Qu'elle est cette étrange quiétude qui m'enveloppe ? Est-ce l'excitation d'écrire pour un album de Stoner qui infuse lentement ? Quoiqu'il en soit, il est vrai qu'après la révélation OKLAHOMA SWAMP MONSTER et les coups de rasoirs assénés par le dernier CLUTCH, plus rien ne m'empêche d'apprécier ce style musical alternatif, trop flegmatique pour être du Metal, trop amer pour être de l'Acid Rock, pas assez Rorschach sous crystal meth pour faire dans le psychédélique. Vous me croirez ou pas, mais il y a pourtant de tout ça au cœur de Lam, premier album du groupe milanais THE RED COIL. Rien d'étonnant. Au mieux, cet opus sera une bonne surprise, mais je crains qu'après les déculottées successives subies récemment, plus rien n'arrivera à faire échapper Lam à son destin éléphantesque. C'est d'ailleurs cet animal qui a été choisi pour illustrer au mieux une œuvre pachydermique qui s'offrira à cor et à cri aux braconniers, aux chasseurs d'inspiration.

J'aime la tranquillité et la puissance de cette bête. L'idée qu'elle puisse se retrouver sans défense(s) me faire tiquer. Je préfère de loin l'adoration et l'attention portée par les hindouistes, qui lui reconnaissent sagesse, éducation, intelligence. Permettez-moi de penser qu'en ajoutant un caractère hindi à sa typo, THE RED COIL a voulu marcher dans cette direction. Définitivement, il n'y aura pas symbolique plus révélatrice. Le Stoner des Italiens est un concentré de zénitude, de self-control, de regards impérieux, le tout baignant dans un bain de testostérone et de sueur. Immédiatement, Lam impose le respect. Le riffing de "The Ones That Fall From Grace" est nerveux, tranchant. On croit que les Transalpins vont confortablement se vautrer sur cet épais matelas de pétrole coupé au sang mais en vérité, on n'avait encore rien entendu. Plus fourbe, plus dense, "Eastern Smell Of Smoke" est cette grande tatane venue du sud des Etats-Unis te faire cracher tes dents dans un verre de whiskey refoulé. THE RED COIL est vraiment un groupe musclé qui n'a même pas besoin de faire deviner sa mauvaise humeur pour obtenir le silence. Œil pour œil, yeux dans les yeux. Et "Fuckin' Numb", sa pêche, son rythme Heavy, ses guitares au saindoux, ses tournures généreuses aux relents de Hardcore, sa tempête sudiste. Il y a le fun, le groove et pas très loin, le torse bombé. Mais question de style, ma favorite demeure "S.s.c." et son final ahurissant, un moment de métissage culturel intense dont je serai bien incapable de localiser l'origine. Il n'empêche qu'en tissant sa toile autour d'un son juteux et d'un brassage ethnique fort, THE RED COIL parvient à abattre des murs. Ce Stoner n'est certainement pas le plus révolutionnaire qui puisse exister. Il a du mal à abandonner son odeur de fauve, très PANTERA dans l'esprit mais quand il le fait, la fièvre s'en empare. Et devant une création comme "Beginning From Nowhere", tellement laxiste, tellement paysanne, tellement bandante avec son harmonica ensorcelé et son groove basique, comment renoncer au voyage ?

Lam est un train fantôme qui sillonne des contrées désertiques, balayant plus d'un siècle d'histoire, du Blues au Rock en passant par des arrangements qui fleurent bon le poulet tandoori et la sauce barbecue parfumée au Jack Daniels (oui, ça existe et c'est délicieux !). D'ailleurs, on devine vite dans la voix éraillée de Marco son addiction aux grillades (ou peut-être simplement au Jack). On devine dans cet album le potentiel d'une formation qui, dans son style de prédilection, a les moyens d'aller très loin. Et comme tout bon train qui se respecte, à un moment, il va falloir que ça déraille.