MATT SCHOFIELD (ie) - Matt Schofield (Déc-2013)
Matt Schofield : un nom qui ne vous évoque surement pas grand-chose ! Et pour cause, le bougre n'est pas un afficionado du Metal mais un blues man des plus réputé au cœur de la perfide Albion. Originaire de Manchester, notre guitariste a déjà un sérieux background derrière lui. S'il est encore relativement inconnu en France, notre British a déjà à son actif trois albums live et quatre méfaits studios qui sont des must dans le genre. Un vrai stakhanoviste qui a fait ses armes sur scène et s'est très vite fait remarquer par sa dextérité hors du commun ainsi que pour sa capacité à improviser qui est totalement incroyable et sans jamais lasser son public ! Une de ses spécialités est de reprendre de nombreux standard allant de BB King à Albert Collins en passant par Freddy Kings et de leur redonner une nouvelle vie ! Il faut dire que c'est en concert que son jeu prend toute sa dimension. Il sera d'ailleurs élu meilleur guitariste de Blues en Angleterre au British Blues Awards et ce à trois reprises successives, de quoi faire des envieux dans la petite communauté des guitaristes solo. Un signe qui ne trompe pas. Une des particularités du combo est d'évoluer sous forme de trio sans bassiste ! Les parties de basses étant assurées par le claviériste Jonny Anderson. Une formation peu banale qui ne peut que détonner et étonner son auditoire. Après un album live Ten From The Road décapant, notre ami est de retour avec son cinquième opus studio (Far As I Can See) qui est d'une redoutable efficacité et qui fait la part belle à l'improvisation ainsi qu'aux solos gorgés de Feeling. Profitant de son passage au cœur de la capitale, MI a voulu en savoir un peu plus sur ce petit prodige de la six cordes qui semble destiné à un avenir des plus radieux. Rencontre avec un personnage très sympathique, totalement habité par le Blues et qui n'a pas la langue dans sa poche quand il s'agit de parler musique. Magnéto Matt, c'est à toi !
Line-up : Matt Schoffield (chant / guitare), Jonny Anderson (clavier), Evan Jenkin (Batterie)
Discographie : The Trio, Live (2004), Live At The Jazz Café (2005), Siftin' Thru' Ashes (2005), Ear To The Ground (2007), Heads, Tails & Aces (2009), Live From The Archive (2010), Anything But Time (2011), Ten From The Road (2012), Far As I Can See (2014)
Traduction / Retranscription : Laurent Machabanski
Metal-Impact. Matt, c'est vraiment un grand plaisir de te rencontrer à Paris. Comment se passe cette tournée européenne ?
Matt Schofield. La tournée est bonne. Malheureusement nous n'avons pas encore eu l'opportunité de jouer à Paris. L'année prochaine certainement. Nous prenons du bon temps sur cette tournée (Angleterre, Ecosse, Belgique, Hollande)...
MI. En juin, tu as ouvert pour Joe Satriani, comment s'est passé le concert ?
Matt Schofield. Oui. Nous avons fait une tournée de 10 shows mais c'était seulement en Angleterre. Joe est une légende. Il est incroyable. C'est une expérience unique pour nous car on a joué pour une multitude de foule complètement différente à nos yeux. Un nouveau public qui n'est pas habitué au côté blues de notre musique. Quelle que soit la musique que tu écoutes si tu es fan de guitare, tu adhères toujours au son de la guitare, à la musique.
MI. Est-ce que c'est intéressant de le voir jouer sur scène tous les soirs ?
Matt Schofield. Bien sûr. C'est un maître ! Avec un groupe magnifique. Très minimaliste et Marc est un très bon batteur. Unique en son genre. Tout était unique et différent.
MI. Il y a 10 ans, tu as débuté avec un trio sans guitare basse. Pourquoi ?
Matt Schofield. Le trio sans guitare basse c'est une vieille tradition de jazz, soul jazz, dans les années 1950-1960 avec des gens comme Jimmy Smith, Jimmy Mcgriff et tous les noms avec Smith ! [Rires] ... Mais je n'ai pas décidé cela tout seul. J'ai commencé à jouer avec ma guitare pour le boulot. Puis on a joué à Londres je crois avec des gens comme BB King, Albert King et on a commencé comme ça à faire des concerts en trio. Ca sonnait plutôt swing et groove au lieu d'un blues traditionnel avec une guitare basse, un power trio classique. C'est comme ça qu'est né le trio sans guitare basse. C'est différent et j'ai commencé à avoir mon propre style. Ca a marché. Cela a permis de développer encore plus mon style de jeu au fil de ces 10 dernières années ! Un style unique de funk et jazzy.
