ALL THE SHELTERS (FRA) - Chasing Light (2014)
Label : Famined Records
Sortie du Scud : 2014
Pays : France
Genre : Post-Hardcore
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 44 Mins
Le cœur net. Les idées claires. Si je ne devais retenir de Chasing Light qu'un seul mérite, ce serait surement celui d'avoir su dissiper le brouillard dans mon esprit. D'avoir levé le doute, les interrogations, les incertitudes. Etait-il normal que, ALL THE SHELTERS avançant, progressant, le crédit accordé à leur art s'en soit retrouvé réduit comme peau de chagrin ? Le Metalcore brouillon, couille molle et hasardeux de leurs débuts était-il vraiment plus honorable que le Post-Hardcore larmoyant et tapineur d'aujourd'hui ? C'est en tout cas ce que je comprends quand je relis mes propres papiers sur le groupe, qui, si l'on excepte celui traitant de leur démo First Note de 2010, attestent entre les lignes d'un déclin artistique très peu représentatif de leur popularité croissante, de leurs productions de plus en plus stéroïdées, de leur professionnalisme, qu'on devine facilement calqué sur un modèle U.S, alors que paradoxalement, le rêve d'ALL THE SHELTERS n'est pas un rêve américain mais un rêve russe, et que la bucolique Dnipropetrovsk fait davantage bander que l'atypique Santa Fe...
Tout juste rentrés de tournée ukraino-balkano-russe, les strasbourgeois vont faire de ce début d'année 2014 une étape importante dans leur cursus. Avec la sortie imminente de ce premier album (enfin !), ils valideront définitivement les acquis et dispositions prises sur l'EP Lifetime (2013), en rupture manifeste avec le Metalcore mélodique et frontal de l'EP Reach (2011). On ne s'étonnera guère plus du chant clair de Richard, ni du chant rugueux de Julien, ni même des nombreux arrangements et autres orchestrations. Lifetime a préparé le terrain, et Chasing Light en est la parfaite continuité, avec quelques nuances qui rappelleront qu'ALL THE SHELTERS peut aussi être un groupe créatif, à défaut d'être un groupe qui s'est fort habilement noyé dans la masse.
My heart is sinking, that's all I know,
Hope is fading, I let you go.
Quelques mots signés CALIBAN sur "Memorial" qui résonnent encore et qui revivent sur la pénible "Lost", ouverture brumeuse et délicate, comme une perle de rosée qui se mue en perle de diarrhée avant l'arrivée massive et triomphale de "Straight Way, Right Way", autrement plus engageante, efficace, accrocheuse, même si la première intervention "lyrique" de Richard aurait dû marquer davantage les esprits. Entre miel et mièvre, j'ai toujours cette retenue concernant son engagement vocal sur les refrains. Autant Julien affiche de sortie en sortie une réelle progression dans son chant criard et vénèr’, autant Richard semble confortablement vautré dans cette justesse sirupeuse qui contribue à reléguer ALL THE SHELTERS au rang de caricature Post-Hardcore. L'avantage de cette association, c'est le chaud-froid qui règne en maitre climatique sur certains morceaux très convaincants. Je pense notamment à "Chasing Light" ou encore à "Horizon" et ses passages acoustiques inspirés à 0'27 et 2'42. Le désavantage, c'est que quand le duo se plante, il ne le fait pas à moitié, et il embarque alors avec lui un pan entier de l'album, comme sur la dispensable "Closer", à laquelle succède la piteuse "At Heaven's Gate", une balade qui aurait été parfaitement légitime sur un album de Tom Dice. Mais attention, si Richard et Julien focalisent effectivement les attentions, ils ne sont pas non plus responsables de tous les maux de Chasing Light. Autant que je sache, ALL THE SHELTERS a toujours été une entité compacte et fraternelle. On vit ensemble, on meurt ensemble. Un credo qui implique à égale mesure Quentin (batterie), Raph (guitare) et François (basse), eux aussi responsables des tergiversations de ce premier full-lenght. De moins en moins concentrés sur l'essentiel, de plus en plus centrés sur un Post-Hardcore émouvant, mélodique et acteur-studio, les Strasbourgeois, malgré une production gonflée à bloc, une musique lisse et moderne, des arrangements qui confinent l'opus à un jeu de bande-originale remaniée, ne sont guère plus convaincants que la moyenne des formations de leur niveau. De l'excellente "Belief", avec de gros morceaux de CALIBAN dedans, à la transparente "Ad Lucem", culture du vide complètement grotesque, Chasing Light se découpe en temps forts et faibles, parvenant une fois de plus à sauver les apparences sans vraiment chambouler le fond de commerce.
Je ne déteste pas cet album beaucoup plus que je ne l'adore. Et en fait, je crois qu'il me laisse relativement indifférent. Un sentiment déjà perçu sur Lifetime, et confirmé ici. Par contre, il se pourrait qu'il vous plaise réellement, car sans mentir, dans son genre et au fil des années, ALL THE SHELTERS est devenu un groupe crédible, engagé dans ce qu'il fait, qui n'hésite plus à se couvrir de discrédit en pondant des parenthèses vertes-brunes comme "At Heaven's Gate" et qui assume son évolution artistique, même si on pourra discuter de la définition même de cette "évolution". Pour avoir connu le chaos technique d'un de leurs premiers concerts en janvier 2010 dans un caveau bas-rhinois, je peux vous certifier qu'ALL THE SHELTERS n'est plus l'ALL THE SHELTERS frêle et tâtonnant dont j'aimais me souvenir. D'ailleurs, de souvenir, ils n'en sont plus qu'un modeste désormais. Mais c'est assez pour leur souhaiter de rêver toujours plus grand.
Ajouté : Lundi 10 Août 2015 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: All The Shelters Website Hits: 5684
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