OLD MAN GLOOM (usa) - No (2012)
Label : Hydrahead Records
Sortie du Scud : 26 juin 2012
Pays : Etats-Unis
Genre : Sludge / Post Metal
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 56 Mins
Faites sonner le tocsin, sortez les linceuls noirs et arborez s’il vous plaît votre mine la plus sombre pour célébrer comme il se doit le retour de OLD MAN GLOOM, après huit ans d’absence.
Pour ceux d’entre vous qui ne connaîtraient pas ce groupe, sachez qu’il fut formé à la fin des années 90 par Aaron Turner (ISIS) et Santos Montano (ZOZOBRA), autrement dit, une paire de musiciens joyeux, toujours prompts à dégainer une bonne blague et à détendre l’atmosphère. Depuis, d’autres joyeux drilles gravitent autour de ce side project dont la production est très irrégulière, comme Nate Newton (CONVERGE) ou encore Caleb Scofield (CAVE IN).
Il y a huit ans, OLD MAN GLOOM nous avait offert le magnifique Christmas, véritable pavé de dissonances écorchées, de hurlements inhumains, et d’ambiances pesantes et menaçantes. Ils avaient convertis nombre de fans de Post Hardcore/Sludge friands de douleurs sonores, qui depuis – tout en se consolant avec les sorties des groupes d’origine des musiciens – n’avaient plus rien à se mettre sous la dent.
Ceux-ci vont donc pouvoir se soulager l’âme avec cette nouvelle livraison, qui aura eu un temps de gestation éléphantesque.
Ainsi, No est maintenant disponible, et il va falloir en parler. Si vous êtes un habitué de la musique d’ISIS, ZOZOBRA et CONVERGE, vous savez à peu près à quoi vous attendre. Un déluge de plomb régulièrement secoué d’interventions aux connotations bruitistes et douloureuses, parsemé de lueurs acoustiques apaisantes uniquement là pour vous déstabiliser. Et c’est bien évidemment ce à quoi vous aurez droit.
Christmas était solide. Les chansons le composant étaient mûrement réfléchies, la direction évidente, et la conclusion logique. Nous étions donc en droit d’attendre huit ans après la même chose, la maturation en plus.
Mais c’est plus compliqué que ça. La nature des musiciens les poussant sans cesse à surprendre, les choses sont un peu plus compliquées qu’on aurait pu le croire de prime abord.
Car une fois la longue intro « Grand Inversion » lancée, le panorama se dessine. Des sons, stridents, caverneux, le silence, tout s’entrechoque en un ballet inconfortable qui place d’entrée l’écoute sous une lumière parfois blafarde, parfois aveuglante.
Puis les guitares assument leur rôle lorsque « Common Species » déboule, et nous plongeons la tête la première dans les hostilités. C’est abrasif au possible, bancal, incarné, en gros, la tradition assaisonnée d’une bonne pincée de production moderne. Le rythme dans toute son inconstance oscille entre charges furieuses et pesanteurs étouffantes, tandis qu’Aaron hurle à s’en décoller la plèvre. Pas de doute, OLD MAN GLOOM n’a pas oublié la recette de cette musique malsaine qui nous fait nous retourner pour nous rassurer quant à la présence d’un monde que nous avons toujours connu. Long break plombé, murmures inquiétants, répétitions, arrangements criards et dérangeants, tout est là. Même le final bourré de larsen et de raclements de gorge surhumains. Huit minutes d’avertissement qui feront fuir les plus fragiles. Ce qui est le but en soi.
Sans chercher à détailler l’album dans son intégralité, il convient de noter que malgré ses longues et fréquentes digressions qui induiront pas mal d’entre vous en erreur sur la piste de la versatilité incongrue, No possède une cohérence, une force, merveilleusement démontrée par cet aspect justement si instable, qui ne vise qu’à plonger l’auditeur dans un état de paranoïa ambiante et d’insécurité musicale.
Et même si les structures et les riffs affichent parfois une similarité qui peut tendre à la redite, il n’en est rien. Il s’agit juste de poser un climat, d’instaurer une ambiance quasi palpable, et de fait, de rester fidèle à une recette éprouvée et de respecter une logique indispensable. ISIS et NEUROSIS, les deux piliers de ce Post Hardcore bruitiste et basé sur de longues séquences, travaillent en ce sens depuis des années.
On a d’ailleurs la sensation, au final, d’écouter une piste unique, découpée en plusieurs segments. L’organisation interne des titres est à ce point chaotique parfois (les répétitions industrielles suivies d’une instrumentalisation planante et inversée intervenant en plein milieu de « The Forking Path en sont la plus belle illustration), que No semble avoir été dessiné comme un tout, et non pas comme une somme de parties.
Et cette impression dure jusqu’au titre final, le très long « Shuddering Earth », qui semble condenser les quarante minutes précédentes en un seul effort d’un quart d’heure.
Certains trouveront que l’évolution séparant Christmas de No est finalement assez faible. Mais avec des side project comme OLD MAN GLOOM, qui privilégie la pertinence d’un propos prenant son temps pour s’installer, c’est somme toute assez logique. Il est vrai que la disparité chronologique de leur production – assez dense les premières années – n’aide pas forcément à la compréhension, mais il convient d’appréhender leur œuvre comme un concept global, reposant sur la négation de l’espoir d’une quelconque humanité, négation parfaitement illustré par No, qui dans son titre même est un aveu de refus intrinsèque.
Et malgré son apparence désabusée, No reste un formidable cri de haine et de volonté à l’égard d’un monde qui se meurt, et d’humains ne faisant rien pour inverser le cours des choses.
Il est donc plus à prendre comme l’expression d’une douleur sincère et intense face à l’indifférence, qu’un constat de nullité d’espoir.
Un appel, plus qu’une fin de non recevoir.
Ajouté : Mardi 04 Septembre 2012 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Old Man Gloom Website Hits: 7030
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