CELTIC FROST (ch) - Monotheist (2006)
Label : Century Media Records
Sortie du Scud : 29 mai 2006
Pays : Suisse
Genre : Death Metal Progressif
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 73 Mins
La force des sagas, c’est qu’elles sont entièrement soumises à la volonté de leurs créateurs. Que celui-ci désire les continuer, et réanimer des personnages que l’on croyait sombrés corps et âme, et l’histoire reprend son cours, pour le meilleur et/ou pour le pire.
Alors lorsqu’en 2002-2003, des bruits envahirent le silence de l’orée des années 2000, propageant les effluves d’une reprise du travail de Thomas Gabriel Fischer, les esprits s’échauffèrent, les ragots s’animèrent, et les espoirs s’enflammèrent.
Nous en étions tous restés, une décade plus tôt, sur une note triste et un épilogue teinté d’amertume. Nous avions tant à attendre de notre groupe culte que nous avions tous eu du mal à accepter l’inéluctable.
Mais les faits étaient les faits, et la bête était restée à terre. Et nous étions tous conscient qu’elle n’avait pas eu la mort qu’elle méritait, qu’elle avait été achevée par petites blessures mesquines, et que l’estocade avait prit des allures de lapidation indirecte et fausse.
Alors quand la bête s’est relevée, plus noire, plus sombre, plus revancharde que jamais, le poème maudit pu enfin retrouver la plume qui l’avait abandonné, et se voir écrire sa dernière épitaphe en lettres de sang.
CELTIC FROST renaissait de ses cendres.
Avec le fidèle lieutenant Martin Eric Ain à ses côtés, en tant que bassiste, chanteur et co-producteur de l’album avec Peter Tägtgren, et une nouvelle section rythmique, Thomas revint une dernière fois prouver que son groupe était l’incarnation même du mal et des ténèbres, et réclamer sa part d’héritage. Mais encore fallait il avoir le discours à la hauteur de ses exigences, et nous étions nombreux à craindre qu’une fois encore, les mots ne résonnent vainement contre les parois de l’échec.
Mais Monotheist ne déçu point.
Au contraire, il raviva la flamme avec une noirceur insondable.
Le titre en lui-même était fort bien choisi. Nous avions hésité entre tant d’idoles d’infortune que nous en avions oublié qu’il n’y avait qu’un seul Dieu de l’obscur, le FROST.
Et en retrouvant en ouverture de « Progeny » ce larsen qui nous avait tant manqué, les repères revenaient, mais simplement pour assurer la transition. Le FROST de 2006 était lourd, compact, agressif comme jamais, et bien décidé à récupérer son trône. Avec un son si ample que les enceintes en pleuraient (merci Peter…), la lourdeur de la musique le disputait à l’épaisseur du climat, qui, si on le désirait vraiment, se rapprochait plus ou moins des idées développées sur To Mega Therion. Avec « Ground », et en seulement deux morceaux, le titan se relevait, et sa stature était si immense qu’il nous cachait du soleil. Bien décidé à laisser sur le bord de la route ces tergiversations vocales qui en avaient agacés plus d’un, la voix de Thomas se faisait incantatoire, profonde et menaçante, quant à la basse de Martin, calqué sur une batterie/pulsation métronomique, la percussion de ses cordes tonnait dans un ciel orageux comme un éclair divin.
Avec Monotheist, CELTIC FROST réussit le triple exploit de se renouveler sans trahir son esprit originel, de s’adapter à une époque dans tomber dans l’opportunisme, et de livrer l’un des meilleurs albums de sa carrière.
Et, véritable tour de force, de retrouver sa crédibilité, sans s’auto citer ni sur abuser de références au passé…
Avec des textes parfois directement inspirés par les œuvres d’Aleister Crowley, le FROST fait la nique à bon nombre de groupes de Black et Death Metal, se rappelant à leur bon souvenir, et intègre de longues intros toujours réussies, tout comme ces voix féminines qui avaient à de nombreuses reprises parsemé ses albums précédents.
Alors, tel un monolithe soudain, Monotheist produisit le même effet qu’un orage intégral et imprévisible. Sa cohérence diabolique le confine même au mystique, même si certaines interventions se dégagent de l’ensemble, d’une manière ou d’une autre.
Et ce sont généralement les pièces les plus calmes qui dénotent particulièrement, apportant à l’ensemble des respirations évitant la suffocation.