MI. Pourtant tu as bien enregistré deux titres avec une guitare basse ?
Matt Schofield. Oui on a enregistré 2 morceaux de guitare basse sur cet album, histoire d'avoir de nouvelles inspirations musicales.
MI. L'album Far As I Can See sortira en Février. Comment as-tu travaillé sur l'écriture de cet album et comment s'est passé l'enregistrement ?
Matt Schofield. Pour les paroles j'essaie de faire le bilan de ce qui s'est passé dans l'année. Le plus difficile est de noter et surtout de se rappeler, de mémoriser ces moments-là. J'essaie d'être très ouvert quand j'arrive dans le studio. J'ai un cadre de travail lorsque j'écris des paroles. Je choisis les musiciens, j'adore ce qu'ils jouent. Je ne leur dis pas ce qu'ils doivent faire. Je leur laisse jouer ce qu'ils veulent jouer afin qu'ils apportent des orientations nouvelles. Il y a beaucoup d'improvisations. Je suis très ouvert. Nous sommes entrés en studio avec l'idée de jouer en live car ce sont des moments de pures émotions et sensations. C'est dur d'expliquer ce que l'on ressent à ce moment-là. C'est l'énergie et la créativité du moment.
C'est véritablement un enregistrement fidèle.
MI. Cela nécessite-t-il de faire beaucoup d'improvisation pour arriver au résultat escompté ?
Matt Schofield. Toujours. Tout le monde joue live. Tu ne peux pas les assembler de bout en bout comme un ordinateur et mixer tout ce beau monde. Il faut trouver le bon moment pour jouer dans la journée, et trouver l'esprit pour jouer.
MI. Est-ce que cela veut dire que le public est important pour toi ?
Matt Schofield. Oui, Très. Il y a beaucoup de choses importantes comme le volume, le son, l'endroit où tu joues, le moment ou te produis. Tu dois avoir un bon état d'esprit pour jouer, et non être distrait car cela ne fonctionne pas. Tu dois jouer comme quelqu'un de zen c'est-à-dire que la musique sort de ta guitare en quelque sorte. C'est ce que l'on appelle la magie de l'improvisation.
MI. Est-ce que tu préfères jouer dans les Festival ou les clubs ?
Matt Schofield. Je préfère les festivals, les grands stades pour avoir du gros son. J'aime aussi les clubs pour l'intimité. Je me sens plus à l'aise avec les grands stades. Mais peut être que la musique blues n'est pas faite pour des grands stades ! [Rires] ... Ce sont les vibrations du public qui font la différence et qui te font apprécier de jouer dans des stades ou des clubs. Je me rappelle au début de ma carrière que nous avions joué devant un public de 5 personnes. C'était bien et c'était fun. Mais c'est juste une question de feeling avec ton public.
MI. Quel est ton meilleur public ? Les USA ou la France ?
Matt Schofield. Le public américain ou canadien est super car il te donne un feedback sur tes chansons. Nous avons joué au festival de blues de Montréal et c'était réellement fabuleux. Ca te donne beaucoup d'énergie sur scène. Les américains sont plus démonstratifs pour montrer leur enthousiaste par rapport à ce qu'ils aiment. En Angleterre le public est très réservé [ndi : Matt clappe 2 fois dans ses mains]. Je ne m'investis pas dans ces considérations. En général, ils aiment vraiment les shows à leur manière et tu dois t'attendre à n'importe quoi de leur part.
MI. Il y a beaucoup de musiciens qui viennent voir Joe Satriani en Live. Ca t'inspire quoi quand ils viennent te voir jouer ?
Matt Schofield. Oui nous avons toujours été sensibles aux musiciens qui viennent nous voir à nos concerts. C'est super. Tu as un retour de leurs opinions. Leurs points de vue sont valables et incontestables.
MI. Tu as été élu pour la troisième fois consécutive meilleur guitariste Anglais de Blues, je suppose que ça t'a fait plaisir ?
