SYSTEM OF A DOWN : Apocalypse Hollywood (2011)
Auteur : Ben Myers
Traduction : Florence Guichard
Langue : Français
Parution : 13 juillet 2011
Maison d'édition d'origine : I.M.P publishing ltd
Maison d'édition Française : Camion Blanc
Nombre de pages : 339
Genre : Biographie
Dimension : 21 x 14 cm
ISBN-10 : 2357791322
ISBN-13 : 9782357791329
Les bons sujets ne font pas forcément les bons livres. Les écueils qui se dressent sur la route de l'auteur sont si nombreux qu'il a beau tenir une idée en or, disposer d'un matériau de qualité et d'une documentation fournie, l'échec est plus fréquent que la réussite.
Avec SYSTEM OF A DOWN, Apocalypse Hollywood nous tenons un champion car malgré son sujet inédit, ce livre réussit l'exploit d'être à la fois mal écrit, mal construit et mal traduit.
L'auteur, Ben Myers, est l'archétype du chroniqueur Metal. Un fana qui veut partager sa passion. Né au milieu des années 70, Ben écoute à la fois du Hardcore et du Hair Metal dans les années 80. Il vit les années 90 comme une trahison. Le grunge prometteur est mort avant d'avoir pu exister, le Nu Metal ressemble à une vaste fumisterie, réunissant sous une même bannière artificielle des groupes creux et des clones mal dégrossis de KORN. Quand il est envoyé par Kerrang! à Wolverhampton pour couvrir le premier live anglais des californiens de SYSTEM OF A DOWN, le jeune américain de 23 ans vit une épiphanie. Il s'est enfin trouvé un groupe phare unique, révolutionnaire, transcendant. Au cours de la décennie suivante, Ben Myers suit l'ascension de SOAD qu'il interviewe à plusieurs reprises et se constitue un fonds documentaire qu'il utilise en 2008 pour leur consacrer un livre. Cet ouvrage paru en France en 2011 demeure à ce jour unique en son genre, ce qui en fait une pépite pour les fans et les curieux. Malheureusement, si le fonds est de qualité, la forme est extrêmement déplaisante.
Sur le fonds, l'histoire atypique de quatre américano-arméniens qui fondent un groupe de Rock et font un beau cocktail d'inspirations Metal et de musique traditionnelle enrichi par un chant protéiforme, des sujets engagés et des lyrics inspirés est un petit conte de fées moderne comme le sont toutes les success story du Rock. La carrière du quatuor californien n'a, en effet, rien de vraiment exceptionnel. Elle débute dans une salle de répétition, se poursuit dans des petis clubs de la région, subit un gros coup d'accélérateur lorsque la route du groupe croise celle du producteur Rick Rubin et se fait signer par une major, puis poursuit son implacable progression en ouvrant pour SLAYER, en participant au Ozzfest et en essaimant petit à petit sur les scènes de la vieille Europe. On parle de tournées, de répétitions, d'amitiés, de musique, de scène. On épluche les chansons à travers des track by track assez profonds, on raconte des concerts mémorables. Bref, il y a de la matière pour tout amateur de ce genre de biographie.
Malheureusement, l'intendance ne suit pas. Car même s'il est un bon interviewer et un fan incontestable, Ben Myers n'a rien d'un bon écrivain et sa fascination pour le gang de Serj prend un peu trop souvent le pas sur l'objectivité journalistique qu'on attend d'un biographe. La narration est poussive et manque de rythme, d'objectivité et de recul. Ben Myers assène des vérités premières sans prendre la peine de les étayer, enchaîne les lieux communs comme on enfile des perles, cite rarement ses source et ne laisse aucune place à la contre-analyse. Sur le Metal à proprement parler, l'auteur affiche un inquiétant manque de recul, sa connaissance de la scène se limitant au marché nord-américain et plus particulièrement au Nu Metal. Sur SOAD en particulier, l'auteur commet l'erreur commune à nombre de livres écrits par des fans : le sacrifice de la bonne foi sur l'autel de la passion. Rien n'est meilleur que SOAD, rien n'est plus génial que SOAD. Sous la plume de Myers, le combo atteint une dimension quasi messianique. On aurait vraiment envie de croire Ben Myers quand il assène des affirmations comme: "System Of A Down a su saisir peut-être plus qu'aucun autre groupe les sensations étranges imprégnant la psyché collective de l'homme à la fin du millénaire". Ou "Les deux groupes avaient des points communs, ils innovaient avec un franc parler qui avait fait voler en éclats leurs genres respectifs de plus en plus convenus." ou enfin "Des gens comme INCUBUS ne produisaient rien de plus que ce que vous attendriez de la part d'un groupe moyen." Malheureusement, l'auteur ne prend jamais la peine d'étayer, de justifier ses propos qui finissent par ressembler aux élucubrations d'un groupie aveuglé par l'aura de ses idoles et pas du tout à l'analyse objective et clinique d'un biographe.
Ces approximations et maladresses, couplées à une construction taillée à la hache et bourrée d'incohérences, de retours en arrière, d'imprécisions, de figures de style bancales et de mots parasites donnent l'impression de lire la rédaction d'un collégien, pataude et mal dégrossie.
La traduction française n'arrange rien puisque l'interprète s'est contenté d'une reprise littérale du texte sans chercher à franciser les expressions typiques ("hey, ils étaient encore des mecs métalleux élevés aux Etats-Unis après tout"), commettre des fautes de traduction grossières : "un site internant" au lieu d'un site internet ou les "contre-culturistes" pour les tenants de la contre-culture. Le texte jongle avec les temps des verbes, passant allègrement du passé simple au présent et du présent à l'imparfait sans que rien ne le justifie. Ces petits défauts pris séparément ne sont pas une véritable gêne, mais leur accumulation rend la lecture pénible.
Compte tenu de son sujet, et malgré son écriture affligeante, SYSTEM OF A DOWN, Apocalypse Hollywood a le mérite de l'inédit. En attendant une refonte du manuscrit original, une traduction plus professionnelle ou un autre ouvrage sur le sujet, cette biographie fait quand même le job. On peut remercier Camion Blanc de publier des livres originaux sur des sujets pointus, mais on préférerait que quelqu'un relise le texte final avant la mise sous presse. C'est la moindre des choses pour un livre vendu à 35 euros !
Ajouté : Vendredi 13 Janvier 2017 Chroniqueur : Rivax Score : Lien en relation: Camion Blanc Website Hits: 8330
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