Dans l’ordre chronologique, la première surprise est « A Dying God Coming Into Human Flesh », chanté par Martin Eric Ain, qui offre une symbiose effrayante de passages plombés dominés par des guitares strangulatoires, et de longues évocations vaporeuses et délicates.
« Obscured », qui noue les voix de Simone Vollenweider et de Tom, ressemble à une longue oraison conviant au temple ACID BATH et DEAD CAN DANCE.
La partie finale, composé des trois segments "Triptych: I. Totengott", du très long "Triptych: II. Synagoga Satanae", et du final instrumental "Triptych: III. Winter (Requiem, Chapter Three: Finale)" (qui achève aussi le faux triptyque Requiem débuté sur Into The Pandemonium) était sans doute aussi la plus belle des manières pour achever une histoire commencée vingt ans auparavant. Epitaphe sonore majestueuse, constituée d’une partie centrale entourée en quelque sorte d’une intro démoniaque et d’une outro lugubre, elle restera comme ce que le groupe a proposé de plus accompli et de plus fidèles à ses ambitions.
« Synagoga Satanae », avec son quart d’heure pesant, représente en quelque sorte le pendant moderne, froid et réfléchi de « Triumph Of Death », que l’on trouvait sur le mini LP d’HELLHAMMER. Même hargne schizophrénique, mêmes invitations vocales perverses, mêmes excès dans la démesure de la douleur. Avec un pont central voué à la souffrance vocale et au chaos non musical, c’est le purgatoire idéal de Monotheist, et son écoute prend souvent les atours ascétiques d’un chemin de croix.
D’autres morceaux passent aussi très habilement la rampe, « Drown In Ashes », subtil et grondant, avec une fois de plus en contrepoints de la gravité de Tom les nappes délicieuses de Lisa Middelhauve de XANDRIA, et surtout « Domain Of Decay », sans doute le morceau le plus claustrophobique du LP, et celui qui se rapproche le plus d’un HELLHAMMER contemporain.
Alors…
Les réactions envers cet album furent encore une fois disparates et contradictoires. Certains crièrent à la supercherie, d’autre au génie. Sans pouvoir blâmer les opposants, et en tolérant bien sur le libre arbitre, je n’ai vu en ce Monotheist qu’une preuve de plus du caractère indispensable et novateur du FROST. Car même après quinze ans de silence, le groupe arrivait encore à nous surprendre, tout en ne ressemblant qu’à lui-même. Certes, et c’est encore une concession que je fais aux non amateurs, sa durée ne faisait qu’augmenter l’impression d’uniformité qui pouvait parfois tanguer du côté du manque d’inspiration, mais en se référant aux œuvres antérieures du groupes, il apparaissait que Monotheist n’en fut que le prolongement logique, comme une créativité condensée enfin libérée de tout carcan d’exigence. En réunissant au sein d’un même effort le caractère brut d’Apocalyptic Raids/Morbid Tales, le désespoir sombre et ultime de To Mega Therion, et les débordements émotionnels d’Into The Pandemonium, tout en faisant l’impasse sur l’hérésie de Cold Lake et la convalescence de Vanity/Nemesis, Tom avait enfin réussi à présenter au monde SA conception de la musique. Intransigeante, unique, instantanée et pourtant mûre, novatrice et séculaire, anecdotique et séminale.
En gagnant son pari, il refermait malheureusement les portes du cauchemar.
Mais même s’il parait sensé de croire que CELTIC FROST ne sera plus, même si, cette fois ci, la bête semble avoir poussé son dernier et terrible râle, la nuit ne fait que commencer pour nous. Peuplée de contes morbides, de grandes créatures abyssiniennes, d’enfer de Dante et de vanité. Merci à toi Tom, de nous avoir entraînés sur les rives de ton Styx.
Nous pouvons à présent remettre nos capuches, et mourir dans la forêt.
Discographie Complète de Celtic Frost :
Morbid Tales / Emperor's Return (Album - 1984),
To Mega Therion (Album - 1985),
Into The Pandemonium (Album - 1987),
Cold Lake (Album - 1988),
Vanity/Nemesis (Album - 1990),
Parched With Thirst Am I And Dying (Best-Of - 1992),
Monotheist (Album - 2006)
Metal Impact Bonus :
HELLHAMMER (ch) - Apocalyptic Raids (EP - 1984),
HELLHAMMER (ch) - Demon Entrails (Best-Of - 2008),
Order of The Tyrants (Tribute - 2003)
Ajouté : Mercredi 04 Mai 2011 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Celtic Frost Website Hits: 13374
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