Il y a deux écoles d'attitude dans la vie. Ceux qui aiment prendre leur temps, et ceux qui n'aiment pas le perdre. Ceux qui prennent leurs aises pour raconter une anecdote en la replaçant dans un contexte exhaustif et ceux qui vont droit au but, genre "Hier, le voisin m'a pris la tête. Je lui en ai collé une".
Moi, j'aime bien les gens directs, qui ne s'embarrassent pas de principes et qui visent le centre de la cible. Certes, ça manque parfois d'imagination, ça laisse peu de place à l'interprétation, mais au moins, on sait où on va.

C'est le cas des australiens de CURSED EARTH. Leur EP Vae Mortis ne perd pas son affaire en se lançant dans de longues digressions ou bavardages inutiles. Dès le premier titre, et jusqu'au dernier, ça pulse, ça cartonne, et ça, sans en faire des tonnes. Et même si je partage leur goût de la concision, je dois replacer ces gens dans leur contexte.

Ce quintette (Jazmine Luders - Chant, Kieran Molloy - Guitare, Glenn Buckley - Batterie, Robert Owens - Basse, Paul Cottrell - Guitare) nous vient donc de Perth, Australie. Ils aiment à dire qu'ils jouent une musique lourde, triste, sombre, introspective. Et le fait qu'ils aient tourné en première partie des très joyeux EYEHATEGOD en dit long sur leur démarche et leurs intentions... Mais plus que tous ces épithètes certainement sincères et choisis, j'aime à dire que leur musique fait preuve d'une belle énergie brute, certes épaisse et plutôt compacte, mais en aucun cas triste, et peut être introspective, à condition de considérer une colère immense lovée dans un coeur noir.

Musicalement, où pourrait on les situer ? J'avoue que même sur une durée réduite de moins de dix minutes, le nom d'ENTOMBED m'a plus d'une fois effleuré l'esprit. L'ENTOMBED de Wolverine Blues et d'Inferno, celui qui mélange le Hardcore dru et le Death N'Roll cru. Car Vae Mortis est une charge, brutale, soutenue, qui ne laisse aucune place au hasard et qui frappe fort et vite. Les guitares sont estampillées Alex Hellid à cent pour cent, et le chant vindicatif et écorché de Jazmine rappelle souvent les intonations de Dawn Crosby et d'Angela Gossow.

Mais même sur des morceaux ne dépassant presque jamais les deux minutes (à part le titre introductif "Suffocation"), le groupe se permet d'aligner des plans tous efficaces, soufflant le chaud et le froid, restant à l'aise autant dans les charges véloces que dans les compressions lourdes et féroces, flirtant avec le Powerviolence, le Crust, tout en restant dans une base Heavy Hardcore de première catégorie. Un peu comme s'ils avaient réussi à synthétiser des courants pour n'en tirer que le meilleur et le plus efficace. Et c'est exactement ce que vous trouverez ici, pas de scories, pas de couplet inutile, pas d'errances intempestives. Certes rester sous la barre des dix minutes leur permet d'éviter l'écueil de la redite, mais je ne peux m'empêcher de voir en eux une force incroyable capable de tout souffler sur son passage.

Une simple écoute à n'importe lequel des morceaux figurant sur cet EP achèvera de vous en convaincre. Rythmique efficace et inventive, guitares plombées et vraiment graves, chant investi et vénéneux, le tout au service de titres condensés, c'est une tuerie intégrale qui fait vraiment regretter cette durée aussi courte. Si "Suffocation" attire l'attention, le final orgiaque et sans pitié "Stark" à des airs de tir à vue, un peu Thrash, pas mal Core, mais surtout d'une puissance phénoménale servie par une production nickel qui fait briller une base rugueuse et lui donne l'ampleur indispensable à une musique qui ne tolère pas d'être timorée.

Vous savez maintenant à quoi vous attendre si vous décidez de jeter une oreille sur Vae Mortis. Et comme les discours concis attirent plus l'attention que les longs soliloques qui se perdent en route, gageons que ces cinq australiens sauront se faire entendre durablement.