Matt Schofield. Oui, mais il faut préciser que c'était le choix des amateurs de musique et non pas le choix des professionnels de l'industrie. Ca vaut tout l'or du monde d'être choisi en dehors des circuits traditionnels, c'est-à-dire que les gens votent pour toi et ta musique.
MI. Depuis combien de temps fais-tu des tournées ?
Matt Schofield. Je fais des tournées depuis 23 ans.
MI. Est-ce que tu crois que la scène Blues a subit des évolutions depuis que tu as commencé ?
Matt Schofield. Le blues subit des évolutions car il est soit au top, soit au plus bas depuis toujours dans l'esprit des gens. Je ne me pose pas cette question lorsque je joue du blues. En Angleterre, la BBC a diffusé des documentaires sur Channel 4 concernant le blues. Ca c'est excellent de voir du blues à la télévision mais le problème c'est que cela ne va pas se reproduire avant de nombreuses années. Le blues est naturel pour moi. Le jazz, le blues, la soul, le funk ne sont des pas des courants forts mais tu les joues quand même, même si ce n'est pas à la mode.
MI. Tu fais beaucoup de reprises en Live ou en studio, qu'est-ce qui te motive ?
Matt Schofield. Ca mérite des explications car je fais toujours deux reprises sur mes albums. Sur le premier album live, c'est normal qu'il y ait des reprises. Le plus important pour moi est d'écrire. Tu passes beaucoup de temps à écrire. Le Blues c'est la communication et surtout de la connexion émotionnelle. En même temps le blues c'est l'histoire de la musique, le cœur des racines. C'est pour cela que je choisis des reprises que j'ai toujours aimé et que j'ai toujours eu envie de jouer ! Il y a ce titre "Yellow Moon" des Neville Brothers. J'ai toujours aimé ce morceau ainsi que mon père qui avait ce disque dans sa collection. J'ai toujours adoré ce titre et j'avais envie de le reprendre mais je ne savais pas quand j'allais le faire.
MI. Qu'est ce qui est le plus difficile pour toi chanter ou jouer ?
Matt Schofield. En fait, c'est plus dur de chanter. C'est naturel pour moi de jouer de la guitare. Tu te lèves et tu joues... c'est beaucoup de travail mais je possède l'habilité pour jouer. Ca vient facilement et j'ai commencé à faire des shows après 6 mois de guitare. Chanter ! Non ! Ca prendra du temps d'être aussi fort au chant qu'à la guitare. Encore 10 à 15 ans pour progresser ! C'est pareil que ce soit pour l'écriture de morceau ou pour enregistrer un disque. Tu vas au studio pour chanter ce qui correspond à 100 nuits pour enregistrer live et ça prend une année pour faire un album. Il faut une grande imagination pour chanter devant un micro. Tu as beau l'avoir fait plusieurs fois, tu as toujours peur d'entrer en studio pour chanter, contrairement à la guitare. Quand tu joues de la guitare, tu ne penses même pas et c'est fluide. Au départ, j'ai joué de la guitare mais je voulais surtout être musicien. Mon exutoire c'est la guitare. J'étais influencé par la musique de BB King et de Jimmy Hendrix. J'ai la musique en moi et ça sort tout seul lorsque je prends une guitare et que je commence à jouer. C'est une sacrée différence.
MI. Aimerais-tu jouer avec d'autres guitaristes si tu en avais l'occasion ?
Matt Schofield. Oui s'ils peuvent apporter quelque chose d'unique. Nous avons fait un show à la fin du mois d'octobre avec Oz noy qui est venu jouer avec nous. Oz Noy c'est un mélange de Steve Ray Vaughan avec un son blues, de John Scofield avec un style très harmonique et aventureux et de Jeff Beck. Des fois je me demande ou il a trouvé cela. C'est quelqu'un de très inspirer. Je joue des choses classiques avec mon groupe et c'est très fermé. Lui il arrive à te faire entrevoir une nouvelle voie. Il y avait aussi Robben Ford. La première fois qu'on a joué ensemble je trouvais ça ridicule, puis après tu es dans le bain et tu apprends à nager ! [Rires]
MI. As-tu un rêve en tant que musicien ?
