GLOOMY EMBODY ABYSMAL (FRA) - Suicidal Art (2010)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 12 octobre 2010
Pays : France
Genre : Black Death Metal Mélodique Atmosphérique
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 43 Mins
Le suicide est un thème plutôt délicat à aborder si l’on veut, en tant que groupe, être pris au sérieux. C’est pourtant le sujet dont traite ce premier album de GLOOMY EMBODY ABYSMAL, obscur patronyme derrière lequel agit un seul jeune homme, originaire de Langres : Dyp. Les plus fidèles lecteurs se souviendront qu’il est également le frontman de la formation de Death Mélo MOONLORD. Toutefois, avec ce projet solo, peu de chaleur se dégage de sa musique puisqu’il opte principalement pour un Black Atmosphérique désespéré. Après deux démos et un split ne proposant rien de bien transcendant, il a fallu que survienne un évènement on ne peut plus tragique pour que Dyp conçoive, finalement, Suicidal Art, catharsis de son âme et de son esprit.
Précisons, pour commencer, que le maître à penser de ce projet a décidé de réaliser, ici, un album conceptuel, appuyé, tout comme KALISIA, de noms entre crochets représentant chaque piste et servant de fil conducteur. Si la pochette, guère enthousiasmante, et les multiples citations présentes dans le livret, encensant le suicide, peuvent faire perdre crédibilité à cette œuvre, il suffit de l’écouter pour prendre conscience du sérieux de l’ensemble et du travail qu’ont nécessité les compositions pour permettre au thème principal d’être développé en cohérence avec la musique. Ainsi, l’album débute sur un triptyque torturé, l’instrumentation y est principalement dense, oppressante, et les vocaux tourmentés, symbolisant le conflit intérieur du protagoniste avant de vouloir disparaître, tandis que les derniers morceaux se veulent plus représentatifs d’un chagrin considérable et d’une libération, dû à davantage de mélodie de la part des guitares et une agressivité réfrénée.
D’emblée, l’on constate l’influence importante laissée par SILENCER. En effet, tout comme Death - Pierce Me, unique album du groupe suédois, « Suicidal Art » entame l’opus français avec des arpèges de guitare aériens, sur lesquels viennent ensuite se poser riffs saturés, batterie dynamique et un hurlement torturé, à l’image de celui de Nattramn. Les nombreux borborygmes vocaux, tels que des râles, des toux prononcées, des raclements de gorge, ou encore des rires déments y sont également une référence directe. Toutefois, Dyp ne propose pas un type de chant aussi anti-mélodique et aliéné que celui du Suédois. On y trouve, plutôt, davantage de similitudes avec celui de Kim Carlsson de LIFELOVER, du fait de son registre désespéré mais conservant quelques harmonies. Cependant, le jeune homme ne se cantonne pas à un seul style de chant et montre une palette vocale variée, évoluant d’après le concept. Ainsi, ses premières invectives présentent un type de chant peu conventionnel, dédoublé entre une ligne déchirée, porteuse de nombreuses peines, et une plus claire, ce qui accroît l’esprit torturé des morceaux. Cette prestation vocale ne reste pas non plus monotone et se révèle, par moments, réellement poignante, du fait de la douleur exprimée, comme sur « Suicidal Heart », et « Suicidal End », où ils se montrent quasiment mourants, agonisants, ou bien imposante, lorsqu’il tend davantage vers le growl, conférant plus de puissance à son intervention. Lorsque les pistes se situent à l’instant de l’après-suicide, le dédoublement est nettement moins important, privilégiant un chant plus direct et rocailleux mais que l’on sent extrêmement chagriné, ou bien une voix claire, grave, et émotionnelle. Hormis ces types de chants principaux, Dyp utilise également d’autres voix, plus ou moins claires, naturelles ou retravaillées avec des effets, et qui permettent d’élargir l’expérience musicale. Le résultat n’est pas toujours réussi, à l’instar des couinements maladroits de « My Funeral », qui possède néanmoins des paroles entonnées lui apportant un charme certain. Enfin, sa compagne, GJ, apporte une touche sensible sur « With Love, From The Cemetery », en enrobant délicatement les lignes du refrain, et pose également une voix éthérée sur la seule phrase d’intro de « Enclosure - We Would Do Anything », reprise d’un thème de la bande son de la saga vidéoludique Metal Gear Solid, qui contraste avec l’album du fait de ses lents accords clairs, cristallins, reflétant la liberté.
