Je t'aime. Un peu. Beaucoup. Passionnément. A la folie. Pas du tout. Avec GOTHMINISTER, nous sommes passés par tous ces états. Tout à commencé en 2008 avec le mauvais mais finalement pas si mauvais Happiness In Darkness. Un coup je te déteste, un coup je t'adore. Rien comparé à l'indifférence générale provoquée par son successeur, l'Anima Inferna de 2011, qui se révélait être une vraie purge en matière d'Electrogoth Metal à tendance dancefloor. Je ne me souviens de rien et à vrai dire, j'aurais encore préféré l'avoir en grippe que de n'en avoir aucun réel souvenir. Ainsi évolue notre relation avec Bjorn Alexander Brem, le mégalomaniaque créateur qui a donné son nom de scène au projet. Avec désormais cinq albums au compteur, ce brillant compositeur dont l'égo murit aussi vite qu'une pastèque au soleil ne pouvait assurément pas rester sur un échec. Et déjà, à la simple présentation d'Utopia, de son concept, de son allure, on peut savourer un début de remise en question en présence d'une sortie qui renoue avec un semblant d'implication.

A elle seule, l'histoire qui nous sera racontée par cet opus est rassurante. Un avocat en proie à des accès de schizophrénie qui se métamorphose en l'entité GOTHMINISTER la nuit. Certes, Romero cracherait sur l'idée, mais c'est déjà mieux que le néant absolu et pour ainsi dire, tout semble aller dans le sens d'un spectaculaire redressement. "Someone Is After Me" n'est pas le titre de l'année, mais son refrain prenant et son tempo belliqueux, militaire, très teuton, dans l'esprit accroche l'oreille. En l'espace de cinq minutes, on a l'impression qu'Utopia a déjà fait plus qu'Anima Inferna en trois quarts d'heure. Brem enchaine les lignes vocales sombres et industrielles avec simplicité et fluidité, non sans évoquer la vista qui l'habitait sur la période Happiness In Darkness. Loin de toute ringardise, de toute grivoiserie, l'album déroule avec une étonnante facilité et ce, en dépit d'arrangements électro-symphoniques qui se comptent par dizaines. "Nightmare" étale généreusement une couche de grandiloquence bienvenue pendant qu'"Horrorshow" se barre dans un univers Black groovy et industriel savoureusement boosté par une batterie qui joue tellement vite qu'on se demande quelle mouche a piqué Chris Dead. Une telle maitrise ne ressemble en rien à du GOTHMINISTER classique et à l'inverse, on ne peut s'empêcher de relever la classe avec laquelle le groupe colle à son image de trublion gothico-romantique. Sans jamais se départir de son côté Pop guimauve, GOTHMINISTER va jusqu'à évoquer le CRADLE OF FILTH période grand-n'importe-quoi avec un "All Alone" plus Rock, plus Heavy mais aussi plus orchestral. Sauf qu'à l'inverse de n'importe quel "Nymphetamine" du pauvre, cette composition met le doigt en plein sur le concept de l'album, nous faisant presque instantanément remarquer avec quelle précision cette histoire d'avocat se retranscrit au cœur de ces quelques propositions. Les ambiances sont brossées, écrites à la dure sans tomber dans un sympho pouêt-pouêt Bontempi et assurément, si Utopia n'est pas la bande-originale d'un thriller fantastique noir et glauque, il pourrait le devenir ("Eternal" en tête de file).

Le couperet ne souffre d'aucune contestation. Utopia est bel et bien le meilleur opus jamais proposé par GOTHMINISTER. Non seulement les défauts et l'arrogance des prédécesseurs ont été gommés, mais Brem et les siens se sont échinés à écrire quelque chose qui ressemble à s'y méprendre à un album complet. On retrouve des hymnes ("Someone Is After Me", "Utopia"...) qui peuvent concurrencer les "Freak", "Dusk Till Dawn" et autres "Darkside". On retrouve de l'engagement, de l'idée, de la créativité. Preuve qu'en dépit d'un culte de la personnalité d'une autre époque, Gothminister n'a jamais cessé d'être une fine gâchette.