ANATHEMA (uk) - Le Trianon à Paris (13/04/15)
Date du Concert : lundi 13 avril 2015
Lieu du Concert : Le Trianon (Paris, France)
C'est une initiative assez rare que cette tournée d'ANATHEMA. Si les anglais ont l'habitude de se produire à Paris où ils ont des attaches et rencontrent un public fidèle, cette date au Trianon prend une allure particulière à la lecture du programme : le groupe va interpréter des titres de l'intégralité de son répertoire durant un show à rallonges de 3 heures. A priori, la durée mise à part, rien de bien exceptionnel, sauf que l'ANATHEMA de 2015, qui s'est installé dans un style extrêmement épuré, aux atours cristallin, n'a que peu de chose en commun avec ce qu'il était il y a 20 ans. On oublie parfois les débuts Doom-Death de ces garçons qui repoussent toute forme de facilité, comme ils le prouvent encore ce soir.
Voici donc une date à ne pas louper pour les fans de la première heure, pour qui l'espoir de réentendre les compositions des débuts s'amenuisait à mesure qu'ANATHEMA excellait dans son Rock atmosphérique. Tout d'abord, le lieu est sublime : les escaliers, les lustres, les dorures, le marbre... avant même d'entrer dans la salle elle-même, on est déjà bluffé ! La bâtisse, construite fin XIXème, a connu la Belle Epoque, le Music Hall, les opérettes, les grands noms de la chanson, mais aussi projeté des films, abrité des défilés tout en gagnant en prestige, à quelques mètres de l'Elysée Montmartre donc il n'était à l'origine qu'une dépendance. On passe alors les portes du théâtre lui-même et se laisse envelopper par une ambiance feutrée, presque religieuse, alors que Danny joue les premières notes de "Untouchable Pt. 1". Sur scène les lumières sont sobres, tout est sobre et net, pas de chichis. Dans la salle, les balcons sont bien remplis, et la fosse plus clairsemée. A 40€ la place, ça peut aussi se comprendre... Avant mon arrivée, un soucis technique a forcé le combo à revoir ses plans et Danny a interprété seul "Are you there ?" en guitare-voix. Ce sont "Anathema" et "Distant Satellite" qui avaient inauguré la soirée.
Celle-ci sera divisée en trois parties, en remontant dans le temps. La première heure est consacrée à l'ère progressive (1999/2015). "A Simple Mistake" de We're Here Because We're Here donne des frissons à chaque fois qu'elle est jouée en live et ce soir n'y déroge pas. Vincent semble habité par le puissance des dernières phrases et lorsque l'intensité des décibels retombe, l'émotion est palpable aussi bien sur les planches que dans le magnifique écrin où un public respectueux accueille les dernières notes. Magnifique. Superbe aussi le final a capella de Lee Douglas sur "A Natural Disaster", deux minutes de vocalises inspirées qui imposent le silence jusqu'au bout. Un public connaisseur et attentif qui, s'il tape trop souvent dans ses mains sur des morceaux qui ne s'y prêtent pas, sait toutefois apprécier les moments de grâce comme ceux-ci. "Closer" lui donne l'occasion de se lâcher, le sol vibre sous les impacts des pieds qui rebondissent au rythme de ce titre de A Natural Disaster, devenu incontournable avec ses tendances électro et Vincent au vocoder. Quel bonheur de voir ré-émerger A Fine Day to Exit, trop systématiquement mis de côté malgré de grosses qualités ! C'est "Pressure" qui est choisi, interprété avec puissance et une grosse partie de basse. "One Last Goodbye" vient clore ce premier chapitre, peut-être le titre le plus connu de "Judgement", grave, torturé, lamenté, un peu comme l'apparence un peu cliché arborée par Vincent, dont les boucles de cheveux cachent progressivement son visage à mesure que le concert avance, là où son frère Daniel affiche une mine radieuse et une attitude très apaisée. Une histoire de contraste.
