METAL URBAIN (FRA) - Les Hommes Morts Sont Dangeureux (1981)
Label : Byzz / Rough Trade
Sortie du Scud : 1981
Pays : France
Genre : Electro Punk
Type : Album
Playtime : 17 Titres - 51 Mins
On aurait beau jeu de dire que le Rock français est une vaste blague… Et pour cause, puisque cette affirmation est en partie vraie, pour plusieurs raisons.
Si l’on se base sur le potentiel créatif de nos représentants les plus notables des 60’s, le tableau dressé est loin d’être brillant, et mérite tout sauf les honneurs. Reprises minables de standards US et anglais, servilité devant la toute puissance des managers et des labels, aucune prise de risque, zéro, nada, nib, que dalle.
Les 70’s ne furent pas plus brillantes, tout du moins en ce qui concerne les artistes les plus populaires. Comment se targuer en effet d’être une référence en matière d’innovation musicale, quand nos seuls groupes à afficher des ventes honorables étaient TELEPHONE et ses influences/plagiat Stones/Berry boursouflé(e)s, et TRUST qui se contentait de greffer le radicalisme d’un Punk déjà moribond sur un canevas AC/DC à la limite de la parodie ?
Pas de quoi pavoiser, je vous l’accorde.
Oui, mais en France, il faut gratter pour laisser briller la pépite, rien n’arrive par hasard ni gratuitement. Il était inutile à l’époque de scruter le cher Hit Parade de Guy Lux pour avoir le frisson. Non. Il fallait fréquenter les salles, lire les ‘zines, discuter avec les disquaires, fouiner, s’acharner pour tomber sur LA perle qui collait la trique. Et le priapisme guettait, pour peu que les œillères soient enlevées à temps, sur un coup de bol ou par acharnement. Et là, les noms pleuvaient, et continuent encore de mouiller nos paupières d’adolescents attardés, même sans avoir connu ces années glorieuses. Peu importe.
Hard Rock, Blues, Expérimental, Punk, Progressif, tout était là… Pour un TRUST qui passait la rampe, Les VARIATIONS se plantaient lamentablement pour cause d’américanisme assumé, pour un TELEPHONE qui faisait vibrer les minettes dans les boums, un DYNASTIE CRISIS s’échouait sur les rivages de l’oubli. Et les exemples ne manquent pas, et ne mentez pas, vous avez les noms…
ANGE, OBSOLETE, TRIANGLE, ZOO, MOVING GELATINE PLATES, ils étaient tous là, et fracassaient le Jazz Rock ou le lyrisme décalé de ZAPPA sur le pare-choc de LED ZEP ou de KING CRIMSON/GENESIS/YES. Et là vous me direz… « D’honnêtes albums, de très bon musiciens certes, mais sous influence…Tudieu ! », et vous aurez encore en partie raison. Et même si Emmanuel Booz, Albert Marcoeur et Dashiell Hedayat fleuraient bon l’esprit libertaire et contestataire de l’aventure sans limite des 70’s, ils avaient tous une figure paternelle.
Mais certains, loin d’avouer la filiation ou de revendiquer l’adoption, se posaient en trublions, du genre à ne respecter personne, à n’adopter aucune école de pensée, sauf la leur. Pléthore furent d’ailleurs portés au pinacle, et on retiendra pour l’honneur Catherine Ribeiro et Alpes, Déficit Des Années Antérieures, mais surtout MAGMA.
Et arriva le Punk. Une fois de plus, comme avec bon nombre d’autres courants musicaux, la France de Giscard pris trois ou quatre wagons de retard.
Pensez, un épiphénomène purement Américain et/ou Anglais. What the fuck ?
Fuck Off justement.
La chose fut abordée de diverses manières. Et avec des timing différents. Certains s’en tirèrent avec les honneurs, comme les STINKY TOYS célébrés jusque dans la perfide Albion, d’autres se la jouèrent décalage HEARTBREAKERS, comme EXTRABALLE, se vautrèrent dans la poudre à l’instar de STRYCHNINE, s’embourbèrent dans le commercialo-caustique comme les traîtres de STARSHOOTER, et puis les autres s’accrochèrent à une poignée de singles soignés, la liste est longue, de GASOLINE à ASPHALT JUNGLE.
Tiens ASPHALT JUNGLE justement, ils avaient des potes un peu louches, qui ont incendié la scène du mythique Golf Drouot de leurs pamphlets/glaviots brûlants.
METAL URBAIN.
Et si j’ai choisi de vous en parler ce soir, ça n’est pas uniquement à cause de leur patronyme. Mais c’est certainement parce qu’ils furent ce que nous avions de plus dangereux à subir à l’époque, et qu’ils n’ont jamais été remplacés depuis.
Si beaucoup ont cru voir dans Fun House le disque le plus venimeux de la création, j’ai depuis longtemps choisi le camp de SUICIDE en ce qui concerne les névroses les plus profondes. Et justement, les tarés de METAL URBAIN partageaient bien des points commun avec le duo Vega/Rev. Même utilisation péremptoire et sadique des claviers/sequencers, même chant décalé qui arrache des soupirs de douleur à la colonne vertébrale, même détournement des fondements Rock pour n’en retirer que la rébellion, la douleur, et l’affrontement.
L’affaire avait commencé sur les bancs du lycée, lorsque Eric Daugu découvrit les tracts trotskistes et la lucidité d’extrême gauche. Attiré par ces visuels frappants et ces slogans coups de poing, le jeune Eric savait que sa destinée l’emmènerait sur une voie alternative, sans pour autant se douter qu’il contribuerait quelques années plus tard à la création d’un des plus fameux groupes du paysage Rock français. Une fois rebaptisé Eric Debris, il s’accoquina avec une paire de musiciens en devenir, Ricky Darling et Zip-Zinc, pour fonder De Sade, la première mouture de ce qui allait devenir le porte étendard du No Future à la française, METAL URBAIN.
