PSUDOKU (no) - Planetarisk Sudoku (2037)
Label : Drid Machine Records
Sortie du Scud : 23 Octobre 2037
Pays : Norvège
Genre : Avant Garde Jazz Mathcore
Type : Album
Playtime : 4 Titres - 30 Mins
Un album que j'écoute aujourd'hui, mais qui ne sortira qu'en 2037 ? Non ça n'est pas une faute de frappe, mais la date de publication de Planetarisk Sudoku telle qu'elle est indiquée sur le bandcamp des allumés de PSUDOKU. Oui, ces astronautes de l'impossible Grind d'Avant Garde n'évoluent pas dans le même espace temps que nous, puisqu'ils vivent justement dans l'espace, et que là haut, le temps passe différemment.
Mais peu importe le calendrier, puisque les miracles de la technologie nous permettent de jeter une oreille à ce second LP, plus de vingt ans avant sa sortie... Sur toutes les planètes habitées d'une intelligence notable.
Pour ceux qui n'auraient rien compris, c'est assez normal, surtout si l'univers de PSUDOKU ne vous est pas familier.
Ils font partie de la galaxie de ces artistes rares qui refusent catégoriquement le conformisme, et qui créent leur propre univers, à l'instar des RESIDENTS, de DEVO, de ZAPPA, de TOWNSEND, et des dizaines d'autres.
Il y a quatre ans (ou dans quinze ans selon la méthode de comptabilisation), le quatuor norvégien nous avait dispensé la bonne parole décalée au travers d'un séminal premier album assez secoué du bulbe rachidien.
Space Grind ?
C'était aussi le nom de cet effort, mais surtout du style qu'ils prétendent pratiquer. Car selon eux, dans l'espace, le Grind ne découle pas du Thrash et du Hardcore, mais bien du Space Rock Progressif des années 70, qui... vient du futur. Alors avec un préambule pareil, vous savez dès le départ que ce qui vous attend sera tout sauf... normal.
Et ça ne l'est pas.
Bien sûr, leurs moyens et buts ne sont pas complètement inconnus et hermétiques. Ils empruntent à droite à gauche, la déstructuration du Free Jazz, la vitesse et le chaos du Grind, la liberté d'agir de l'Avant Garde expérimentale, et la précision heurtée du Mathcore, pour aboutir à un mélange intergalactique sans barrières ni frontières, autre que leur imagination.
Space Grind était touffu en son temps, et laissait présager d'une suite qu'on espérait encore plus extrême. J'aime à croire que les musiciens nous ont entendu, puisque Planetarisk Sudoku va encore plus loin dans sa combinaison hermétique, et nous envole dans la stratosphère avec toutefois une petite dose d'oxygène. Trop gentil les mecs ! Composé de quatre morceaux, dont un qui frise le quart d'heure, Planetarisk Sudoku frappe plus fort, plus brut, et divague même parfois, tout en restant d'une cohérence rare dans la prise de risques. Mais les risques sont calculés au jugé du niveau hallucinant de ces spationautes de l'impossible, et même lorsque la ballade dure un peu plus longtemps, tout est maîtrisé...d'une certaine façon.
Résumons le trip. Si toutefois c'est possible. Pour vous faire une idée de ce qui vous attend sur les pistes de ce second vol, vous avez deux options. Vous pouvez dans un premier temps l'envisager comme une exaction bruitiste et libre qui se rapproche de LITTLE WOMEN, en plus Grind, en plus Metal, en plus sauvage. Ou tenter d'imaginer John Zorn dans la station Mir, qui dirige les furieux THE GEROGERIGEGE, MR BUNGLE, THOUGHT INDUSTRY, EPHEL DUATH, le tout sous couvert d'une nouvelle déflagration de NAKED CITY, version all star cast.
Les pérégrinations sont donc découpées en quatre étapes. Les trois premières, les plus courtes, laissent toute latitude aux instrumentistes qui ne s'en privent pas. Sur une base rythmique qui adapte les tics Grind à la complexité déconstruite du Mathcore, guitares en avant qui expulsent des riffs au dessus de l'atmosphère, vient se greffer un sax totalement Free Jazz (époumoné par Inge Breistein), qui reprend à son compte les respirations les plus suffocantes de John Zorn.
Parfois, un sobre piano vient adoucir le tout, en duo avec une basse gironde et boursouflée ("BoLTZmanN BRaiN 2099"), ce qui n'empêche aucunement les plans de se succéder à la vitesse de la lumière, et de s'empiler en couches jusqu'à parfois atteindre un nombre impressionnant de successions qui laissent le souffle coupé.
"NeURONaMO" débute sous les coups de boutoir d'une basse digne de NOMEANSNO, avant que le rythme ne parte encore une fois à vau l'eau, agité par les soubresauts d'arrangements spatiaux dézingués qui affolent les vu mètres. Gargarismes vocaux en écho, breaks en fausse accalmie, et encore une fois des sauts affolants du coq à l'âne, sans que cela ne paraisse le moins du monde incongru. Un genre de Math Grind Jazz de l'absolu, qui se plaît à foncer en zigzag pour mieux nous donner le tournis.
"cWaRP-4" c'est le Rush avant que les bouteilles ne se vident, et sans doute la portion la plus véloce du lot. On sent clairement l'influence de MR BUNGLE, avec cet espèce de scat vocal en arrière plan et ces arrangements toujours plus dingues, comme si DILLINGER s'essayait à l'exercice de la BO pour film de science fiction barge et un peu cheap. Ce qui ne l'est pas par contre, c'est cette batterie qui aligne les déliés de fou, survolant ses toms et ses cymbales sans se soucier d'un quelconque sens de la parcimonie.
Puis vient la dernière étape, et son long quart d'heure d'errance dans les étoiles, qui je dois l'avouer, manque un peu d'une ligne conductrice forte. Le même principe y est appliqué, liberté totale, et certaines idées sont hallucinantes d'audace. Mais sur une durée aussi longue, il aurait vraiment fallu attacher une solide corde pour retrouver son chemin, tant le tout prend des allures de labyrinthe parfois inextricable.
Mais ce n'est qu'un reproche mineur tant PSUDOKU aligne les plans à vitesse grand V, ne se refusant rien, des interventions vocales en "hop-hop" complètement grotesques et incongrues, à la jungle de riffs qui épaissit le décor. Choeurs en écho d'un système solaire encore inconnu, anneaux de saturne de la basse qui s'envole en chevauchant une supernova, silence absolu qui calme faussement l'ambiance, et accumulations de cocottes de guitare qui relie les astronautes à la station... Difficile de respirer quand tout vous prend à la gorge...
Planetarisk Sudoku arrivera peut être chez vous en 2037, et selon votre âge à ce moment là, vous ne comprendrez toujours pas ce qui a pu nous enthousiasmer à ce point. Mais lorsqu'un groupe assemble avec tant de brio le Grind, Le Jazz, le Space Rock, le Mathcore, tout en ayant l'air de s'amuser et d'être cohérent, le résultat est tout sauf anecdotique et mérite les honneurs.
Après Space Grind, les mecs de PSUDOKU ne sont pas près de revenir des étoiles, on se demande même si leur message n'est pas le seul digne d'être transmis aux extra terrestres.
Ah, on me dit qu'il est fort possible qu'ils en soient eux mêmes.
Logique, je comprends mieux. Du coup, E.T ne veut plus rentrer maison. Et moi non plus. D'autant plus que j'ai 60 balais aujourd'hui.
Ajouté : Samedi 06 Février 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Psudoku Website Hits: 6194
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