Lorsque ANATHEMA revient, c'est avec Duncan Patterson en lieu et place de Jamie Cavanagh à la basse. Patterson, membre originel, est à créditer d'une bonne partie du concept et des paroles de l'album qui a réellement lancé le groupe dans le bain du progressif et lui a valu une vraie notoriété : Alternative 4. Il jouit d'un crédit important auprès des fans du groupe, qui lui lancent des déclarations d'amour entre les morceaux, sans que cela ne semble particulièrement l'émouvoir d'ailleurs. En réalité, l'accueil du groupe à Duncan s'est avéré assez froid, et ils n'ont pratiquement rien partagé le temps du set, ni regards, ni mots. Peut-être ces garçons se connaissent-t-ils depuis tropa longtemps pour prendre la peine de se montrer leur complicité... Cette seconde partie est consacrée aux trois albums qui ont marqué la transition du style d'ANATHEMA, et Alternative 4 est le premier mis en valeur avec "Shroud of False" puis "Fragile Dreams", mais aussi "Empty" et "Lost Control". Le groupe est à l'aise sur ces morceaux même s'ils ont pris de l'âge. L'émotion est contagieuse, et le bonheur du public bien réel. On aborde ensuite "Eternity" avec le touchant "Angelica" dans sa version revisitée, qui se révèle un moment fort de ce deuxième acte (avec le retour de Lee Douglas pour quelques notes), tout comme la trilogie "Eternity" dans son intégralité. On entre peu à peu dans les curiosités, des titres que nombre d'entre nous n'ont jamais vu joués live, comme les excellents "Sunset of Age" et "A Dying Wish" de A Silent Enigma. La maîtrise des atmosphères, mais aussi des rythmiques engageantes comme sur ce dernier titre, est une évidence, et si on a plaisir à voir ANATHEMA donner un coup de jeune à ces morceaux - malgré les quelques maladresses, notamment lorsque le chant death est de rigueur - on se dit aussi que ces gars-là avaient dès le début un talent de composition et une créativité assez impressionnante.
Nouvel entracte ! John Douglas reprend sa place derrière les fûts, Daniel Cardoso la lui laisse pour se poster aux claviers. Duncan repart comme il est arrivé, sans cérémonie. Darren White, premier chanteur du groupe, entre enfin en scène, avec un look improbable de père de famille tout propret. Il est acclamé par une frange du public qui n'attendait que ça. On constate que le Trianon s'est un peu vidé à l'approche des titres plus brutaux, ce qui n'empêche pas Darren de s'émerveiller du lieu, de l'instant, et de l'opportunité que lui a offert le groupe. On change alors de style, pour s'enfoncer dans des compositions Doom-Death lourdes, aux atmosphères pesantes, noires, souvent romantiques et éplorées. Les paroles, tantôt parlées, souvent hurlées, parfois chantées, témoignent d'une époque où ANATHEMA initiait sa carrière écorché vif, mais avec déjà une grande sensibilité artistique. "Kingdom" dans une version revue et corrigée, "Mine is Yours" ou encore "They Wil Always Die" semblent répondre à l'attente des fans, même s'ils déroutent une partie du public. C'était le risque évidemment, que les anglais ont très bien su prendre. Déstabilisés par l'obscurité de ce nouveau visage, mais emporté par l'enthousiasme de Vincent et Danny qui revivent leur jeunesse musicale, les spectateurs ont acclamé le groupe jusqu'au bout, et ce dernier rappel sur "Sleepless".
Cette tournée fera date dans la carrière d'ANATHEMA, à n'en pas douter. Rejouer les morceaux des débuts, c'était se mettre en danger vis-à-vis d'un public essentiellement acquis à la cause défendue sur les albums plus récents. Mais c'était aussi renouer avec ses origines, à un moment où, la quarantaine arrivée, les frères Cavanagh ont sans doute ressenti l'envie de regarder un peu derrière eux, eux qui ne cesse de faire évoluer leur art vers l'avenir. Une initiative tout à fait louable, qui plus est dans un cadre superbe. Bravo.
Set 1:
Anathema
Distant Satellites
Are You There?
(Danny solo, not planned and… more )
Untouchable, Part 1
Untouchable, Part 2
A Simple Mistake
A Natural Disaster
Closer
Pressure
One Last Goodbye
Set 2:
Bad Speech
(Roy Harper song) (intro)
Shroud of False
Fragile Dreams
Empty
Lost Control
Angelica
Eternity Part I
Eternity Part II
Eternity Part III
Sunset of Age
A Dying Wish
Set 3:
Kingdom
Mine Is Yours to Drown In (Ours Is the New Tribe)
Under a Veil (of Black Lace)
Lovelorn Rhapsody
They (Will Always) Die
Encore:
Sleepless
Ajouté : Dimanche 19 Avril 2015 Live Reporteur : JB Score : Lien en relation: Anathema website : Hits: 10590
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