1349 (no) - Massive Cauldron of Chaos (2014)
Label : Indie Recordings
Sortie du Scud : 29 septembre 2014
Pays : Norvège
Genre : Black Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 38 Mins
Me voici dans une situation bien embarrassante... Pour un critique, il n'y a pire que ce qui m'arrive aujourd'hui. En substance, je vais être obligé d'être partial, et de dire du mal d'un bon album, tout simplement parce qu'il m'a déçu, sans pour autant être mauvais, loin de là.
Avec n'importe quel autre nom imprimé sur la pochette, j'aurais sans doute pondu une chronique enthousiaste, sinon dithyrambique. Mais voilà, il y a un nom sur cette pochette. Un nom qui pour moi évoque le Black Metal dans sa pureté la plus absolue. Un nom que je respecte, presque jusqu'à la vénération. Las, il faut que je fasse avec et que de fait, je m'attire des inimitiés qui dans leur opposition auront entièrement raison.
Soyons clair une bonne fois pour toutes. Si selon moi (et comme tout avis personnel, il n'engage que celui qui l'émet), MARDUK reste le seul garant de la tradition nordique des années 90, celle d'un Black Metal de qualité qui refuse la stagnation, ils ne sont pas les seuls à porter le flambeau. Ils sont soutenus dans cette tâche ardue par un autre groupe, qui lui aussi depuis quelques années refuse le statu quo et la redite. Non, certainement pas MAYHEM, encore moins IMMORTAL ou DARKTHRONE.
1349.
Je l'avoue, si leurs débuts m'avaient paru hésitants, depuis Hellfire, je leur concédais un parcours sans fautes. Et l'attente entre deux albums me paraissait interminable. Le monumental et dramatique Demonoir avait achevé de me convaincre de leur potentiel qui semblait sans limites. Ils étaient passé du statut de machine de guerre terrifiante à des chantres d'un Black malsain, étouffant, aux intonations maladives. J'avais porté aux nues ce disque, parce que j'y voyais l'avenir d'un Black qui n'avait de cesse de tourner en rond (si ce n'est la scène française, toujours aussi créative), et j'entrevoyais enfin une porte de sortie qui semblait pouvoir offrir une bonne bouffée d'air vicié à un genre qui en avait désespéramment besoin. Alors, lorsque l'annonce de la sortie de Massive Cauldron of Chaos fut faite, je trépignais d'impatience, avide de découvrir quelle étape les norvégiens avaient encore franchie.
Mais... En guise d'étape, ils ont fait marche arrière, et nous présentent ici une sorte de synthèse de leur parcours qui tourne à la pause dispensable, en lieu et place d'une avancée qui s'annonçait cruciale.
Mais comme je le disais plus tôt, je vais ici me faire l'avocat du diable, si vous me permettez le clin d'oeil. Car je vais livrer ma déception nue, face à un album qui mérite sans aucun doutes d'être acclamé. Peut être parce que j'en attendais trop, peut être parce que c'est uniquement ce que 1349 souhaitait. Offrir un bon album, sans chercher à trouver la recette infaillible pour devenir les leaders. Qu'ils sont déjà, de fait. Et l'album est bon, je l'avoue la mort dans l'âme.
Il est efficace, cru, sans concession. C'est un LP de Black dans ce qu'il a de meilleur, qui joue avec toute la palette sombre et cruelle du style, et qui ne se contente pas de mettre l'emphase sur la rapidité pour cacher un manque d'inspiration. Au petit jeu des comparaisons, on pourrait y voir un point de rencontre à mi chemin entre leur propre Hellfire et le fabuleux Serpent Sermon de MARDUK. Avec un late DARKTHRONE qui se serait invité à la fête, d'une manière un peu feutrée, comme pour ne pas se faire remarquer.
Même la production semble être un résumé de leurs oeuvres antérieures. Elle a la puissance de Hellfire, et les échos étouffés de Demonoir. Mais elle ne sert pas leurs morceaux respectifs qui laissaient pantois à l'époque.
A titre d'exemple, et pour appuyer ma thèse, écoutez pour devoir le morceau final, "Godslayer". C'est le genre d'hymne dont rêves des centaines de combo, et pourtant, entre les mains de 1349, c'est une déception majeure. Partant sur les chapeaux de roues, ils s'affale soudain sur un refrain qui se veut effrayant, mais qui vire au gimmick agaçant au bout de quelques écoutes. On retrouve tout du long tout ce qui a fait le succès des norvégiens, mais servi tiède, et sans inspiration. Le paroxysme en est atteint lors de ce segment central instrumental, qui court, court, mais autour d'un axe, et finit par s'épuiser. Où vouliez vous allez messieurs ? Certes, ce passage lourd et incantatoire rappelle au bon souvenir de votre album précédent, mais sans conviction aucune...
Je pourrais reformuler ces griefs de la même façon pour parler de "Slaves", qui sonne comme un mauvais ersatz du "Serpent Sermon" diabolique de MARDUK, repris par un Thrash band des années 80. Le tout n'est pas mauvais, mais tellement loin de ce que 1349 est capable de produire... Une double grosse caisse qui balbutie, un refrain digne d'un SODOM des mauvais jours, et l'inquiétude s'installe dès le second morceau.
Alors oui, il reste des choses à sauver, en gardant bien sur un taux d'exigence élevé. "Postmortem" et sa rythmique enlevée, son labyrinthe de riffs, ses contretemps bien sentis est une totale réussite. "Mengele's", signe avant coureur en streaming aurait largement eu sa place sur le fantasme viral Demonoir. Riff ténébreux et pataud, chant réellement vindicatif, c'est sans conteste la grande heure noire de cet album. On y retrouve le 1349 vicieux, qui pioche allègrement dans les racines pour aller de l'avant, et qui empile les couches de haine avec une inspiration intarissable.
Le fugace "Golem", sous la barre des deux minutes, offre un solo ludique, et une alternance intéressante, malgré sa brièveté. Mais...
Et même si la basse grondante se permet plus d'un tour pendable, tout ceci n'est pas suffisant.
Il est vrai que l'on devient beaucoup plus exigeant lorsqu'on aime vraiment. Et malgré toutes ces critiques pas toujours tendres, je le réaffirme au risque de passer pour une contradiction vivante, Massive Cauldron of Chaos est un bon disque, un très bon disque de Black contemporain. Mais de la part de visionnaires talentueux comme 1349, et avec un intitulé pareil, je m'attendais à une épiphanie de violence, à une agression retors qui m'aurait brisé les cervicales avec le sourire. Au lieu de ça, j'ai eu droit à un simple regard en arrière en forme de bilan, comme si c'était suffisant pour aller de l'avant.
Mais messieurs, au risque de vous paraître cavalier, lorsqu'on s'est permis d'enregistrer un jour des pamphlets aussi définitifs que Hellfire et Demonoir, on a pas le droit de se contenter d'être juste bon. On attendait de vous l'achèvement, or vous tournez encore autour du corps de votre ennemi l'air dubitatif.
Méfiez vous, c'est l'attitude qu'avait adopté Oberyn lors de son duel avec la Montagne. Dois-je vous préciser comment il a fini ?
Ajouté : Mercredi 28 Janvier 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: 1349 Website Hits: 6536
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