Après les groupes toulousains, les labels toulousains. La scène Midi-Pyrénéenne n’a jamais fait preuve d’un tel état de grâce. Et c’est tant mieux, car ses sorties fracassantes sont d’un intérêt non-discutable. Cette fois, c’est Useless Pride Records, par le biais de THE GREAT DIVIDE, qui se fait remarquer. Et malgré trois ridicules références dans son catalogue, on peut dire qu’UPR n’a pas signé que des brêles. THE GREAT DIVIDE donc, mais aussi THROUGH MY EYES et un nom qui doit forcément commencer à vous parler : ALEA JACTA EST (à ne pas confondre avec ITE MISSA EST). Ça démarre bien. Quant au groupe parisien dont nous allons analyser l’œuvre ci-dessous, on peut rajouter qu’il se compose de cinq cerveaux, parmi lesquels Fab, un ancien de la maison PROVIDENCE et Julien Taubregeas qui officie aussi dans MEMORIES OF A DEAD MAN (lire par ailleurs).

Avec sa pochette très graphique et révélatrice de certaines tendances qui sont doucement en train d’entrer dans les mœurs (John Baizley like this), Tales Of Innocence And Experience introduit THE GREAT DIVIDE avec fracas dans la sphère Metal française. Et à une position plus que confortable. Bien que s’agissant d’un premier jet, l’album (ou plutôt le groupe) possède déjà une certaine maturité dans sa musique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le titre de l’opus mentionne l’innocence et l’expérience. Les Parisiens en sont convenablement pourvus. Pourtant, le Hardcore, surtout quand il est mélodique, demande pas mal de réflexion pour ne pas verser dans le délire adolescent (seule la chanson « Experience » maintiendra l’ambigüité). Demandez à CLOSE YOUR EYES. THE GREAT DIVIDE est vacciné. On le remarque immédiatement sur « Break This Wall », une cavalcade rythmée, un peu Punk dans le jeu de batterie et très américaine dans l’esprit. Le chant hargneux de Sébastien s’assimile assez vite, non sans rappeler le cri âpre et disputé d’un certain Mike Hranica (THE DEVIL WEARS PRADA). Ce premier morceau se termine d’ailleurs de façon étrangement Heavy, sans que ça ne choque personne. La suite sera du même acabit ; une accumulation de choix surprenants et de dispositions plus raisonnables, mariées avec élégance mais fermeté. Scott Wade (pas celui qui dessine sur des pare-brises dégueulasses mais l’ex-gueuleur de COMEBACK KID) apportera ses vocaux à « Leave Tomorrow » et sa contribution fera plonger cet opus dans une dimension totalement inattendue. En plus d’être parfaitement jouée, la musique de THE GREAT DIVIDE devient prestigieuse. Et ce n’est pas son côté relativement expéditif (9 chansons pour 24 minutes) qui démystifiera l’affaire. Bien au contraire. Une dizaine de minutes de rab’ n’aurait pas été de trop. Alors pour se consoler, on repassera « Innocence » et ses très beaux chœurs ou encore « Our Time » qui voit participer un Vithia dont le chant très expressif varie la palette vocale. Le chant clair est, quant à lui, pratiquement inexistant et quand il débarque, il apporte un vrai plus. On n’est pas dans une logique d’exagération et de gavage qui nuit à la plupart des productions similaires. Aussi étonnant que ça puisse paraître, je trouve que Tales Of Innocence And Experience fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et qu’il sera susceptible de plaire à un public plus large que celui qu’il prétend toucher.

C’est avec ce genre de production, énigmatique et magnétique que j’ai l’impression d’avancer dans ma mentalité étriquée de petit chroniqueur prétentieux. THE GREAT DIVIDE s’est totalement désinhibé de toute forme de pression artistique et suit ses envies avec fluidité. Ça aboutit, en toute logique, à un disque touffu, pas forcément super puissant puisque très mélodique, mais en tout cas généreux au possible. THE GREAT DIVIDE s’ajoute donc délibérément à ma liste de « groupes à suivre », qui commence d’ailleurs à prendre une sacrée ampleur. Pourvu que ça dure.