, alors qu'au moment même, quelques échappées vocales harmonieuses s'imposent eu premier plan, s'accordant d'une guitare qui s'offre en circonvolutions oniriques, alors même que la rythmique n'évolue qu'à peine.
Les dernières minutes offrent un joli crescendo de puissance feutrée, avant que le quatuor ne monte en puissance pour relier son final à son introduction, comme dans une boucle artistique et temporelle parfaite.
Conceptuel pourrait être le mot, mais la musique de WILDERNESSKING est beaucoup trop ressentie et naturelle pour se contenter d'un terme vulgarisant.
Disons pour être clair et honnête qu'ils ont adopté une base résolument Black pour mieux la faire se mouvoir, en moduler les aspects les plus violents pour les rendre abordables, voire en l'abandonnant de temps à autres pour céder au naturalisme d'un Post Rock loin d'être abscons et véritablement concret dans sa vision harmonique de la liberté de ton.
Un deuxième album étonnant de maturité, mais étonnant aussi de liberté, et de spontanéité. Des contours qui paraissent nets, mais qui savent être fluctuants, pour vous laisser une libre appréciation. Et une double confirmation au final.
Celle de l'émergence d'un groupe de premier plan, atypique et intrigant, et celle d'un label exigeant, qui préfère produire peu, pour produire l'exception.
Ajouté : Jeudi 18 Février 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Wildernessking website Hits: 6725
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