ANOREXIA NERVOSA (FRA) - Mr Hreidmarr (Oct-2004)
Bien de l’eau a coulé sous les ponts pour les français d’Anorexia Nervosa depuis leurs débuts en 1995. En effet la formation a acquis un niveau et une originalité qui en font une valeur sûre et unique de la scène Metal française. A l’occasion de la sortie du quatrième album studio du combo, intitulé « Redemption process », Metal-Impact a tenu à interviewer Mr Hreidmarr (chant) à propos de ce nouvel album ainsi que de l’actualité du groupe.
Line-up : Maître Stefan Bayle (guitars), Pier Couquet (basse), Nilcas Vant (batterie), Mr. Xort (keyboards), Mr. Hreidmarr (chant)
Dicographie : Exile (1997), Sodomizing The Archedangel (1999), Drudenhaus (2000), New Obscurantis Order (2001), Redemption Process (Album - 2004)
Crédit Photo : LudoPix.com (Retrouvez d'autres photos sur ce lien)
Metal-Impact. Pour ceux qui ne connaissent pas encore le groupe, comment décrirais-tu la musique d’Anorexia Nervosa ?
Mr. Hreidmarr. Je dirais que nous sommes un groupe de Hard-Rock wagnérien, violent et solennel.
MI. Le nouvel album « Redemption Process » sort dans un mois, quel regard portes-tu sur cet album et comment penses-tu qu’il sera accueilli ?
Mr. Hreidmarr. Je suis extrêmement fier de cet album, et j'ai une totale confiance en lui. C'est une sorte de nouveau départ pour le groupe, c'est l'album qui nous a demandé le plus d'investissement jusqu'à présent, et ce à tous les niveaux. Je pense qu'il sera très bien accueilli, il y a vraiment quelque chose de particulier sur cet album, quelque chose de dur à décrire, un feeling qui fait la différence… Et l'enthousiasme des premières réactions que l'on a pu avoir jusqu'à présent nous laisse augurer du meilleur pour la suite.
MI. Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de l’enregistrement de cet album ?
Mr. Hreidmarr. En fait, pour cet album, nous avons complètement revu notre approche de l'enregistrement et de la production. Pour nous, ça faisait partie intégrante du besoin de se renouveler, de se réinventer, auquel je faisais allusion à l'instant en parlant de "nouveau départ". Nous voulions une production très organique, vivante, qui sonne "vrai", à contre-courant du côté chirurgical des prods actuelles, quelque chose qui aille dans le sens du côté à la fois sobre et sophistiqué de l'album. La basse et la batterie ont donc été enregistrées live, nous n'avons utilisé aucun trigg, et avons limité les effets de post-production au strict minimum. Tout cela a bien évidemment représenté une masse de travail considérable, les nouveaux morceaux sont beaucoup plus techniques, et nous devions les maîtriser à la perfection avant d'entrer en studio, ce qui ne se limite pas à savoir les jouer, mais aussi et surtout, à être capable de les faire "sonner". Toute la difficulté était là, pour chacun d'entre nous: parvenir à faire couler de source des morceaux très complexes, les rendre élégants et évidents, naturellement, simplement.
On a aussi beaucoup bossé sur le son des guitares et de la basse, on a testé pas mal de choses différentes, et on a finalement opté pour un son très gras, inspiré des prods Sunlight des premiers Entombed, Dismember, etc.
MI. Le choix de la reprise « les Tzars » d’Indochine est assez surprenante étant donné que le groupe ne figure pas parmi vos influences principales, peux-tu nous expliquer ce choix ?
Mr. Hreidmarr. Non, c'est vrai qu'on ne peut pas dire que ce soit une influence [Rires]. Mais nous sommes tous de vieux fans d'Indochine, et nous apprécions les reprises un peu décalées. Reprendre un groupe de la même mouvance n'a pour nous aucun intérêt. L'idée nous est venue lors d'une soirée, nous réécoutions une compilation de vieux tubes d'Indochine, et Stefan et moi nous sommes dit "pourquoi pas ?". Le lendemain nous avions maquetté la reprise. Nous n'étions pas du tout sûrs de l'utiliser au départ, c'était surtout pour se faire plaisir, pour se détendre un peu, nous étions en pleine écriture de "Redemption Process", et il y avait des moments où nous avions vraiment besoin de respirer. Mais nous nous sommes bien approprié le morceau, et vu que le résultat nous plaisait beaucoup, nous avons fait écouter notre version à quelques personnes de notre entourage, pour tester les réactions. Passée la surprise, elles ont toutes été vraiment positives, ce qui a fini de nous convaincre de faire quelque chose de cette reprise.
