Cornélia, métisse d'Ibiza, vit toujours dévêtue. Dites jamais que je vous ai dit ça, ou Cornélia me tue.

Tout ce qu'on pouvait faire, c'est espérer. Espérer que Cornélia entre un jour dans les mœurs. Il aura également fallu du temps à SAINTE OMBRE avant de s'imposer, et encore, il reste du chemin à faire avant de devenir incontournable. Pour l'heure, on se contente de considérer ce groupe français, d'écouter, d'apprécier ce qu'il a à proposer sans jamais y voir une révélation. Et pour cause, il y a chez SAINTE OMBRE un je-ne-sais-quoi d'anachronique. Est-ce le fait de pratiquer un Heavy Metal symphonique du siècle passé ? Celui d'être conduit par une chanteuse ? Ou bien les deux en même temps ? En attendant, les Vendéens ne mangent pas de ce pain là, traçant leur route de façon admirable et distillant leur Metal fancy a qui veut l'entendre. Beaucoup plus conceptuel et tranchant, leur nouvel album, Cornélia, marque d'ors et déjà sa différence d'avec Contes Et Châtiments (2009), autrement plus porté sur les fantômes, croquemitaines en tous genres et autres squelettes dans le placard.

L'idée est ici d'exposer l'existence mouvementée de Cornélia de Beaujoy, une patiente controversée de l'hôpital Pierre Mazurelle (La-Roche-sur-Yon, ville d'origine de SAINTE OMBRE). Malade mentale ? Schizophrène ? Manipulatrice ? Les avis divergent, mais un infirmier téméraire va tenter de faire la lumière sur cette affaire et au travers de notes présentes dans le livret de l'album, permettre à l'auditeur de mieux comprendre la position de Céline, chanteuse du groupe, comme toujours très investie et ce, peu importe le rôle. Le concept est extraordinaire. Il permet à l'auditeur de s'impliquer dans ce mystère, de s'enfermer une heure durant dans un huit-clos haletant sur fond de personnalités multiples, tel un Shutter Island métallisé. Quant à la musique qui permet le twist spectaculaire de cette œuvre, elle s'inscrit dans la continuité du projet. SAINTE OMBRE exploite le caractère théâtral, démonstratif et émotionnant du Heavy Metal pour peindre sur le corps de Cornélia un camaïeu de scènes fortes. C'est très cinématographique dans l'esprit (voir un peu comédie musicale), mais ça reste du Metal, et à ce petit jeu, les Vendéens font fort, même avec quelques décennies de retard dans la charrette. Ça alterne en permanence : de la douceur, de la quiétude (avec "Le Chemin", une reprise de KYO – non je déconne -), des chœurs (troublants, comme sur l'excellente "Keïko"), du riff costaud, des arrangements guimauve et parfois même, du Heavy Metal dans son plus simple appareil ("Par Le Sang", interprétée avec Nicolas Blaizeau d'EXIT, KOB...). De plus, les textes en français signés Céline (bien aidés il est vrai par une interprétation parfaite) offrent à l'auditeur français la possibilité de s'immerger totalement dans cette aventure. Alors mis à part le fait que ce disque est une pure offrande aux dieux du Heavy Metal et qu'il est par conséquent extrêmement typé, capable ainsi de déplaire aux amateurs de productions couillues et poilues, Cornélia est une sortie à l'universalité séduisante. Une sortie à laquelle il convient de consacrer du temps, la deuxième écoute révélant de nouveaux détails, comme la troisième, la quatrième et ainsi de suite, le tout tourbillonnant dans une farandole de nuances et de surprises.

Si vous aimez tout ce qui touche à la magie, aux papillons, à la poésie, les refrains épiques livrés dans un écrin d'Heavy Metal imaginaire et chevaleresque, alors Cornélia est un album fait sur-mesure pour vos fantasmes. D'ailleurs, je pense que dans ce domaine très spécifique, on ne fait pas mieux que SAINTE OMBRE en France. Leur créativité débordante me rappelle un peu ce que faisait jadis un certain Luca Turilli, et Dieu sait que son nom demeure aujourd'hui encore une référence. Ils ont les armes pour suivre son illustre chemin, et demain nous le confirmera. Pour l'heure, ce n'est pas encore totalement Clerc.