Une autre marque laissée par l’écoute de SILENCER, se trouve dans certaines soudaines envolées de folie, suite à de calmes interludes (« Suicidal Art »). Il faut dire que les compositions ne sont pas de simples répétitions haineuses de riffs saturés, sans cesse plombées de blast beats. Dyp parvient à éviter de se complaire dans l’homogénéité de titres similaires et propose des pistes plutôt différentes, certaines avec quelques expérimentations même, mais tout en conservant une cohérence qui sert à l’avancement du concept. En dépit des nombreux breaks et variations rythmiques et mélodiques qui permettent aux titres de ne pas stagner, à l’exemple de l’apparition soudaine, sur « With Love, From The Cemetery », de riffs saturés qui brisent l’atmosphère intimiste, mais la complémentent également, on y retrouve toujours une trame principale amenée par la guitare. Essentiellement agressives et acerbes au début de l’album, visant à accroître le caractère oppressif et tourmenté des titres, leurs riffs s’ornent d’une tonalité plus mélancolique et bouleversée alors que l’on approche de la fin. Parfois, oubliant même toute leur puissance, ce sont des accords clairs, abattus, qui ponctuent les compositions, renforcés par un clavier solennel, à l’image de « Suicidal End », ou encore « With Love, From The Cemetery » qui, par contre, se pare aussi d’un solo plutôt pauvre, mal adapté à l’ambiance du moment. Rarement utilisés, et toujours relativement discrets, les synthés permettent seulement de densifier l’expression dramatique de certaines compositions et d’appuyer l’émotion recherchée, comme sur le titre précédemment cité où la mélodie devient poignante et mémorable.
Le réjouissement vient de la basse, disposant d’un relief vraiment appréciable et toujours clairement audible sur l’ensemble de l’album ; même lorsque l’instrumentation est plus effrénée, ses lourdes cordes résonnent perceptiblement succédant la batterie comme son ombre et prolongeant les notes de clavier. Si elle ne se montre pas des plus téméraires, le sublime pont rythmique accrocheur qu’elle domine sur « Suicidal Heart », accompagnée de percussions judicieusement placées, est à saluer pour son intégration fluide au sein du titre. C’est, par ailleurs, sur ce dernier que la rythmique est une des plus intenses de l’album, où des breaks massifs donnent la part belle à des accélérations endiablées. Hormis cela, l’agressivité est majoritairement apportée par les guitares distordues puisque la batterie reste loin des cadences infernales et des blast beats furieux du Black Metal, se contentant davantage de mid tempos, voire low, côtoyant par moment des influences Doom, dû à ses impacts tristes et désolés (« Suicidal End », « My Funeral »). Il faut, tout de même, préciser qu’elle est intégralement issue d’un logiciel informatique, et se montre vraiment correcte et organique, réussissant à conserver des dynamiques entraînantes et adéquates aux morceaux. Il arrive, tout de fois, que le mix soit inégal puisqu’elle manque de puissance sur certains passages mais s’avère martiale sur d’autres.
En outre, la production, réalisée par Dyp lui-même, dans son studio, permet un rendu sonore correct et plaisant de chaque instrument. Le son n’est pas non plus clinique, et le fait d’avoir conservé un aspect amateur sert mieux l’atmosphère développée sur Suicidal Art, suivant également le concept, torturée puis tragique, même si l’on aurait apprécié que l’ensemble soit davantage malsain, surtout pour un album de ce genre.