MI. « New Obscurantis Order » était sombre et introspectif alors que « Redemption Process » sonne beaucoup plus « lumineux », quels sont les thèmes abordés dans les nouvelles chansons et d’où vous est venue l’inspiration ?
Mr. Hreidmarr. Le fait est qu'après "New Obscurantis Order", nous avons eu le sentiment d'être arrivé à la fin d'un cycle, nous ne pouvions plus aller plus loin dans cette voie, et nous avons ressenti le besoin de trouver un second souffle, en quelque sorte. "New Obscurantis Order" était effectivement très sombre, très froid dans son approche, et ça correspondait parfaitement à notre état d'esprit de l'époque. "Redemption Process" est indéniablement plus "victorieux", même si paradoxalement, certains passages sont les plus tristes et tragiques que nous ayons pu composer, et que globalement, les textes sont beaucoup plus cyniques et désabusés qu'auparavant.
L'inspiration nous est venue simplement du monde qui nous entoure et de nos vies respectives. En ce qui me concerne, je pense que sur cet album, je me suis définitivement affranchi de mes influences au niveau de l'écriture. Disons qu'elles ont été clairement assimilées, "digérées", et qu'elles sont beaucoup moins lisibles que par le passé. Les textes sont plus simples, plus immédiats, je dirais, et aussi plus ancrés dans la réalité. Les thèmes varient d'un morceau à l'autre, mais le leitmotiv de l'album est une sorte de quête d'absolu, de pureté, physique et spirituelle, un chemin de croix à travers notre civilisation déicide, pour retrouver un peu de lumière…
MI. Quel a été le processus de composition des nouveaux morceaux ?
Mr. Hreidmarr. Ce fût très long, en fait, c'est l'album dont l'écriture nous a demandé le plus de temps jusqu'ici. Comme je te le disais, nous éprouvions un besoin de nous ressourcer, nous ne savions pas très bien où nous allions quand nous avons recommencé à composer après "New Obscurantis Order". Nous avons dû remettre en question pas mal de choses, sous peine d'aller droit dans le mur. Au début, nous avons commencé par travailler exactement comme nous l'avions fait pour "New Obscurantis Order", et nous avons jeté quasiment tout ce qui en est ressorti, on avait des morceaux qui sonnaient bien, mais nous ne ressentions rien à leur écoute, il manquait la petite chose indéfinissable qui fait toute la différence… Puis nous avons changé nos méthodes, tout le monde s'est beaucoup investi dans la composition, beaucoup plus qu'auparavant, nous nous sommes lâchés, nous avons laissé libre cours à nos vieilles influences, nous avons expérimenté pas mal de choses nouvelles que nous ne nous serions jamais permises auparavant. Nous bossions parfois sur quatre ou cinq morceaux en même temps, c'était un processus assez chaotique, et ce fût une période plutôt stressante, car nous étions bien conscients du temps que tout cela prenait, mais nous avions vraiment besoin de le faire, c'était pour nous le seul moyen d'arriver au résultat que l'on peut entendre sur l'album…
MI. Un petit mot sur la pochette de l’album : d’où vient-elle, pourquoi l’avoir choisi et que représente-t-elle par rapport à l’album ?
Mr. Hreidmarr. La pochette a été crée par S.E.C.T Metastazis, une boîte de design parisienne dont le travail avant-gardiste et subversif nous plait particulièrement. C'est une composition regroupant plusieurs œuvres de quelques-uns uns des sculpteurs majeurs du XVIIème siècle, dont on apprécie tout spécialement la force. Nous voulions une pochette avec des codes "classiques", quelque chose d'assez lumineux, au propre comme au figuré, qui évoque une élévation vers le ciel, et qui soit bien en adéquation avec le côté sobre et élégant de l'album.
MI. Quelle importance attachez-vous au look et au visuel ?
Mr. Hreidmarr. L'image fait partie intégrante de ce qu'est Anorexia Nervosa, pour nous, tout est lié, il n'y a pas de demi-mesure possible, car c'est ce que nous sommes. Nous ne jouons pas un jeu, nous ne calculons pas ça, c'est complètement naturel pour nous. Pour moi, un groupe qui néglige l'aspect visuel n'est pas un vrai groupe, car ça implique qu'il prend sa musique à la légère, qu'il n'est pas à fond dans ce qu'il fait, que c'est juste un délire comme un autre… C'est d'ailleurs une des choses qui empêche la scène française de décoller depuis des années, ce manque d'ambition et d'attitude, ce culte de la clochardisation musicale et cette phobie/frustration vis à vis de la "rockstar".
