Le risque, c'était que ça pète. Et ça n'a pas loupé. J'ai souvent tourné en dérision la situation économique et sociale de la Grèce quand un groupe m'en offrait l'occasion. ENSHADOWED récemment, TERRORDROME par deux fois, mais que des agneaux, des formations inoffensives. Le malaise est plus profond, et on rigolera forcément un peu moins quand la parole incisive et réaliste de REVOLTED MASSES arrivera aux oreilles de certains. Ces mêmes qui peuvent se gargariser de ne pas être nés dans les témoins privilégiés de la misère : les rues d'Athènes. Car le discours de ces garçons est alarmiste. Il transpire de désespoir, de méfiance, de colère, comme si la dénonciation était le dernier recours dans un pays au bord de l'implosion. Et on oubliera rapidement que derrière les paroles, il y a une musique, et qu'aujourd'hui, dans ce contexte, le Metal sera moins que du Metal parce qu'il sera utilisé comme un vecteur, un Metal conducteur, au travers d'un premier album très provoc'.

Us Or Them. C'est eux ou nous ! Eux, ce sont les capitalistes, les politiciens, les prêcheurs, les oligarques, les traders, les aristos, les impérialistes, les fascistes. Une gangrène. Nous, c'est le peuple. REVOLTED MASSES part donc avec une idée bien précise, surement sanglante, de ce que devra être le combat. "Savage Temper" s'ouvre sur un sample du célèbre "I have a dream..." de Martin Luther King. C'est extrêmement caricatural, mais en même temps révélateur du fantasme de ces Grecs. Ce qui est moins cliché par contre, c'est le mur de son qui s'écrase dans nos tympans dans les secondes qui suivent. Fidèle à l'enthousiasme de la jeunesse conquérante, le combo calque son jeu sur un Death / Thrash explosif et vivace, qui prend l'auditeur à la gorge parce que rapide comme l'éclair, puissant comme Hercule, sadique comme le John Doe de David Fincher. A vrai dire, après l'entêtante éponyme et ses vapeurs de thé à la menthe ou l'oppressante "War In Heaven", on ne fait même plus attention aux paroles, reléguées au second plan par la force de frappe de ce Metal moderne mais authentique. La voix teigneuse et rocailleuse de George (ils sont d'ailleurs trois à s'appeler George dans le groupe) est la première pierre sur laquelle on bute. Elle organise le caractère revendicateur et houleux d'Us Or Them, véhiculant dans ce timbre viril tout le courroux d'une formation à laquelle il ne fait pas bon se frotter. Si l'ombre d'un NILE n'est jamais loin ("Avdei Far'oh"), c'est du côté des Italiens de SUBHUMAN que j'ai retrouvé le plus de convergences. Même tendance à balancer, même façon de condenser la hargne du Death et la technique du Thrash, une date entre ces deux groupes de l'underground ferait siffler bien des oreilles chez les haut placés. Dans les rythmes, dans les structures, dans à peu près tout ce qu'il entreprend, Us Or Them s'avère être un vrai bon album de Metal, variant les ambiances mais jamais cette atmosphère glauque, comme quand il évoque la Shoah sur "Deathblock 11" et "Tale Of A Tortured Soul". D'ailleurs, je n'ai plus vraiment peur des mots. Ecrit par un groupe plus huppé, ce disque aurait été candidat au best-of 2013.

Mais ce n'est que REVOLTED MASSES. Un pion sur l'échiquier, une goutte d'eau dans l'océan. Du plancton. Ils auront eu le mérite de sortir un premier album vraiment complet, avant tout pertinent d'un point de vue strictement musical. Malheureusement, le contexte fait qu'on ne pourra ignorer bien longtemps les motivations qui ont inspirées une telle œuvre, et qui nous poussent laborieusement, dans un élan de solidarité, à leur crier par-delà les frontières : θάρρος ελληνικοί αδελφοί.