Dingue ! En voyant pour la première fois cette pochette, j'ai cru que Kurdt Vanderhoof s'était glissé l'intimité de ma piaule et qu'il m'avait surpris en flagrante rêverie. Mais en fait, ce n'est qu'une façon universelle d'imager le bonheur, la quiétude, la sérénité qu'on ressent en écoutant certains disques. Pour ma part, cet état de souveraineté existe quand j'écoute un album de Goregrind bien gras. Mes fantasmes morbides prennent vie dans ma tête en trois dimensions et les tripes valdinguent au rythme des blasts. Seul petit problème, aujourd'hui, l'Histoire me fait rencontrer PRESTO BALLET, une formation américaine de Rock / Metal progressif qui n'a pas pour habitude de tapisser les murs d'une épaisse couche de sang. Leur truc à eux, c'est plutôt la pureté, la délicatesse, un brin de romantisme aussi, une pointe de velours et des mélodies en coton. Rien qui ne puisse s'avérer agressif pour la peau, tranchant pour les oreilles (quoique...), malsain pour l'esprit. Sans jamais avoir un mot plus haut que l'autre, Invisible Places, troisième album pour ces Américains, va dérouler une heure durant son Rock / Metal sirupeux et changeant.

Dès la première seconde de "Between The Lines", le tableau est simple. T'as l'impression d'avoir remporté la Coupe Champignon 150cc dans Mario Kart. C'est d'une telle naïveté électronique que Nintendo peut piocher dedans un peu d'inspiration pour ses prochaines bandes-sons. Heureusement, au bout de cette minute poussiéreuse et désuète, PRESTO BALLET revient à des choses plus "conventionnelles". La guitare acoustique est placée assez haut dans le mixage, un peu plus et tu sens l'appel d'air du médiator dans ta nuque. Le chant de Ronny Munroe (l'autre membre de METAL CHURCH avec Kurdt) est lui aussi très spécifique, sorte de croisement entre le Tobias Sammet d'EDGUY période The Savage Poetry et Bonnie Tyler, et l'idée qu'on se fait habituellement du Rock progressif prend forme, malgré quelques sonorités métalliques. D'une grande inventivité, Invisible Places avance dans la surprise. On ne sait jamais ce que vont nous préparer ces garçons. Tout ce qu'on sait, c'est qu'ils ont une bonne tripotée de décennies de retard, car pour utiliser avec tant d'insistance un putain de mellotron doublé d'un orgue Hammond, faut vraiment être resté bloqué au Moyen-âge. On est d'accord sur le fait que les plus grands projets Rock ont déjà eu recours au Mellotron (DEEP PURPLE, PINK FLOYD, THE BEATLES, THE MOODY BLUES...), mais jamais avec une telle frénésie. Au-delà de ça, je dois quand même avouer que PRESTO BALLET, dans la manière d'incorporer ces deux instruments d'un kitsch vomitif dans sa mixture, génère pas mal de sympathie et quelques sourires. Ce n'est nullement disgracieux, c'est juste d'une autre époque, comme si le groupe venait de sortir d'une grosse sieste et que sa gueule enfarinée était finalement attendrissante. On ne prend pas spécialement de plaisir à l'écoute des interminables "Sundancer" ou "All In All", à moins d'être un fan de musique prog. Et inversement, Invisible Places, du haut de sa grosse heure de jeu, ne provoquera pas une coupe prématurée. On va au bout de l'effort sans rechigner, car cet album possède aussi une facette incroyablement positive et souriante qui fait parfois du bien.

Certes, ça tire un peu longueur. Certes, c'est à la portée de toutes les bourses, sauf les plus radicales. Certes, PRESTO BALLET dans le genre Progressif, n'arrive même pas à la voute plantaire de DREAM THEATER, se dévoilant ainsi parmi les Poulidor du Rock / Metal progressif, mais si vous avez une petite heure à tuer et que vous êtes sujets à la rêverie facile, Invisible Places pourrait bien vous transporter hors du temps, dans un monde ou Mellotron et pattes d'eph cohabiteraient joyeusement.