MI. Où en es-tu avec ton side-project Count Nosferatu Kommando ?
Mr. Hreidmarr. Le groupe est en stand-by pour l'instant… Notre label, Kodiak a cessé ses activités, et pour être honnête, nous avons un peu la flemme d'entreprendre de nouvelles démarches, je ne vois que très peu souvent Heinrich qui est plus qu'occupé par son travail, et passe son temps entre Nice et Paris… Tout cela fait que, pour l'instant, CNK n'est pas près de sortir un autre album. Peut-être que si un jour nous avons le temps de travailler sur de nouveaux morceaux, que nous ressentons le besoin urgent de les enregistrer, comme ce fût le cas pour "Ultraviolence Über Alles" et qu'un label nous fait un pont d'or pour que nous remontions le groupe sans que nous ayons à lever le petit doigt, nous reconsidérerons le problème…
MI. Il me semble que tu as participé au projet CRACK OV DAWN qui vient de sortir l’album « Dawn Addict » sur le nouveau label Equilibre Music. Si oui, peux-tu-nous en parler ?
Mr. Hreidmarr. Crack ov Dawn est un groupe qui n'a en commun avec Anorexia que ma seule présence. J'évite donc de trop en parler en interview, car je veux que les deux groupes restent bien distincts, je tiens à l'indépendance de Crack, je ne veux surtout pas que ce groupe soit relégué au rang de simple "side-project de Hreidmarr", ce qui n'est absolument pas le cas. Crack est un pur groupe de Glam-Rock moderne qui fera ses preuves seul, en écumant les clubs.
MI. Que représente pour toi le Metal et particulièrement le Black Metal et surtout comment vois-tu sa place dans notre pays ?
Mr. Hreidmarr. Le Black Metal se transforme de plus en plus en une grosse farce, on est très loin de ce que ça pouvait représenter durant les années 90… Personnellement, j'en suis resté là, et je ne me tiens plus vraiment au courant de ce qui sort actuellement, hormis les quelques groupes avec qui j'entretiens de bonnes relations au sein de cette prétendue "scène". Franchement, en France, hormis quelques très bons groupes, le concours du combo le plus "evil-sombre-froid-et-malsain" sonnant comme du Darkthrone sous Prozac ne m'intéresse que très moyennement. De toute façon, nous ne nous sommes jamais vraiment sentis appartenir à la scène Black, nous restons quoi qu'il arrive en marge de toute forme d’establishment, y compris celui de cette scène qui a tendance à devenir affreusement frileuse et consensuelle. Et je pense que c'est précisément pour ça que nous dérangeons et suscitons la polémique, nous avons toujours été et resterons un groupe subversif.
MI. Depuis les débuts du groupe, qu’est-ce qui a changé dans votre manière d’envisager votre musique ?
Mr. Hreidmarr. Nous sommes certainement plus "réfléchis" à présent, nous avons naturellement grandi, il y a moins de choses gratuites, plus de recul… Mais tout cela est très naturel je pense, au bout de quelques années, avec l'expérience, la manière d'aborder les choses évolue forcément, ne serait-ce que parce qu'on devient forcément meilleur techniquement, qu'on tire parti de ses erreurs passées, que l'on maîtrise simplement mieux son sujet…
MI. Quelle est ta playlist actuelle ?
Mr. Hreidmarr. The Virgin Prunes "If I die, I die" et "Hérésie" (remasters)
Rammstein "Reise Reise"
Interpol "Antics"
Ex Cathedra "MMIII"
Laibach "WAT"
Von Sirius "The Mystikal Doktryn of Spiritual Accomplishment"
MI. Quelle est la question à laquelle tu en as marre de répondre et quelle est celle à laquelle tu aimerais répondre (avec les réponses s’il te plaît) ?
Mr. Hreidmarr. Pour celle à laquelle j'en ai marre de répondre, je dirais celle-là, je crois [Rires]… Pour le reste, je ne sais pas vraiment, pourquoi je déteste le whisky écossais, par exemple ? Hein, pourquoi ? (ndlr : oui, pourquoi ?!)
MI. Un petit mot pour les lecteurs de Metal-Impact ?
Mr. Hreidmarr. On espère vous voir nombreux et déchaînés à la grand messe qui commence en novembre à Paris, et devrait s'arrêter prêcher la bonne parole près de chez vous très bientôt. Amen.
Ajouté : Samedi 09 Octobre 2004 Intervieweur : Cilou Lien en relation: Anorexia Nervosa Website Hits: 22242
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