COILGUNS (ch) - Commuters (2013)
Label : Pelagic Records
Sortie du Scud : 25 février 2013
Pays : Suisse
Genre : Post Hardcore
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 50 Mins
L’hyperactivité n’est pas l’apanage d’enfants sautant d’une occupation à l’autre avec la rapidité d’un félin qui fond sur sa proie.
Dans le petit monde de la musique, certains musiciens n’ont jamais su canaliser leur créativité, et ont pondu une discographie aussi riche que la bibliothèque d’Alexandrie, sans jamais se demander si leur travail allait souffrir d’un manque de pertinence.
Alors, cela peut donner plusieurs résultats possibles.
Ainsi, l’œuvre de Frank ZAPPA souffre de plusieurs tomes dispensables, que l’auteur aurait pu passer sous silence.
Devin TONWSEND, selon ses détracteurs, se contente de répéter la même formule depuis quelques années, sans chercher à se renouveler. Postulat que je nie personnellement.
Et dans un registre plus intimiste, les suisses de COILGUNS se projettent sans cesse sous les feux de l’actualité…
Après trois EPs aussi novateurs qu’indispensables, ils nous reviennent encore une fois avec cette fois ci leur premier effort long format, sur le label Pelagic Records.
Commuters ? Onze titres, cinquante minutes ? Je suis preneur bien sur, moi qui me charge de vous suivre depuis vos (récents) débuts.
Mais si jusqu’à présent, vos livraisons se bornaient à respecter un format court, il va maintenant me falloir vous juger sur une durée bien plus longue, et surtout, en solo.
Alors, la rampe est elle passée ?
Après quelques écoutes attentives, et quelques autres plus détachées, la réponse est ferme et définitive.
Oui.
Car une fois de plus, et ce malgré des sorties assez fréquentes, les COILGUNS ont réussi à se renouveler. C’est d’ailleurs assez effrayant quand on y pense. Accumuler tant de publications, composer tant de titres et ne jamais se répéter. C’est l’apanage des grands créateurs me direz vous. Alors affirmons sans crainte que les suisses en sont.
Pour Commuters, ils ont choisi l’option « live ». Tous les titres ont été enregistrés en direct, en une prise, et malgré cette spontanéité, on sent que les morceaux présentés ici sont réfléchis.
Et cet album n’est rien d’autre qu’un condensé de toutes leurs facettes, avec toutefois un traitement inédit qui rend la synthèse nouvelle, presque surprenante.
Alors bien sur, l’agression sonore qui reste leur marque de fabrique est bien présente. Mais elle est ici teintée de multitudes de nuances subtiles qui la diluent sans pour autant la policer.
Un titre comme « 21 Almonds A Day » saura en témoigner, avec ses guitares tendues comme un acte de contrition douloureux, cette rythmique pesante et pourtant brisée, et ce chant écorché qui a gagné en gravité.
Une mélodie maladive, une tension progressive, et l’auditeur fait déjà partie intégrante de l’univers tissé par les suisses.
Le diptyque « Commuters » est presque d’ailleurs le parangon de cette philosophie inductive, et pose la focalisation interne comme postulat participatif.
On n’écoute pas les COILGUNS, on s’investit, on respire, on entrevoit, et finalement, on retombe sur nos pieds, d’une façon que le groupe a voulu depuis le début.
Et cette attitude consistant à décomposer le bruit pour mieux le maîtriser est véritablement impressionnante. Car si la première partie de ce diptyque éponyme fait la part belle au chaos le plus pur, avec des guitares en embuscade et une rythmique à la limite de l’apoplexie (qui finalement paient leur tribut à DILLINGER ESCAPE PLAN de la façon la plus détournée), la seconde n’est qu’une longue digression oppressante, basée sur des lignes vocales déclamées et des arpèges inquiétants, qui rappellent – aussi saugrenu que cela puisse paraître – le MAYHEM de Grand Declaration Of War.
Et comme d’habitude, le groupe nous prend à contre-pied, et oppose la construction ressentie à la sauvagerie primale, en proposant l’intermède « Machines Of Sleep » à la suite de ce pamphlet introductif. Moins de deux minutes de dissonances, de haine vomie à la face du monde, qui se permet même le luxe de multiplier les motifs en un temps relativement court.
Et lorsque le groupe s’amuse de ses influences, il nous pond un chef d’œuvre de fusion comme « Minkowski Manhattan Distance ».
Un riff d’intro que n’aurait pas renié le SLAYER de la grande époque, un tempo épileptique à la ENTOMBED de « Wreckage », suivi d’une longue litanie éprouvante qui constituait la marque de fabrique de Christian Fetish. Un véritable canon à électrons qui aurait tourné fou, et qui canaliserait sa puissance dans X directions différentes pour être sur de ne manquer aucune cible.
Et si « Flippists/Privateers » nous démontre une fois de plus l’aptitude des suisses à nous faire danser sur une seule jambe en multipliant les décalages, « Earthians » s’autorise une clôture dans la plus grande tradition NEUROSIS / NAPALM DEATH, avec un immense tombereau, aussi fertile que putride, et qui laisse une impression hantée bien des heures après la fin de l’écoute.
L’hyperactivité peut donc parfois déboucher sur une créativité indéniable, et loin d’être un handicap subi, elle peut se révéler un atout formidable, pour peu qu’on sache l’apprivoiser, la dompter, pour l’utiliser à des fins bien précis.
En puisant dans des réserves qui semblent inépuisables, et en tentant quelque chose de neuf sans pour autant se trahir (pour cet album, les COILGUNS ont multiplié les pistes de guitare, et utilisé des claviers), les suisses s’affirment de plus en plus comme les leaders d’un scène DIY underground, qui nous ramène à l’âge d’or du Hardcore des années 80.
Et en ces temps de formatage créatif et de marasme musical, le tour de force n’en est que plus remarquable.
Ajouté : Mardi 19 Février 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Coilguns Website Hits: 10032
|