Pour un passionné de rock, l’Angleterre était un véritable El Dorado à la fin des années 70. Pas un mois ne passait sans qu’une nouvelle tendance, un nouveau son, un nouveau groupe culte n’émerge de ce formidable bouillon de culture. Mais ce qui était un paradis pour les fans pouvait devenir un enfer pour les groupes : comment trouver sa voie dans une industrie musicale où les courants musicaux ne se comptent plus et où une mode chasse l’autre en un éclair ? En voyant comment John Lydon s’est fourvoyé dans son projet PIL après la carrière-éclair des SEX PISTOLS, on comprend que le terreau musical de l’époque tenait plutôt des sables mouvants.
Pourtant, quelques groupes plus clairvoyants vont réussir à synthétiser les principaux courants de l’époque, se les approprier pour créer leur propre son, trop sophistiqué pour être du punk, trop violent pour de la new wave, trop expérimental pour du Metal… Certains critiques appelleront ça du « post punk ». KILLING JOKE est de ceux-là. Emmené par Jaz Coleman, illuminé notoire, le groupe sera remarqué dès ses premières démos, grâce à une musique encore très punk mais déjà marquée par le son de guitare si particulier de Geordie Walker et les éructations du fou-furieux Coleman.
Le premier véritable album sort en 1980. Dès le morceau d’ouverture, les frontières entre les différents styles musicaux de l’époque volent en éclat : au synthé glacial de l’intro répond une rythmique chaloupée tirant vers le reggae. Génial et unique. Puis déboule le tube « Wardance », véritable brûlot punk sur fond de bruits électroniques tels qu’on en retrouvera chez les groupes de Metal Indus dans les années 90. Plus loin, l’instrumental « Bloodsport » mêle une ligne de basse disco et la batterie tribale qui deviendra une marque de fabrique du groupe. Suit le génial « The Wait » qui contient sans doute le riff le plus méchant jamais entendu jusqu’alors. Il faudra attendre METALLICA pour retrouver des riffs d’une telle puissance. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les « four horsemen » ont repris ce titre de KILLING JOKE en 1987.
Je ne vais pas m’étendre sur chaque titre de l’album mais sachez que tout le reste est à l’avenant. 30 ans après sa sortie, cet album compose encore une large part du répertoire live du groupe, et ça n’a rien d’étonnant. On ne compte plus les groupes Metal influencés ouvertement ou non par KILLING JOKE. Et ce premier album y est pour beaucoup. On peut même y voir un précurseur du Metal Indus avec 10 ans d’avance.
A noter: l’album a été réédité en 2005 avec 5 titres bonus, dont l’excellent « Change ».