Matt Schofield. Oui, c'est de jouer avec BB King avant qu'il meure. Il a inventé le vibrato et c'est grâce à lui que la guitare a trouvé un nouveau son. Habituellement, la guitare ne produit pas de tels sons. Les autres artistes sont morts, c'est triste mais vrai !
MI. Tu es aussi producteur. Tu as demandé à ton technicien guitare Simon Law de produire cet album. Pourquoi ?
Matt Schofield. Oui. J'ai appris beaucoup plus avec Simon en chantant trois chansons en studio que de produire moi-même mes propres albums studios. Cette fois c'est une magnifique expérience. Je voudrais retravailler avec lui. Il est venu avec des idées nouvelles. Il a tout essayé : enregistrer des morceaux en live, jouer de la batterie, chanter, jouer de la guitare avec moi. Il est venu en Europe quelques semaines pour jouer avec moi. C'est un super musicien.
MI. Tu as fait beaucoup d'albums live autant que des albums studio. Pourquoi ce choix ?
Matt Schofield. Oui, nous sommes un groupe fait pour jouer en public. Au moment où l'album sort c'est la première fois que tu vas jouer ce titre sur scène et tu le rejoueras plus tard. C'est comme une sorte de documentaire, comme si tu voyais tes enfants grandir passant de 5 mois à 1 an. Ca sonne complètement différemment lorsque tu joues ces titres en concert devant un public.
MI. Qu'est-ce que la France et Paris représentent en particulier pour toi ?
Matt Schofield. Ca fait 4 ans qu'on n'est pas venu en France. La dernière fois c'était à Cognac. Il y a quelques années, on a fait le festival de blues de Cognac. C'était fantastique ! Ainsi qu'à Paris ! On a fait quelques concerts à Paris aussi. Malheureusement, je ne me rappelle pas les noms des villes ou on a joué. Le public français est respectueux de notre musique un peu comme le public anglais mais à la fin d'une chanson ils sont toujours prêts pour le prochain titre. Ils ont une bonne écoute et c'est un public respectueux. Nous avons eu un batteur français qui a joué avec nous d'ailleurs. Nous sommes bien connectés avec les fans français. J'espère que nous jouerons très bientôt à Paris.
MI. Quel regard portes-tu sur Far As I Can See ?
Matt Schofield. Je n'en ai aucune idée. Ce qui est sûr, c'est que je ne vais pas l'écouter au moins avant six mois. C'est dur de dire que c'est fini et qu'on ne retravaillera plus sur cet album. Comme je suis perfectionniste, j'aurai toujours l'impression de vouloir retoucher l'album mais je me l'interdis. C'est pour ça que c'est intéressant d'être interviewer par des personnes qui connaissent déjà l'album. Ca fait des semaines que c'est fini et on se demande si les gens vont aimer ou pas.
MI. Tu ressens un peu de pression, non ?
Matt Schofield. Je suis égoïste. Je veux d'abord me faire plaisir mais j'aime aussi que les gens aiment ma musique. C'est pour ça que l'on fait cette musique pour qu'il y ait une connexion qui se crée avec les auditeurs et ne pas jouer n'importe quoi ! [ndi : Il fait un riff à la guitare]. C'est pour cela quand je suis en studio je m'investis totalement et je me mets complètement à nu ! Je donne tout ce que j'ai.
MI. Il y a beaucoup d'investissement et d'émotions dans cet album. Qu'en penses-tu ?
Matt Schofield. Oui. C'est une expérience rare faite d'émotion comme Jimmy Hendrix sur l'album Electric Ladyland. C'est une sensation qui passe dans tout ton corps.
MI. Es-tu en contact avec tes fans ?
Matt Schofield. Je ne suis pas un geek sur les réseaux, je ne googlise pas mon nom sur Internet. Je ne veux influencer personne sur ma musique. Je ne veux pas être dépendant des gens. Je veux des vrais fans de ma musique.
MI. Pour terminer qu'as-tu envie de rajouter ?
Matt Schofield. Je voudrais vraiment revenir jouer en France car on a eu des moments formidables chez vous. Ouvrez-vous à cet album, amusez-vous et savourer le. C'est la plus grande récompense pour nous et ça signifie beaucoup de choses.
Ajouté : Jeudi 01 Mai 2014 Intervieweur : The Veteran Outlaw Lien en relation: Matt Schofield Website Hits: 9336
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