Tout de suite, avec l’aide de Clode Panik, le trio sent qu’il peut se dispenser d’une structure Rock usuelle, et laisse ainsi le poste de batteur vacant, le remplaçant à l’instar de SUICIDE par deux synthés crachant leur dérive synthétique à la face d’une guitare haineuse.<br<
Sentant que le vent de l’anarchie allait les porter à bout de bras, ils s’empressèrent de créer l’évènement, et terrorisèrent le public sage du Golf Drouot et d’autres salles cultes parisiennes comme le Palace, avant de graver pour la postérité quelques jets de bile au format 7’’, seule stratégie payante selon eux.
« Panik/Lady Coca Cola » jeta le premier pavé dans la mare. Avec sa rythmique robotique et son chant véhément, le premier évoquait autant SUICIDE qu’un KRAFTWERK qui aurait muté avec un embryon des STOOGES. Une telle déflagration n’avait jamais eu de précédent en notre belle France, et les initiés avaient eux même du mal à y croire. Car non seulement les gus avaient l’attitude, et le son, mais ils avaient aussi le sens choc de la formule à l’emporte pièce qui tue. Aucune pitié, aucune nuance, il fallait foncer dans le tas quand le cadavre était encore frais.
Ainsi, des lignes comme « Tu braques le président, explose sa gueule, rouge rouge rouge et noir, poupée dégonflée » ou encore « Etat nation, république/cratie, crève salope, panik aujourd’hui ! » avaient de quoi traumatiser la patrie de Léon Zitrone…
« Lady Coca-Cola » ressemblait quant à elle à un poème synthético-déliquescent posé sur une trame à la THROBBING GRISTLE…Vous imaginez ? Chez nous ? Un tel fantasme ? Je comprends, c’est difficile, et ça l’était encore plus à l’époque, car METAL URBAIN fut et reste ce que l’Hexagone a produit de plus teigneux, de plus subversif et de plus violent.
Ce qui fut rapidement confirmé par le simple suivant, « Paris Maquis / Clé De Contact », aussi hargneux qu’une chaîne de vélo dans la gueule. Même sens de la formule, même tapis sonore ne laissant aucun répit, même urgence fatale, avec en exergue un « Assassine, l’état dans la poche, je te juge, l’état contre moi » qui résonne encore dans bien des caves parisiennes…
Avec un troisième court au menu, le dernier, « Hystérie Connective / Pop Poubelle », Éric Débris, Hermann Schwartz, Pat Lüger et Charlie H s’envolèrent pour l’Angleterre à la demande du célèbre DJ John PEEL pour deux sessions qui finiront sur cette compilation, seule trace vinylique longue durée jusqu’il y a peu.
Les Hommes Morts Sont Dangereux.
Plus qu’une compilation posthume, c’était un aveu de puissance, un contrôle total post mortem. Parce que tandis que leurs acolytes sombraient dans l’oubli ou se vautraient dans le stupre offert par une major en échange d’un adoucissement du propos/son, les MU s’en cognaient et charclaient tout à la ronde, sans se préoccuper des conséquences. Qui d’autre qu’eux pouvaient s’autoriser un débordement aussi nauséeux que « Crève Salope », délicieuse bordée d’injures à l’intention des frères ennemis Eudeline, Manœuvre et autres journalistes/gérants de salles/contemporains musicaux ?
« Crève salope, tu accouches d’un cadavre… »
Au-delà de ça, je ne veux plus savoir… Mais cette façon d’anticiper tous les courants à venir, du Métal froid à la New Cold Wave aiguisée ou non, en passant par le Punk Rock nihiliste/Metal minimaliste des 80’s et l’Alternatif Bondage (BERURIER NOIR fera de « Panik » un de ses leitmotiv/hommage, et une simple écoute du Hou La La des LUDWIG 88 suffit pour comprendre qu’ils ont bâti toute leur discographie sur le riff/rythme/chant de « Hystérie Connective ») fut quelque chose d’unique dans la grande encyclopédie du Rock français.
« Numéro Zéro », aussi vitriolé qu’un Alan Vega cuir et pas content. « Ultra Violence » froid comme un poignard planté dans le dos à l’aube. « Anarchie au Palace » aux guitares plus abrasives que TELEVISION ou les VOÏDOÏDS. « Snuff Movie », plus glauque et poisseux que les doigts de REED dans le VELVET.
Vous avez besoin d’autre chose ?
Etre le seul groupe français invité par monsieur PEEL, se voir adouber et produire par Jello Biafra pour l’album du comeback. Avoir influencé les JESUS AND MARY CHAIN. Et surtout, assumer, et n’avoir aucun regret.
Vous me direz sans doute, à la lecture de cette chronique, « Mais qu’est ce que tu viens nous faire chier avec ces vieux Punks ??? T’es con ? Va chier ! ».
Vous aurez peut être raison. Mais si la moitié des groupes de Metal français des années 80 avaient pu être aussi menaçants, hargneux, sincères, originaux, et sans compromis, alors nous aurions de quoi être fiers. Mais là n’est pas le cas. Car les METAL URBAIN étaient uniques, et devaient mourir. Et ils s’en branlaient grave. Les Hommes Morts Sont Dangeureux était plus Metal que 99% de la production de cette décennie maudite. Et l’est toujours. On ne se baptise pas METAL URBAIN par hasard.
Et si l’affaire a pris cette tournure, c’est qu’eux-mêmes se savaient condamnés d’avance, et déjà morts.
Et c’est pour ça qu’ils étaient aussi dangereux.
Ajouté : Samedi 21 Septembre 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Metal Urbain Website Hits: 7216
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