Enfin, deux autres pistes illustrent, dans leur entièreté, chacune une étape cruciale du parcours conceptuel purgateur réalisé par le Langrois. « At The Roots Of Heaven », ultime morceau de cet album, est loin d’être une instrumentale mélancolique. Ce soin aura été laissé à la piste précédente qui conclut, justement, la présence de l’âme sur Terre. Comme son nom l’indique, cette dernière piste traite de son élèvement hors du corps rigide, vers un idéal personnel, et se montre, de ce fait, plus agressive que le reste du disque. Ecrite par Guillaume Roquette (HILDE, ABDUCTION), le titre possède un esprit davantage Death Mélodique sur l’instrumentation mais, malheureusement, une production qui semble moindre au niveau des basses. Cela n’empêche pas de profiter du rythme dynamique et des excellents leads mélodiques qui le constituent, suppléés d’une prestation vocale growlée puissante et hargneuse. En outre, la structure de la section instrumentale est recherchée et variée, résultat d’un subtil travail de composition qui ne laisse jamais la monotonie s’installer, se servant judicieusement d’un break aérien acoustique pour intégrer une mélodie différente à l’ensemble, que l’on retrouve également en conclusion, mais au clavier cette fois.
Et, peu avant, au centre de l’œuvre, « [Syn]drom », sorte d’ovni musical, est censé portraire le passage crucial de la vie à la mort. Pour cela, Dyp s’est laissé entraîner dans l’expérimentation sonore pour créer une piste dérangeante, et également déroutante, sans réelle musicalité, pour correspondre au maximum à sa vision de l’évènement. Au programme, un morceau en deux actes, dont le premier se compose de plusieurs mouvements. Principalement constitué de distorsions extrêmes et grinçantes de guitares, que l’on croirait jouées avec un archet, il nous donne alors l’étrange impression d’être hors du temps, que celui-ci s’étire continuellement le long des cordes. Outre le break antinomique qui voit apparaître des guitares tronçonneuses, créant un rythme accrocheur reprit à la batterie, les riffs strident s’accompagnent d’une multitude de bruitages ambiants, (coups de feu, carillon, cliquetis), ou vocaux (cris aliénés, râles). Cette expérimentation atteint son paroxysme à l’issue de cinq minutes (que l’on jurerait avoir été plus longues) où toutes les sonorités précédentes se mêlent en un brouhaha infernal, à la limite du Noise, avant de laisser place à une instrumentation efficace, menée d’un lead saturé, appuyé d’une batterie solide, et qui se voit par la suite complété de riffs mélodiques, tandis que la rythmique évolue, pour se clôturer sur des arpèges atmosphériques. Une piste peu agréable donc, surtout dans sa première partie, mais qui parvient à rester cohérente et conserver l’intérêt de l’auditeur vis-à-vis des divers éléments et du déroulement du morceau, tout comme sur chacune des compositions.
Suicidal Art s’avère, par conséquent, être une réelle bonne surprise. Les caractéristiques n’étaient, au départ, pourtant pas à son avantage : un disque autoproduit, traitant du suicide, projet d’une seule personne ; on s’attendait davantage à un Black pauvre et rebelle, sans originalité, ni intérêt. Au lieu de cela, Dyp livre une œuvre personnelle et variée, aux influences palpables mais possédant tout de même sa touche propre dans l’évolution des différents schémas musicaux au sein des titres, et tout au long de l’album, mais également dans la propagation des ambiances et émotions qui, même si on les aurait appréciées plus malsaines vis-à-vis du contexte, restent éloquentes et cohérentes avec la vision établie par le jeune homme du voyage de l’âme d’une vie torturée à une mort libératrice. En outre, quelques expérimentations permettent à l’album de se démarquer de ses inspirations et, bien qu’elles ne soient pas toujours agréables à l’écoute, elles se révèlent tout de même intéressantes à suivre, à l’image de l’ensemble des idées développées sur ce premier opus.
Ajouté : Mercredi 23 Mars 2011 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Gloomy Embody Abysmal Website Hits: 11205
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